Le Cour carré à Rennes, Un resto qui ne tourne pas rond

 À la demande de ses lecteurs et à la suite d’un premier article consacré à un restaurant rennais qui présente un très bon rapport qualité/prix, en particulier à l’heure du déjeuner, Unidivers va s’employer à étoffer une rubrique consacrée à la restauration à Rennes. Aujourd’hui, un établissement ouvert depuis quasiment un an, le Cour carré.

 

cinéma, film unidivers, critique, information, magazine, journal, spiritualité, moviesLe Cour carré est logé dans le ravissant hôtel particulier du Molant sis en bas de la place des lices. Si on n’y jouit d’aucune vue d’exception malgré les affirmations de la réclame, la terrasse est particulièrement agréable et la décoration intérieure réussie bien qu’au design assez standard.

La carte est simple : 5-6 entrées, viandes, poissons et desserts. Une simplicité qui est loin d’être un défaut et permet de vite repérer les axes de traitement retenus par le chef.

Le personnel est sympathique, mais peu formé comme nous avons pu le constater durant le dîner où nos questions les plus simples sur les préparations désarçonnaient les serveurs. Aussitôt assis, l’un d’eux nous proposa un plat du jour spécial : un bar entier. Il a vite couru en cuisine chercher une réponse à notre première question qui nous paraissait pourtant ad hoc : bar de ligne ou bar d’élevage ? La réponse nous a d’ailleurs renseigné qu’à moitié : « ce n’est pas un bar de ligne, mais tout de même de chalutiers » (un bar de chalutiers ?…).

En entrée, une ‘salade de langoustines’ et une ‘fraicheur d’avocat et de crabe’. Deux plats qui au final se ressemblaient par leur traitement sans tonalité. Outre des langoustines légèrement trop cuites, les miettes de crabe conjuguées à de la purée d’avocat en un maigre médaillon servi à 5 ou 6° ne laissaient aucun goût de joie en bouche. La carence d’herbes fraiches dans ces deux préparations insuffisamment travaillées n’était sans doute pas la dernière explication d’une mise en bouche sans éclat.

À la suite, un ‘filet de bar’ grillé et des ‘ris de veau’ (comme N. le répète souvent, la cuisine des ris de veau constitue bien souvent une bonne mesure de la qualité générale d’un restaurant). Dans les pas de l’entrée, le bar était fade, un peu trop cuit, mais bien frais. Idem pour les ris de veau et leur sauce mal déliée.

Quant aux boissons, on notera que la carte des vins présente quelques bons flacons. Nous avons choisi au verre un St Julien, un Chassagne-Montrachet, deux Chapoutier, un Crozes-Hermitage et un Condrieu ‘Invitare’. Bref, des valeurs sûres. Hélas, les servir à 7° équivaut à sceller d’un bouchon de cire un flacon de parfum. Remarque faite au serveur, ce dernier nous a répondu que lui non plus n’aimait pas que ces blancs opulents soient servis comme des champagnes, mais voilà, leurs bouteilles sont toutes ensemble au réfrigérateur… Sans commentaire. Outre cette aberration, à aucun moment, ni pour aucun verre, la bouteille correspondante ne nous a été présentée. Où donc est passé le plaisir de l’étiquette ?… C’est incongru tout de même un service de trattoria pour des vins qui coûtent la modique somme de… 13 à 17€ le verre !

En dessert, ‘profiteroles en chocolat’ et ‘assiette de fromages’. Des profiteroles recouvertes d’une sauce chocolatée froide, c’est étonnant, voire désolant. Quand aux fromages, loin d’une desserte ou d’un plateau bien pourvus, une jeune serveuse nous présenta une assiette où seules 5 sortes des plus communes se battaient en un pathétique duel. En guise « de pâte persillée » (la serveuse ignorait le terme), un bleu sans âme. Faut-il qu’on soit bonne pâte pour ne pas se plaindre !?!

Nous avons tout de même tenté d’évoquer ces menus problèmes après avoir réglé l’addition, mais les oreilles du préposé au tiroir-caisse étaient à l’avenant de son visage : fermées. Rien ne sert d’insister quand on commence à comprendre que les accidents n’en sont pas, mais font partie d’une systématique que certains appelleront concept (culinaire et financier).

Bref, au mieux, on dira que le Cour carré est un restaurant confronté à des accidents techniques et qui développe des plats peu cuisinés, bons mais sans saveur ni imagination. Au pire, on dira que 130€ l’addition pour deux personnes, sans apéritif ni café, c’est bien cher payé pour un bel emballage qui ne renferme que du vide. Dans tous les cas, si vous cherchez un supplément d’âme, ce je-ne-sais-quoi et ce presque-rien chers à Jankélévitch, ne vous rendez pas au Cours carré le soir : vous n’y vivrez aucune expérience de transcendance culinaire quotidienne.

 

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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