Ce récit de Louis Grall, Le petit frère, paru aux éditions du Parapluie Jaune, est un défi pour un chroniqueur. Comment rendre compte de ces 90 pages tout bien pesé sans en dévoiler l’histoire au lecteur ?
Un enfant d’Éthiopie, ce pays de rifts et de hauts plateaux, recueilli par un officier de marine dont Brest est le port d’attache. Une famille adoptive catholique pratiquante. Une fratrie de 5 garçons avec lui. Chaleureuse, innocente et turbulente. Cet enfant s’appellera donc Jean Abébé Quéguiner, né le 14 septembre 1955 et il sera autant Abébé que Quéguiner. Nous sommes dans un temps déjà lointain. Chacun peut dès lors imaginer le choc face à un tel événement, chez les proches, tous de racines paysannes et pour beaucoup de langue bretonne. Mais aussi chez ceux qui vont le croiser à l’école, dans les rues et les commerces de la ville.
Et pourtant son enfance sera heureuse. Les émerveillements, les apprentissages. Les jours heureux et les années passent. 1960. Du soleil sur la Penfeld, de la pluie sur les Capucins, du vent frais toujours. 1965. Il court, il pédale, il rit comme tous les enfants qui l’entourent. Plus tard, il jouera du rock et des blues avec ses frères. Des récitals et quelques échos dans la presse, de quoi exister. Une vie ordinaire en somme. Il y aura sans doute des médisances, des regards en coin, comment les éviter ? Qu’importe. Il s’interrogera bien entendu en grandissant sur ses origines et les circonstances de sa venue dans la famille. Rien là de surprenant. Il aurait pu rester et vivre là-bas, ailleurs, quelque part, même s’il ne sait pas encore d’où il vient.
Il s’étonnera aussi, et cela revient tout au long des pages, du pourquoi son père adoptif, soldat-paysan, ne sera jamais amiral et, avec l’âge, seulement capitaine de vaisseau. Pour l’avoir accueilli sans l’aval de sa hiérarchie lors de sa mission à Djibouti ? Pour son refus d’obéir à un ordre d’arrestation de manifestants gaullistes en terre martiniquaise, une île pétainiste en 1943 ? Il aime et admire ce père adoptif qui recopie les vers d’Arthur Rimbaud. C’est un trou de verdure… En 1976, il a certainement encore ce poème en tête quand il leur écrit de Djibouti, je vous embrasse, votre fils Jean.
Je ne vous en dirai pas plus. De brefs chapitres et autant d’épisodes, parfois quelques lignes, de petites touches, une écriture contenue sur des instants de mémoire. Pour ceux qui aiment lire court, n’hésitez pas, ce récit (il y aurait là matière à roman assurément) est fait pour vous.
Le petit frère de Louis Grall, éditions du Parapluie jaune, 102 pages, 16€