Le XVIIe siècle français a été une période où le genre romanesque a commencé de s’épanouir, sous l’influence en particulier du roman espagnol (les Nouvelles exemplaires de Cervantès paraissent en français dès 1615). Les titres abondent, en effet, durant ces années, offrant des récits de quelques pages comme Le cœur mangé de Jean-Pierre Camus – auteur à lire absolument pour les amateurs de romans d’horreurs ! -, des romans courts comme Dom Carlos de Saint-Réal, des romans-fleuve comme L’Astrée d’Honoré d’Urfé ou des romans d’analyse comme La Princesse de Clèves de Madame de la Fayette, ou bien encore, moins connus, La princesse de Montpensier et La Comtesse de Tende.
L’édition de La Princesse de Montpensier, parue dans Le Livre de poche en 2003, est particulièrement intéressante, enrichie d’une préface de Laurence Plazenet, spécialiste de littérature baroque. Ce roman est le récit d’un amour coupable, comme l’est La Comtesse de Tende qui l’accompagne dans cette édition.
Mademoiselle de Mézières, éprise du Duc de Guise, se voit, très vite, contrainte d’épouser le prince de Montpensier. Mais cette union n’éteint pas, loin de là, la passion des deux amants qui couve comme le feu sous la cendre. Une femme épousée contre son gré et éprise d’un autre homme forme une trame narrative récurrente chez Madame de la Fayette.
La Princesse de Montpensier est un récit qui concentre toutes les rivalités : religieuses -catholiques contre protestants -, familiales – Bourbon contre Guise -, personnelles – Prince de Montpensier contre Duc de Guise -, amoureuses – Renée d’Anjou, Princesse de Montpensier, centre d’un entrelacs amoureux, « d’inclinations« , pour reprendre le vocabulaire de l’époque, où se croisent et se toisent le Duc de Guise, le Duc d’Anjou, le Comte de Chabannes-. Le tout sur fond de scènes de cour et de bals, d’aventures et épisodes romanesques, mais aussi de combats et de massacres bien réels (celui de la Saint-Barthélémy par exemple) jamais décrits, seulement évoqués, et conférant ainsi à la fiction « un fort pouvoir de persuasion d’être mêlée à des faits véridiques qu’il ne vient pas à l’esprit du lecteur de mettre en doute » (Laurence Plazenet).
La Princesse de Montpensier est un admirable texte, pour peu qu’on soit sensible à l’écriture linéaire, classique, de ce récit, exempte de dialogues – à part quelques très rares échanges -, élégante et ondulante, précieuse et précise, et délivrant une fine analyse psychologique. La morale qui se dégage de ce texte est particulièrement sombre (comme l’est la conception de l’amour de l’auteur), avec la mort d’une princesse « qui aurait été la plus heureuse si la vertu et la prudence eussent conduit toutes ses actions« , conclut Madame de la Fayette.
Le cinéma s’est intéressé à cette intrigue romanesque développant et croisant tant d’événements intimes et politiques, affichant tant d’éclat et de noirceur. Mais il a fallu attendre 2010 et le film de Bertrand Tavernier pour oser l’aventure. Cette adaptation a-t-elle été, ou devait-elle être fidèle à l’esprit du roman ? Les avis ont été très partagés à la sortie du long métrage. Mais, au moins, si le film de Tavernier a incité à la lecture ou relecture du roman, il aura atteint un but important. Le cinéma sert à servir la littérature autant qu’il s’en sert.
La Princesse de Montpensier, de Madame Marie-Madeleine de La Fayette, édition présentée par Laurence Plazenet, Le Livre de Poche, 2003, 96 pages, EAN 9782253193142, prix: 2 euros.
Le film La princesse de Montpensier. Producteur délégué : Éric Heumann. Producteurs associés : Laurent Brochand, Marc Sillam. Scénaristes : Bertrand Tavernier, Jean Cosmos, François-Olivier Rousseau. Ingénieurs du son : Olivier Schwob, Élisabeth Paquotte, Olivier Dô Hûu. Décorateur : Guy-Claude François. Directeur de la photo : Bruno de Keyzer. Auteur de la musique : Philippe Sarde. Costumes : Caroline de Vivaise.