Neuf courts-métrages étaient en lice pour le Prix Jeune Public du festival Ré·Elles. C’est Petit Spartacus de Sara Ganem qui a remporté les faveurs du jury le 14 mars 2025.
Sara Ganem a connu plusieurs vies, comme elle aime le dire en souriant : « J’en suis à celle qui fonctionne le mieux ». La Bretonne a entamé une formation en études artistiques, spécialisé dans le théâtre, juste après le lycée. C’est par la compagnie Ocus qu’elle a découvert sa vocation. De fil en aiguille, Sara s’est rendue compte que ce qui l’intéressait, c’était les films : « Je passais ma vie devant la télé, je réalisais des petits films avec mes frères et sœurs quand j’avais 20 ans ». Après plusieurs stages dans l’industrie du cinéma à Paris, elle intègre le conservatoire du 10ᵉ : « En 2014, je suis partie en voyage. Je venais d’acheter une caméra et un appareil photo, tout s’est cristallisé pendant ce voyage », confie Sara. Ce périple est une quête, une tentative d’ancrage dans une réalité plus tangible et de nouvelles opportunités.
Un périple façonné par les rencontres et la quête de soi
Sara part avec l’intention de retranscrire ce voyage à travers un film, mais sans certitude absolue. Petit Spartacus s’est alors construit de manière fluide et progressive, au fil des rencontres et des kilomètres parcourus : « Pendant mon voyage, j’ai rencontré mon vélo qui est très vite devenu un personnage ». Pendant deux mois, Sara sillonne l’Europe de l’Est, guidée par une curiosité grandissante : « Je viens d’une famille de gauchistes communistes et l’Europe de l’Est a quelque chose de mystérieux et d’attirant à la fois ». La Grèce devient la quête finale de son périple, et également la langue parlée par son vélo : « J’ai entendu parler de quartiers autogérés et cette vague un peu anarchique m’attirait ». Ce voyage prend encore plus de sens lorsqu’à son retour de voyage, Sara retrouve des souvenirs d’enfance liés à la mythologie grecque, et en particulier au périple d’Ulysse, qui l’a toujours fascinée.
Depuis ce premier voyage, Sara est retournée en Grèce chaque année, parfois même à plusieurs reprises, en documentant ses aventures. L’idée et le scénario prennent forme bien plus tard, lors du montage, avec le soutien de Léa Chateauré notamment : « Dans le film, on a l’impression que c’est un long voyage sur des années alors qu’il s’agit de plusieurs voyages, c’est un peu la métaphore du film ». Le GREC, la boîte de production qui a permis la concrétisation du projet, laisse grande liberté à Sara : « Je faisais le montage en fonction de mon temps et de mon énergie donc ça demande un certain investissement ».
Petit Spartacus : l’accomplissement d’un voyage intérieur
Pour Sara, ce film va au-delà d’un récit de voyage : « Parfois, on se perd pendant longtemps, on se cherche et on ne regarde pas les choses en face. Et lorsque l’on affronte les enfers, que l’on accepte sa condition de mortel, alors c’est une nouvelle étape vers la reconstruction ». Cette métaphore se traduit visuellement par la machine à laver qui tourne en rond au début du film, mais aussi par les roues de son fidèle compagnon de voyage, Petit Spartacus, à qui Antonis Stampolidis a prêté une voix en grec.
« Parfois, on se perd pendant longtemps, on se cherche et on ne regarde pas les choses en face. Et lorsque l’on affronte les enfers, que l’on accepte sa condition de mortel, alors c’est une nouvelle étape vers la reconstruction »
La réalisatrice a conçu et réalisé son court-métrage presque intégralement, de sa genèse jusqu’à sa finalisation, tout en continuant à travailler comme guide touristique. Le mixage et l’étalonnage ont permis au film de prendre vie et de créer une connexion avec le spectateur. Aujourd’hui, Sara est fière du succès de Petit Spartacus, un film qui, à l’image de son héroïne, a voyagé à travers plusieurs villes de France, en portant son message toujours plus loin : « À partir du moment où le film était fini, j’ai eu un sentiment d’accomplissement ». Sa sélection à plusieurs festivals, et surtout sa nommination au César du meilleur court-métrage documentaire, a marqué un tournant pour Sara qui a pris conscience de l’ampleur de son travail.
Cette reconnaissance et toutes les rencontres qui en ont découlé ont donné beaucoup de force et d’espoir à la réalisatrice : « Je me rends compte que je peux exiger un peu plus. J’ai besoin de temps et d’un budget un peu plus important pour réaliser mes projets et j’ai donc eu la chance de rencontrer des producteurs sérieux qui comprennent mon travail ». Maintenant qu’elle est lancée, Sara ne compte pas s’arrêter là. Son avenir, elle l’imagine toujours à la croisée du documentaire et de la fiction : « Ce sera toujours un mélange entre les deux, mais je ne veux pas être la réalisatrice qui fait tout sans budget ».