Au parc du Thabor la Colonne de Juillet retrouve sa statue

Depuis 2012, la colonne de juillet du carré Du Guesclin du jardin du Thabor de Rennes, érigée en écho à la colonne de juillet de la place de la Bastille à Paris, était privée de sa statue. Aujourd’hui, si vous levez les yeux, vous verrez une statue flambant neuve trôner au sommet de la colonne de 11m. La sculpture est l’œuvre de l’entreprise Pierre Floch[1], société de sculpture et restauration, basée à la Chapelle-Caro dans le Morbihan. Les services de l’État, en l’occurrence la mairie de Rennes, en sont les commanditaires.

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La statue originale a été exécutée par le sculpteur Jean Baptiste Barré (1804-1877) en 1837. Ce dernier, d’origine nantaise, réalise des travaux à la cathédrale de Rennes en 1827 et s’établit définitivement dans cette ville en 1830. La statue de la colonne,  appelée Génie de la liberté, porte la « charte 1830 ». C’est un hommage à Vanneau et Papu, deux jeunes bretons qui, selon le texte figurant sur la plaque de la version parisienne de la colonne, « combattirent pour la défense des libertés publiques » et furent victimes des journées révolutionnaires de juillet 1830 qui amenèrent la chute de Charles X.

parc, rennes, Thabor, colonne, Duguesclin
carte postale ancienne non affranchie
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carte postale affranchie en 1914
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carte postale ancienne non affranchie
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carte postale affranchie en 1908

La statue a dû être désassemblée de la colonne, car elle affichait des signes de forte dégradation[2]. Le calcaire subit les outrages du temps : matière poreuse, il finit par s’infiltrer d’eau et s’éroder. La mousse, la pollution et le gel contribuent à le fragiliser. Le Génie de la liberté avait perdu son visage. Et sa main gauche qui tient une lance, malmenée par les vibrations du métal, avait pour ainsi dire disparu. Les restaurations antérieures n’étaient que cache-misères et aucune restauration supplémentaire n’était plus envisageable. Il fallait donc repartir de zéro : sculpter une statue nouvelle.

C’est Nathalie Tran-Hamery qui s’est attelée à la tâche pendant plus de trois mois. À partir d’un gros bloc de calcaire, extrait des Carrières de la Vienne à Jardres (86), elle finit par dégager une pièce de 1,70 m, dont le poids est estimé entre 350 et 400 kg. Nathalie Tran-Hamery apprécie de sculpter cette matière, son grain fin permet un travail de détail d’une grande précision. Toutefois le calcaire manque d’homogénéité, il peut contenir des « nœuds » très durs, ce qui rend parfois le travail laborieux. Quant à la lance en alliage de cuivre et de laiton brossé, elle a été forgée par l’atelier Bournigal à Pleucadeuc.

 Thabor Duguesclin 1914 Thabor Duguesclin 1914Le vendredi 17 janvier, l’équipe de l’entreprise Pierre Floch arrive donc dans une camionnette sur le carré Du Guesclin. « Monter la statue là-haut doit être l’affaire de quelques heures tout au plus » nous confie la sculpteur Nathalie Tran-Hamery. Tristan L’hermite va chercher les deux grands engins manipulateurs rouges, la nacelle et le manuscopique. Les portières de la camionnette s’ouvrent laissant apercevoir une étrange momie recouverte d’un film synthétique, de couches de mousse d’isolation, et entourée de tubes de métal, véritable cage de fer. Cette structure est déposée sur le sol avec délicatesse, une manipulation trop brusque et la tête risquait de frotter l’encadrement des portières ! La cage est bientôt attachée avec un câble à la fourche du manuscopique et celui-ci va l’élever dans les airs pour l’approcher du sommet de la colonne, tandis que le patron, Christophe Billig, et Nathalie Tran-Hamery montent dans la nacelle pour un tour de manège qui les amène au plus près du sommet de la colonne.

Il va falloir faire plusieurs essais avant de trouver l’angle idéal pour présenter la statue exactement au-dessus du gougeon d’acier qui surmonte la colonne. Travail de précision au centimètre près. Rien ne presse, tout se fait par tâtonnements, surtout il ne faut pas abîmer le précieux ouvrage de calcaire. Les essais se suivent, les spectateurs curieux qui observent avec attention les manœuvres ont l’impression que « ça y est », le gougeon et l’orifice creusé sous la statue vont se rencontrer. Mais prudents, les intervenants harnachés au panier de la nacelle voient les choses d’un autre œil. Le risque est grand, ils préférèrent renoncer, et l’on redescend la statue, afin d’affiner la position du manuscopique.

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Enfin, la statue vient s’enquiller sur le gougeon d’acier qui dépasse de la colonne de 50 cm. Puis, l’un après l’autre, les tubes de métal sont démontés. Le panier de la nacelle voit son poids s’accroître lorsqu’elle accueille ces tubes. En surcharge, le système de sécurité s’alarme et la nacelle refuse alors d’obéir. Quelle poisse ! Il convient d’appeler le technicien de la maintenance en renfort !

Le temps passe. Plus d’une heure. Le patron et son collègue attendent patiemment à 11 m de haut dans le panier de la nacelle sans manifester de signe de lassitude. Le technicien arrive sur place et parvient à faire obéir la nacelle qui redescend ses occupants. Pour finir, la nuit tombe et presque tous les spectateurs qui suivaient l’affaire depuis des heures ont fini par abandonner les lieux.  Il reste encore à ôter les montants de la cage de fer, notamment les parties encadrant la tête de la statue, manipulation périlleuse alors que la visibilité diminue et que la vigilance des intervenants menace de s’amoindrir après une journée intense de travail dans le froid et sous la pluie. Voilà enfin la statue bien assise sur son socle, encore emballée et encadrée de panaciers, plaques de métal (jusqu’ici assemblées à la cage), disposées entre la base de la statue et la colonne. C’est tout pour ce vendredi !

 Thabor Duguesclin rennes  Thabor Duguesclin rennes

Le lundi 20 janvier, en début d’après-midi, les trois membres de l’équipe sont de nouveau sur place. A priori, il ne reste qu’à dérouler le film qui recouvre la statue et enlever les panaciers. Affaire vite réglée !? Que nenni… Les panaciers ont été enkystés dans le scellement, lit de mortier, de chaux et de sable qui soude la statue à la colonne. Il faut gratter, et encore gratter, du bout des bras, pour les désolidariser de l’ensemble, ce qui prend encore plusieurs heures ! Ce n’est qu’à 18h que le Génie de la liberté découvre pour la première fois son visage devant le parterre du Thabor. Opération accomplie ! Il faudra attendre encore quelques jours, que la pluie cesse, pour pouvoir contempler l’œuvre sous les rayons du soleil.

Compte-rendu de Matthieu Mevel
Photographies de Nathalie Tran-Hamery et Roxane Hamery

[1] À Rennes, c’est cette même entreprise qui s’est occupée de la restauration extérieure de l’église Saint-Yves à Rennes, en 1993.

[2] L’orignal figurera bientôt dans les collections d’un musée municipal.

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Unidivers Mag
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1 COMMENTAIRE

  1. « Un chef d’oeuvre effectivement. Merci de l’avoir signalé. Mais aussi un ouvrage curieux, découvert cet hiver et dont la lecture est intéressante à bien des égards.Exemple original de composition polyphonique, illustrant une succession de mises en abîme pour créer la forme du roman « à tiroir gigogne », véritable labyrinthe où vérité et mensonge sont indissociablement mêlés et où les histoires et les destinées se reflètent les unes dans les autres. Une somme romanesque de tous les genres: un grand roman qui transcende son époque et le genre même du roman. Musicalement parlant, il s’agit d’une grande fugue ! Une agréable surprise, un véritable tremplin pour l’imagination ! « 

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