Rennes. Le couronnement de Poppée ou un opéra passion décrypté

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Après quelques semaines d’accalmie, c’est avec tambours et trompettes que l’opéra de Rennes a ouvert ses portes pour plusieurs représentations de l’œuvre de Claudio Monteverdi,  Le couronnement de Poppée. Auréolée d’un succès en forme de plébiscite acquis lors du festival d’Aix-en-Provence en 2022, cette coproduction de l’opéra de Rennes était attendue avec une légitime impatience.

Ceux qui ont répondu à cette invitation n’ont pas été déçus.Certes la perspective d’une représentation de plus de trois heures, entrecoupée d’un entre-acte, avait de quoi être la cause d’un peu d’inquiétude, mais il n’en fut rien. La mise en scène peu classique de Ted Huffman répond totalement à un souhait récurent du public, comprendre aisément ce qui se passe sur scène et de ce point de vue, nous avons eu un réel motif de satisfaction. L’intrigue se déroule sous nos yeux sans à coup et retient notre attention avec une telle intensité que le temps passe sans que notre siège se révèle inconfortable. L’impeccable direction d’acteurs sublime la qualité des chanteurs, elle donne aux personnages qu’ils incarnent une véritable épaisseur et une totale crédibilité. Le casting vocal est un véritable exploit. La confiance accordée à plusieurs jeunes interprètes offre un résultat bien au-delà de toute attente… un vrai festival !

Dans le rôle-titre, Catherine Trottman incarne une Poppée aussi délicieuse qu’ambitieuse, sa voix nous envoûte, sa présence scénique nous enchante, elle place de toute évidence la barre très haut.Ray Chenez lui donne la réplique et impose un Néron capricieux, cruellement infantile, capable surtout du pire et certes pas du meilleur. Sa tessiture est complètement bluffante. On est clairement très au-dessus de ce qu’on attend d’un contre-ténor et Matthieu Rietzler, directeur de l’opéra de Rennes, ne manquera pas de nous rappeler qu’en pareil cas un chanteur capable de tels aigus répond au nom de « sopraniste ».

Le deuxième couple formé par le général romain Othon et la dame de cour, Drusilla n’a rien à envier à notre presque couple impérial. Paul-Antoine Bénos-Djian sait mélanger avec conviction, énergie et désespoir, il nous propose un personnage touchant et sincère. Mailys de Villoutreys en amoureuse prête au plus grand sacrifice touche le public tant par l’incarnation de son personnage que par des qualités vocales qui nous laissent admiratifs. Mais ce n’est pas tout, dans le rôle de Sénèque, le puissant organe de basse de l’excellent Adrien Mathonat vient de façon virile tenter d’imposer la voix de la raison, malheureusement en pure perte. Il acceptera la mort que Néron lui impose dans un épisode soliste d’une bouleversante émotion.

Flottant au-dessus, comme un marionnettiste agitant ses personnages Victoire Bunel dans le rôle de la reine délaissée, Octavie, propose avec sensibilité un personnage, digne dans sa souffrance, mais capable de transports parfois plus qu’orageux. Plus d’une fois elle entraînera le public dans un sombre univers qu’elle domine, mais qui se retournera finalement contre elle.

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Le contre-ténor Paul figuier, dans deux rôles féminins ne dément pas la qualité de l’ensemble des chanteurs, la facétieuse interprétation de ses personnages n’en altère pas la crédibilité et il mérite de chaleureux compliments, car il n’a pas les rôles des plus faciles. Camille Poul incarne l’amour et également un excellent valet, dispensant des vérités, mais aussi de belles insolences à la manière des personnages de Molière. Dans des rôles plus discrets, Sebastian Monti, devenu pour l’heure le poète Lucain, Thibault Givaja endossant le costume de Libertus ou Yannis François en licteur, témoignent de l’homogénéité de la qualité vocale de cette coproduction rennaise.

N’allons pas oublier le bel ensemble de Damien Guillon, le Banquet céleste, dont la musique aux sonorités baroques et acidulées accompagnera notre périple dans l’antiquité de la plus louable manière. Après une vigoureuse ouverture l’ensemble musical nous charmera pendant près de trois heures et nous tiendra en haleine.

S’il nous est permis d’exprimer un tout petit bémol, il concernera les costumes qui souffrent un peu de créativité et affubler un général romain d’un ensemble veste-pantacourt rose semble relever d’un parti-pris qui appartient déjà au passé.

Pour le décor, nous le laisserons à l’appréciation de chacun tant cette perception est personnelle, un élément mérite toutefois d’être souligné, c’est celui du travail d’éclairagiste. Bertrand Couders assisté de Laurent Irsuti, se révèle comme véritable acteur du drame qui se déroule sous nos yeux. A dire la vérité il fait preuve de tant d’audace dans ses choix de couleurs ou d’intensité qu’en des années de fréquentation de l’opéra de Rennes, nous n’avions jamais connu une telle palette.

Monteverdi a écrit cette œuvre en 1643 alors qu’il avait 75 ans, pas besoin d’être un éminent sociologue pour se rendre compte que l’intrigue où se mêlent les passions, la jalousie, la course au pouvoir, l’ambition, a quelque chose d’incroyablement intemporel.

C’est un nouveau succès dont il y a lieu de se réjouir et les représentations (5 au total) se poursuivent jusqu’au 8 octobre inclus. Vous n’auriez sans doute pas tort de vous y rendre, c’est en tout cas notre conseil !

Dates et horaires : Dimanche 1ᵉʳ octobre à 16h, Mardi 3 octobre à 20h, Jeudi 5 octobre à 20h, Samedi 7 octobre à 18h, Dimanche 8 octobre à 16h Durée 3h10 (entracte inclus) Pour réserver vos places, c’est ici !

Le Couronnement de Poppée – Distribution – Damien Guillon : Direction musicale – Orchestre Le Banquet Céleste – Ted Huffman : Mise en scène – Johaness Schütz : Décors, concept original – Anna Wörl : Décors, adaptation – Astrid Klein : Costumes – Pim Veulings : Collaborateur aux mouvements et maître d’armes – Bertrand Couderc : Lumières – Antonio Cuenca Ruiz : Dramaturgie – Maud Morillon : Assistante mise en scène – Laurent Irsuti : Assistant Lumières – Kevin Manent-Navratil : Chef de chant – – Avec : – Catherine Trottmann : Poppée – Ray Chenez : Néron – Victoire Bunel : Octavie / la Vertu – Paul-Antoine Bénos-Djian : Othon – Adrien Mathonat : Sénèque – Paul Figuier : Arnalta / nourrice / Familier 1 – Maïlys de Villoutreys : la Fortune / Drusilla – Camille Poul : l’Amour / le valet – Sebastian Monti : Lucain / le soldat 1 / Familier 2 – Thibault Givaja : Libertus / le soldat 2 – Yannis François : le Licteur /Familier 3

Toutes les photos sont signées par le photographe Laurent Guizard

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Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

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