Le Point de … Chut, concept inédit de retraites laïques en silence, est créé par le thérapeute Jerôme Frugère en 2019. Accompagné de son amie et coach Audrey Berté, il organise ces retraites quatre fois par an au rythme des saisons. Leur particularité ? Elles se déroulent dans le silence… Besoin de vous déconnecter ou de fuir le bruit ? Perdu, en plein burn-out, au bord de la crise de nerfs ou simplement curieux ? Unidivers s’est entretenu avec Jérôme Frugère.
Jérôme Frugère est coach, thérapeute et patron d’une agence de voyage. C’est en 2015, après avoir vécu sa première expérience de retraite, qu’il écrit la première version de son roman dans laquelle il développe l’idée du Point de … Chut, un lieu séculier de retraite spirituelle et en silence ouvert à tous. Ce livre raconte l’histoire d’un homme qui, ayant perdu la voix à la suite d’une retraite spirituelle en silence, décide de créer un lieu de ressourcement autour du silence. Faisant part de cette idée à ses proches, Jérôme Frugère se rend compte qu’elle séduit : « Quand j’ai parlé de l’idée du Point de … Chut autour de moi et que les gens ont lu le texte, ils se sont dit que l’idée est géniale », raconte-t-il. Encouragé par ces réactions positives, le thérapeute reprend l’écriture d’une deuxième version du roman Le Point de … Chut !, publié en novembre 2021.
Conscient que la majorité des lieux dédiés aux retraites spirituelles sont reliés à une pratique ou religion, le coach décide de s’orienter vers une démarche laïque : « Il y a beaucoup de centre de ressourcement basés sur une spiritualité qu’elle soit catholique, bouddhiste, hindouiste ou autour de la pratique du yoga et de la méditation. Ayant moi-même fait des retraites dans des lieux catholiques et n’étant pas catholique, je trouvais qu’une partie de ce que je vivais ne me correspondait pas. Donc j’ai eu l’idée de créer le Point de … Chut ».
Jerôme Frugère n’a pas de confession, mais une spiritualité qu’il qualifie de « laïque ». Connecté à la vie, la nature, il médite, lit des ouvrages philosophiques et des textes inspirants. Lors des précédentes sessions coorganisées avec Audrey Berté, il constate que les participants se sentent en accord avec la démarche d’une spiritualité « neutre » où ils peuvent se connecter à ce qui les inspire : « Pas mal de gens viennent au Point de … Chut. Ils sont super contents parce qu’ils ont toujours voulu faire une retraite, mais pas dans un lieu religieux. L’idée d’affirmer que c’est laïque et spirituel permet à des gens de trouver un espace pour se connecter à eux-mêmes, à la nature ou à ce qu’ils veulent ».
« Dans mon chemin de vie, la découverte de la spiritualité n’est pas passée par un dogme religieux »
Jerôme Frugère
Tous deux s’attachent à accompagner les personnes en recherche de temps à se ressourcer et réfléchir sur elles-mêmes : « Quand on est dans notre vie de tous les jours, on est toujours en train de faire quelque chose. Toutes ces choses nous mettent en contact avec du bruit, des gens qui parlent, des écrans. On a perdu ce goût du temps déconnecté, du temps pour soi, du temps long sans devoir faire quelque chose ». Ainsi, alors que de nombreux centres invitent les participants à méditer ou faire du yoga, l’idée du Point de … Chut est, au contraire, de s’arrêter et de faire une pause en vivant le silence comme « étant un ingrédient actif du travail de ressourcement, de retour à soi et de calme intérieur ». Pendant trois jours, les participants ne parlent pas et sont invités à être eux-mêmes : « Les gens aiment l’idée qu’ils ne seront pas obligés de commenter, de faire semblant, d’avoir des postures sociales puisque chaque groupe de retraitants vit ensemble mais, puisqu’on ne se parle pas, chacun est libre de vivre plus spontanément ».
« On ne tire pas sur une fleur pour qu’elle pousse plus vite »
Audrey Berté – citation inspirée de la sagesse bouddhiste
Pendant cette retraite de trois jours, Audrey et Jérôme animent cinq temps inspirants où ils accompagnent les retraitants dans leur chemin d’introspection. Lors de ces temps, les deux coaches parlent et les participants écoutent. Il n’y a ni question-réponse, ni débat, ni commentaire : « Ce n’est pas une conférence où les gens interagissent entre eux. C’est juste de l’écoute. On aborde les sujets du Vivant tels que le fonctionnement des émotions, le physique, le mental, le fonctionnement du cerveau, l’hypersensibilité, les vertus de l’oisiveté. On parle de la nature et de comment elle est inspirante pour se connecter au temps long ».
La démarche du Point de … Chut repose donc sur deux points clés : la laïcité et le silence. Conscients que ce dernier peut être anxiogène pour certains, les deux organisateurs donnent des clés de lecture de l’expérience du silence que vivent les participants, notamment en prévoyant un temps d’explication sur ses vertus en amont de la retraite. Aussi, un planning avec quelques créneaux de rendez-vous sont prévus afin de permettre aux personnes en détresse de venir parler de leurs angoisses : « Le silence peut être rompu en cas de détresse. On les encourage à venir nous parler, rompre le silence pour nous raconter ce qui les chagrine. On les rassure et les remet sur les rails pour qu’ils puissent vivre au mieux l’expérience ».
« Une adéquation entre leur mental et leur émotionnel apparaît »
Jérôme Frugère
C’est également lors de ces moments de silence, lorsque le cerveau est moins sollicité pour la création de pensées, qu’il se nettoie et récupère profondément. Les deux organisateurs sont d’ailleurs convaincus que lorsque l’on arrête de faire des choses et que l’on est dans le silence, nous avons un contact avec nous-même qui permet de trouver des réponses à des questions sans avoir à réaliser d’actions : « Ne rien faire et se taire pendant trois jours permet aux gens qui ont du mal à faire un choix d’obtenir une réponse plus claire et nette. Une adéquation entre leur mental et leur émotionnel apparaît ».
Pour Jérôme Frugère, le silence n’est pas l’absence de bruit. En effet, certains sons comme la nature, la respiration, les bruits extérieurs sont immaitrisables. Au Point de … Chut, l’essentiel du silence se trouve dans l’absence de paroles, mais aussi dans celle de pouvoir être soi sans sentir l’obligation de respecter certains codes : « Le fait de ne pas se parler les uns les autres même quand Audrey et moi leur adressons la parole est assez unique. Eux ne parlent pas et sont obligés d’accueillir. On les encourage à ne pas faire de mimiques, à ne pas sentir obligés de faire des sourires. Les gens réalisent que dans leur vie, ils n’ont plus aucun espace pour être vraiment qui ils sont et c’est ressourçant ».
Afin d’être sûrs que les participants vivent leur expérience silencieuse en totale immersion, les deux organisateurs s’occupent de tout et veillent à ce qu’il n’y ait rien à demander : « On gère tout afin qu’ils n’aient pas à parler, dire merci, bonjour, etc. Ça crée un niveau de détente intérieur qu’ils n’ont jamais vécu et qui leur fait un bien fou ». À commencer par le programme, Jérôme et Audrey prévoient deux moments où les participants doivent se réunir dans le silence : les moments inspirants et les repas. Le reste du temps, les retraitants sont libres de s’organiser comme ils le désirent : « Les gens sont à la fois en groupe, mais seuls avec eux-mêmes. C’est cette alternance-là qui est intéressante à vivre ». Côté alimentation, la formule est saine, de saison et essentiellement végétarienne. Une option de saucisson ou de pâté est proposée pour ceux qui le souhaitent : « On essaye de trouver une formule qui permet aux gens de ne pas avoir de carence dans leurs besoins de base : manger, dormir et hygiène ».
Avant d’arriver au Point de … Chut, les participants associent généralement le silence à la solitude et sont effrayés à l’idée de ressentir un vide et ne rien faire. Heureusement les deux coaches sont présents pour les rassurer même s’ils ne parlent que très peu : « On leur explique que nous serons hyper présents, rassurants et bienveillants à leurs côtés. Même s’ils ne nous voient pas forcément, ils entendent qu’on cuisine, sentent les odeurs, nous voient passer et vivre dans le lieu. Cette présence leur permet de lâcher prise assez vite ».
Les retours des retraitants sont unanimement positifs après leur passage au Point de … Chut : « 100% des gens qui ont fait Le Point de … Chut ont réalisé la valeur positive que ça avait eu pour eux. Nous sommes confiants en ce concept et plutôt ravis de pouvoir faire une différence dans la vie des gens grâce à ça ». Constatant qu’au bout de trois jours, les participants ne veulent s’en aller et sont prêts à « signer pour deux jours de plus », les organisateurs pensent à allonger les temps de retraite : « On se dit qu’en 2023 on aura un petit vivier de gens qui ont fait les anciennes éditions de trois jours et qui voudront revenir pour une édition de cinq jours. On y réfléchit pour bientôt ».
À la fin de ces trois jours, le retour à la parole est accompagné par Jérôme Frugère et Audrey Berté qui prévoient un cercle de parole dans l’écoute. Chaque prise de parole est succédée par un silence. Toujours pas de commentaires, ni d’avis ou de réponse. Seulement de l’accueil et de l’écoute : « On réutilise cette image du Vivant pour leur demander ce qu’ils ont l’impression d’avoir semé pendant la retraite et dont ils auraient envie de continuer à prendre soin pour le voir fleurir demain dans leur vie ». À la fin de ce rituel, les deux coaches annoncent la fin du silence et tout le monde est libre de communiquer comme il le souhaite.
Dans les mois à venir, Jérôme Frugère et Audrey Berté ouvriront le concept du Point de … Chut aux entreprises. Leur démarche sera légèrement différente puisqu’elle n’intégrera pas un silence total. L’idée est de proposer une prise de parole sous la forme d’un cercle de parole où les personnes s’écoutent, mais ne parlent pas : « On ne débat pas, on ne refait pas le match d’un conflit dans une équipe, on ne commente pas. Chacun pourra parler et être vraiment écouté car c’est rare en entreprise d’avoir des temps où on est vraiment écouté sans être interrompu, sans commentaires et jugements ». Entre ces temps de parole, les « collègues » seront amenés à vivre ensemble et en silence. L’idée étant de créer un « moment asynchrone » entre ce qui se déroule dans le quotidien d’une entreprise et ce temps de respiration qu’est la retraite : « Le but de cette cohabitation est de réfléchir à ce qui évolue et change dans ma perception de mon collègue. Qu’est-ce que ça me fait d’entendre quelqu’un qui ne s’exprime jamais et qui pendant cinq min de parole dit ce qu’il pense vraiment ? L’objectif est de repartir avec une possibilité de changer les modalités sans retourner en arrière et en réfléchissant à modéliser des changements dans l’après ».
Envie de tenter l’expérience ? Découvrez le programme des deux prochaines retraites sur le site internet du Point de … Chut.
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