Les Trente Glorieuses, les fameuses Trente Glorieuses. On en parle encore aujourd’hui comme d’un moment béni. Celui de tous les possibles, celui d’une France prospère, le plein emploi, où tout semblait aller pour le mieux avant le premier choc pétrolier et une chute vertigineuse qui a conduit notre pays dans un chômage de masse, dans une économie de rigueur, dans la spirale de dettes abyssales dont nous ne sortons plus quarante ans après.
C’était le temps vénéré où la nation tricolore retrouvait ses couleurs et son panache, diront les nostalgiques du temps d’avant après des heures sombres.
C’est ce moment d’après-guerre, où l’Hexagone a bénéficié entre autres du fameux plan Marshall, décidé par les États-Unis en 1946, pour relancer notre économie, sur lequel s’appuie l’auteure de ce roman, Mes Trente Glorieuses, pour nous retracer son enfance, sa jeunesse, son adolescence et ses premiers pas dans le monde adulte mais également analyser, commenter la société, la politique internationale et intérieure, d’une époque qui peut sembler aux plus jeunes aujourd’hui dater de la préhistoire. Pourtant c’était hier. Anne Gallois cite en exergue de chaque chapitre les unes et chapôs des Paris Match de l’époque, ce qui n’est pas sans nous laisser sourire.
Au fil des pages, elle retrace donc cette enfance plutôt protégée dans une petite ville de province même si l’on comprend rapidement que la vie de famille, les mœurs de l’époque semblaient aux antipodes de celles du XXIe siècle, à l’ère du tout numérique, où tout est durement normé, où tout dans notre existence est à chaque instant renvoyé au législatif. Mais si ces décennies relatées avec passion peuvent paraître archaïques à certains moments, en réalité, il n’en est rien. Même si l’éducation était stricte, les enfants, adolescents de ces années-là se permettaient aussi des libertés, libertés que l’on ne s’autorisent pas toujours aujourd’hui avec un semblant de retour à une certaine forme de morale, celle-là même remise en cause car le grand malheur sociétal de ces six décades serait mai 68.
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N’en déplaise, notre héroïne n’a pas été malheureuse, loin de là même si elle a parfois navigué entre illusions et désillusions. N’est-ce pas le lot de nombre d’entre nous ?
Avec une certaine gourmandise, on se plonge ou on se replonge dans les années noires du conflit franco-algérien, dans les périodes de guerre froide internationale (surtout entre Amérique et URSS) comme dans la décolonisation, dans les années De Gaulle (son retour et son éviction), dans l’émancipation lente des femmes, dans les soulèvements contre le pouvoir au nom de la liberté, portée par les étudiants du Quartier Latin et des ouvriers de chez Renault en mai 68 (elle ne fait pas l’impasse sur Dany Le Rouge), sur la lutte pour le droit à l’avortement mais tout autant sur la dolce vita des années 60, Salut les copains, l’insouciance d’une jeunesse, d’une époque…
Tout n’était pas mieux avant, tout n’est pas pire maintenant. C’est autrement, avec son lot de sourires comme de moments graves (et ceux-là, l’auteure ne les dissimule pas non plus)
À lire comme une carte postale d’un demi-siècle d’histoire… d’histoire sociale et familiale.
Mes trente glorieuses – Anne GALLOIS – Éditions Carnets nord – 256 pages. Parution : 30 août 2019. Prix : 18,00 €.
Couverture : © Getty Images – Photo auteur Anne GALLOIS © DR
Journaliste indépendante pour la presse écrite (Le Monde, Libération…) puis réalisatrice de documentaires pour la télévision (52 à la Une, TF1, Strip-tease, France 3) Anne Gallois a également écrit plusieurs livres, récits et romans (éd. Du Seuil et Fayard).