Le 17 mars, date anniversaire du premier confinement, semble une date on ne peut mieux choisie par ELLAYA pour dévoiler sa première création. Formée par Laura Mazeaud, Judith Arazi et Géraldine Baroni, la toute jeune compagnie de danse contemporaine et de physical theatre vient nous sortir de la pesanteur ambiante avec « OFFICE », un court-métrage qui interroge notamment le surmenage dans le monde du travail. À l’occasion de la sortie du clip, Unidivers.fr a rencontré la chorégraphe Laura Mazeaud qui nous en dit plus sur les ambitions de cette compagnie pleine de potentiel.
Il y a tout juste un an le premier confinement entrait en vigueur. Ce que nous interprétions alors comme une parenthèse de quelques semaines saugrenues s’avéra en fait être la première salve d’une série de restrictions qui allaient bouleverser nos manières de vivre, de penser, mais aussi de nous mouvoir. Entre le télétravail, les interdictions de déplacements et les limitations imposées par les gestes barrières, nos corps sont aujourd’hui asservis à une léthargie aliénante. Au-delà des contacts sociaux essentiels à notre bien-être, c’est l’ensemble de notre potentiel physique qui est atrophié par ce mal qui ronge nos libertés. Ce mal, la jeune compagnie de danse contemporaine et de physical theatre ELLAYA a entrepris de le conjurer, par le mouvement bien sûr.
Mais avant de prendre part à la frénésie libératrice de « OFFICE », il convient de présenter ELLAYA en revenant notamment sur le parcours de sa fondatrice, Laura Mazeaud.
Danseuse, chorégraphe mais aussi comédienne, Laura Mazeaud est une artiste polychrome qui aime à s’aventurer sur de nouveaux terrains, à explorer de nouveaux univers en croisant les itinéraires. C’est en 2012 que débute sa carrière professionnelle, lorsqu’elle obtient le Diplôme d’État pour le professorat en danse contemporaine. Elle n’a depuis eu de cesse de vagabonder entre différents styles, tel que celui du hip-hop qui continue d’infuser ses créations. Elle enchaîne aussi les collaborations.
Elle a notamment travaillé avec la chorégraphe Jasmin Vardimon, avec qui elle fut initiée au physical theatre, un genre théâtral qui mêle mouvement physique et narration, ou encore avec Tomos Young au sein de sa compagnie de danse inclusive InterDanse. Quelques tournées et projets plus tard, Laura fut également sollicitée sur des tournages de séries et de vidéoclips où elle intervient en tant que chorégraphe ou comme conseillère dramaturgique. C’est d’ailleurs en 2019 lors du tournage du clip « Cranes in the Sky » qu’elle fait la connaissance de Marine Pichon, réalisatrice à la barre de « OFFICE ». C’est aussi à la même période qu’elle décide de fonder sa propre compagnie aux côtés de Géraldine Baroni et Judith Arazi.
La première jouit d’un héritage résolument jazz. La seconde entretient une passion qui articule art-vivant et monde de l’image. Fortes de parcours riches et singuliers, les deux artistes vont combiner leurs expériences à celles de Laura Mazeaud pour fonder en 2020 une compagnie qu’elle aime à définir comme « un espace pour s’exprimer, échanger et partager ». Entre danse contemporaine, hip-hop et jazz, ELLAYA est évidemment pétrie de différentes influences. Pour autant c’est bien le physical theatre qui imprègne le plus l’univers de la compagnie. À la croisée de la danse et du théâtre, cette discipline moderne entend ériger le mouvement physique en langage à part entière. Les gestes exécutés sont explorés comme un texte, un dialogue dont la lecture demeure ouverte à l’interprétation, à la fantaisie et à l’absurde.
Après « Cranes in the Sky », Laura Mazeaud et Marine Pichon entreprirent de poursuivre leur collaboration en produisant un nouveau court-métrage portant cette-fois sur le thème du surmenage au travail. Dans les semaines qui suivirent le premier confinement commença donc le tournage de « OFFICE », un film d’une dizaine de minutes dans lequel Laura Mazeaud et Géraldine Baroni forment un duo magnétique.
Elles y incarnent deux employées qui évoluent machinalement dans des bureaux vides. Hébétées par la charge de travail qui leur est imposée, les deux protagonistes sont entraînées dans une spirale bureaucratique infernale jusqu’à glisser implacablement vers le burn out… Abattues et désincarnées, elles finissent par s’animer à nouveau. Les visages se décrispent, les corps apathiques se réveillent, les cadres de caméra lâchent leur symétrie robotique et commencent eux aussi à se mouvoir frénétiquement avec les danseuses.
Telle une relecture des Temps Modernes, « OFFICE » se présente ainsi comme un furieux réquisitoire contre l’asservissement bureaucratique. Plus encore, le court-métrage souhaite interroge la condition de la femme dans le monde de l’entreprise. À ce titre, la performance livrée par le duo Laura Mazeaud & Géraldine Baroni est remarquable. Plus qu’une alchimie, c’est une osmose, une fusion entre deux atomes dont il est ici question. Les corps des danseuses se déchaînent et transpirent une ardeur et une fierté recouvrée par l’ivresse de la danse dans ce qui ressemble à une ode au désordre, à l’émancipation et à la liberté. L’ensemble du clip est par ailleurs impeccablement maîtrisé. L’étonnante scénographie des bureaux est exploitée avec virtuosité par l’œil redoutable de Marine Pichon quand la musique composée par Johany Berland confère encore plus de puissance à la chorégraphie.
Au vu de la qualité de cette première création, on ne peut qu’être impatient de découvrir ce que ELLAYA nous réserve à l’avenir. Parmi les projets qui devraient éclore dans les prochains mois on pourrait citer « Tribulations de jeunes filles (dé)rangées », une pièce chorégraphique à la fois poétique et décalée qui met à l’honneur celles et ceux qui dérangent, qui refusent de rentrer dans les rangs. Laura Mazeaud explique aussi travailler avec l’artiste musicienne Faustine Berardo sur « Surface Sensibles », une pièce solo qu’elle avait écrit en 2018. On vous incite donc à rester à l’affût.