Pour son quatrième roman, Julien Dufresne-Lamy, nous entraîne dans la bonne société du Cap Ferret, celle qui passe les hivers à Paris, celle qui parade sur cette langue de sable et de pins, l’été venu. Le lieu, s’il paraît enchanteur, reste hélas réservé à une poignée de privilégiés. Ne passe pas ses étés, ses vacances au Cap qui veut. C’est pourtant le lot de ces adolescents que nous allons fréquenter tout au long de ce récit qui oscille entre innocence, légèreté autant que cruauté, insolence et gravité. Eh non, on n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans !
Cette bande-là, si elle peut sembler attachante par certains côtés, n’est pas sans nous rappeler notre adolescence à nous autres lectrices, lecteurs, même si nous n’avons pas tous eu la chance de pouvoir évoluer dans de somptueuses maisons avec vue sur la mer ou la dune du Pilat, l’île aux oiseaux et brûler nos soirées estivales dans des fêtes grandioses au bord d’une piscine. Derrière l’idyllique se dissimule souvent le pire…
Dans cette bande-là, Théo, Daisy, Léonard et les autres se surnomment Les Indifférents. Ils sont les élus, les enfants bénis et personne ne les approche ou n’oserait les approcher. On pourrait les traiter de merdeux, de crâneurs, de bourgeois, pauvres de nous petits envieux crasseux. En fait, ce sont eux qui méprisent les autres, les moquent ou mieux les ignorent. Car les autres, les modestes, les pauvres, les laissés-pour-compte les indifférent totalement, sauf quand ils trouvent en eux d’excellents boucs-émissaires.
Encore que… Quand Justine arrive de son Alsace natale avec sa mère, pour tenter de se reconstruire et retrouver le Cap Ferret des vacances, la jeune fille, pourtant issue de milieu modeste, réussit à intégrer le clan des Indifférents, pour des joies éphémères, pour de nombreuses nuits désenchantées. Elle devra faire son apprentissage. Elle découvrira aussi que les parents des Indifférents, y compris sa mère, leur ont légué leurs histoires du passé, leur propre adolescence, un passé souvent trouble où l’omerta est légion.
Un drame survient. L’un des membres du groupe va mourir. Lequel ou laquelle ? Julien Dufresne-Lamy, plume aiguisée autant qu’agile ne nous le dévoilera que très tard. Et c’est heureux car le suspense est maintenu jusque dans les toutes dernières pages. Maestria de l’artiste. Les tableaux se succèdent, les peurs et les angoisses montent ou redescendent, au rythme des marées.
Cruauté adolescente, désillusion, hérédité féroce, Les Indifférents raconte la vie et la mort d’une bande. Implacable comme une vague frappant la rive.
Les Indifférents, Éditions Belfond, 336 pages, parution février 2018, Prix : 19,00 €.
Couverture : © Voiture 14 – A. Bullat-Piscaglia & G. Bullat – Photo Julien DUFRESNE-LAMY – © Belfond
Julien DUFRESNE-LAMY
Né en 1987, Julien Dufresne-Lamy vit et travaille à Paris. Il est l’auteur de Dans ma tête, je m’appelle Alice (Stock, 2012), Mauvais joueurs (Actes Sud junior, 2016) et Deux cigarettes dans le noir (Belfond, 2016). Les Indifférents est son quatrième roman.