Port l’Étoile est le dernier roman de Marie Redonnet, publié le 6 février 2025 aux éditions du Tripode. L’œuvre explore la quête de réinvention personnelle de Maria Steller (l’Étoile), qui s’appelait Maria Deslandes jusqu’à ce qu’elle s’arrache à sa vie passée d’autrice, épouse et mère aimée, afin de s’installer à Port l’Étoile où vit son nouveau compagnon, Kovac.
Maria Steller-Maria Deslandes qui emprunte beaucoup à une autre Marie, Marie Redonnet intuitu personae. La ville de Port l’Etoile – fictive mais qui sent bien les embruns marins et sociaux de Brest et de Lorient, – s’est envasée. L’époque est incertaine : de grands tourments ont eu lieu, Port l’Étoile est au début d’une période de renouvellement, chamboulée par l’arrivée massive de migrants et de spéculateurs. Une époque qui reflète la nôtre et ses bouleversements en cours, avec sa misère, ses profiteurs et ses attentats, avec ses passions, ses dérives, ses trans(es). Et Port l’Étoile devient le monde.
Avec un style fluide, à la fois intime et enlevé, et d’une douce couleur chaude (un jaune ocré parfois photographique), Marie Redonnet nous entraîne dans ce petit monde composé de vieux quartiers populaires et de nouveaux quartiers branchés, de belles âmes chahutées, voire meurtries par la vie, de voyous mafieux, de spéculateurs sans âme, de magasins de grande distribution qui exploitent les travailleurs sans papiers et sans vergogne. Un monde dur, d’une beauté cruelle, où chacun chute, se relève, s’efforce de trouver des chemins, des échappatoires, des portes de sortie : l’un dans la musique, un autre (beaucoup) dans l’alcool.
Kovac cumule les deux : accordéoniste, il est alcoolique et se drogue. Mais Maria a cru saisir en lui un nouvel avenir, une paix sans doute, elle dont l’âme tourmentée recherche l’ancrage, un port salvateur. Ellle a quitté Lucas, son mari aimant qui était son assise séduite par une possible-illusoire amour-passion-reconstruction-sens-salvation.
Ainsi, Port l’Étoile est, malgré qu’il en ait, le lieu et le biais d’exposition de la remémoration des tribulations existentielles et sentimentales de la narratrice autodiégétique : autrement dit, de sa fuite en avant avec Kovac, une fuite en avant qui a manqué sa cible. Ce stade existentiel désormais révolu, cette mutation comme la ville mue, s’accompagne d’une résilience personnelle qui prend appui sur la résistance aux traumatismes à laquelle sont structurellement contraintes les existences qui forment le petit peuple de Port l’Étoile. La narratrice et romancière Marie Steller-Deslandes-Redonnet se rappelle cette période pour la digérer.
La lecture est douce, chaude, humaine et plaisante, mais l’impression que l’invitation à rentrer dans Port l’Étoile sert avant tout l’auto-analyse diaristique de « Marie » pour se structurer en miroir est susceptible de perturber l’adhésion du lecteur. Journal romancé de projection analytique, autour d’un nœud sentimental qui est un avatar de plus de la gorge nouée de l’auteure-narratrice par son enfance et sa relation compliquée à sa mère, Port l’Étoile est une mise en abyme narcissique singulière. L’essentiel, comme disent les marins d’hier et de demain, c’est d’arriver à bon port.
Port l’Étoile
Roman
192 pages
9782370554482
Prix: 17,00 €
Parution: 6 février 2025