RENNES, L’ÉLÉGANCE POP INDÉ DES PAPAPLA

« C’est l’histoire de deux potes qui habitent dans une petite citadelle de Bretagne et qui, après un pari un peu absurde, décident d’aller trempouiller leurs petits pieds bretons (La Plage) dans la mer Méditerranée (Saint-Tropez), juste pour vérifier que la température de l’eau est plus chaude. Ce road-trip en voiture (Je n’adhère plus) sera fait de rencontres (Maurice’s Waltz), de songes (Shooting Stars), de solitude (What am I doing here?) et de bien d’autres choses » (Julien Sevin-Renault).

Une poésie d’une simplicité distinguée aux rythmes mélancoliques parfois planants, parfois plus dynamiques : c’est le pari gagnant proposé par les Papapla dans The Sounds of Papapla vol 1, sorti le 8 juin 2018. Un très bel premier opus pop indé, qui alterne des textes en français et en anglais avec beaucoup de style, c’est indéniable. Un petit bijou pour les oreilles.

Pourquoi avoir choisi l’énigmatique nom de groupe Papapla ?

Thierry Lolon : C’est la traduction littérale de « flat daddies » en américain qui serait les « papas plats ». Ce sont des effigies de G.I américains en carton. Quand les soldats américains sont partis en Irak faire la guerre, l’armée américaine a proposé aux familles de fabriquer des cartons grandeur nature avec l’image des pères partis à la guerre. Nous avons vu un reportage où les pères étaient « présents » à table sous forme de cartons. C’était pour lutter contre la solitude, l’éloignement. J’avais trouvé cela très curieux et assez inquiétant. Au début nous devions nous appeler les « flat daddies » puis finalement nous nous sommes dits que nous pouvions faire une traduction littérale. C’était assez drôle et cela rendait quelque chose d’étonnant.

ELEGANCE POP INDE DE PAPAPLA

La musique a toujours fait partie de vos vies respectives puisque Thierry est l’ancien leader du groupe « Band of Ghosts » et que Martial est co-fondateur du label « les disques Normal » (Bumpkin Island, Mha, Kalamar, Superstar, Lady Jane). Comment est apparu ce goût pour la musique chez chacun de vous et comment a émergé l’idée de vous associer pour travailler sur un premier album ?

Thierry Lolon : Le goût pour la musique a toujours existé chez nous. C’est quelque chose qui fait partie de notre culture depuis que nous sommes étudiants. J’ai joué dans différents groupes. Depuis quelques années, je faisais de la musique tout seul. Je ne faisais pas de concerts mais je m’enregistrais. J’ai sorti un album sous le nom Band of Ghosts puis j’ai connu Martial via une web radio qui s’appelait « Association de gens normal ». Il m’avait contacté pour diffuser un morceau de Band of Ghosts.

Martial Hardy : Pendant l’aventure avec le label « Les disques Normal » nous avons fait une compilation hommage à Sparklehorse lorsque le leader du groupe est mort. Nous avons fait appel à des groupes de rock indé français à ce moment et avons notamment pensé à Thierry. Les hasards de la vie ont ensuite fait que nous habitons maintenant à 5 minutes l’un de l’autre. Nous avons découvert au fil du temps de nombreux points communs et avons essayé de jouer ensemble à partir de morceaux que Thierry compose.

Pouvez-vous nous raconter comment s’est déroulée la réalisation de ce premier album, Sounds of Papapla vol 1, depuis 2016 jusqu’à sa sortie en juin 2018 ?

Martial Hardy : A la base c’est Thierry qui compose. Il fait une base rythmique avec la voix. Ce sont parfois des morceaux plus vieux que 2016, qui étaient en chantier depuis un moment. Mais nous avons commencé à composer ensemble il y a deux ans, en effet. Je m’occupe des arrangements guitare.

Thierry Lolon : Je viens avec une base que je trouve seul. Ensuite, nous la retravaillons ou plutôt nous nous amusons à partir de cette base. Nous pouvons revoir la structure du morceau, voir les arrangements.

Martial Hardy : Nous explorons et essayons des choses. Nous avons tous les deux notre métier à plein temps à côté, la musique est une passion que nous pratiquons en dehors de notre travail.

ELEGANCE POP INDE DE PAPAPLA

Houellebecq semble planer derrière votre album. Quelles sont vos influences ?

Thierry Lolon : On me l’a déjà dit en effet notamment sur une chanson. J’aime bien Houellebecq comme auteur mais je n’ai pas cherché à faire du Houellebecq. Je ne chante pas, les morceaux en français sont des chansons parlées et il y a peut-être un côté brut, un constat des choses : dans ce sens certaines chansons peuvent s’apparenter à l’album de Michel Houellebecq. Nous aimons beaucoup les Suuns, un groupe canadien qui fait des choses surprenantes.

Martial Hardy : J’aime de façon inconditionnelle les Sparklehorse. Le shoegaze (ndlr : sous-genre du rock alternatif) comme Slowdive. Il y a aussi Sonic Youth, Tricky…

Thierry Lolon : Nous écoutons beaucoup de choses, des groupes de post-rock comme Mogwaï . Le rock des années 90 aussi forcément ! Je chantais tout le temps en anglais et maintenant je ne compose plus qu’en français. Je n’aimais pas trop les groupes de rock français, la façon d’écrire leurs textes. Cela ne m’intéressait pas trop. Puis j’ai découvert Bertrand Belin, par exemple. C’est quelqu’un qui a apporté beaucoup à la chanson ou au rock français. Comme Bashung d’ailleurs.

Martial Hardy : Le texte est en français mais la façon de chanter ou les musiques ne sont pas toujours calées sur la chanson française traditionnelle.

ELEGANCE POP DE PAPAPLA
© Renan Peron

Chanter en anglais était une façon de s’identifier à ce qui se faisait et se fait encore dans le monde anglo-saxon ou peut-être est-ce un moyen de se cacher d’une certaine façon ? Quelle était la raison ?

Thierry Lolon : C’est exactement cela. A la base j’avais une culture anglo-saxonne. Je n’ai pas un niveau d’anglais extraordinaire donc j’ai ensuite été limité dans l’expression de ce que je voulais exprimer. Je me rends compte qu’en ne chantant plus qu’en français, on ne peut pas se cacher. Il y avait une manière de dire les choses en avançant masqué. C’est aussi une évolution dans les goûts musicaux. Nous écoutons tout de même beaucoup de groupes en anglais.

Une voix féminine apparaît dans « What I am Doing Here » et laisse penser au duo Serge Gainsbourg – Jane Birkin. Qui est cette voix féminine qui accompagne Thierry ?

Thierry Lolon : C’est ma femme ! Quand nous faisions des enregistrements, je lui demandais toujours de chanter sur un morceau car elle chante bien. Et puis, je me suis dit que c’était l’occasion de voir ce que cela pouvait donner. C’est une tentative d’arrangements.

« Une bande de jeunes vieux marchent dans un parc » (La voie de la mémoire) « Le plus grand yacht, le plus gros a gagné. Il faut bien donner un sens quand l’or déborde et que l’ennui dévore» (Saint-Tropez). Plage, road-trip, amitiés, solitude … Quelles émotions voulez-vous transmettre à votre public et où puisez-vous votre inspiration ?

Thierry Lolon : Toutes les chansons sont des histoires vraies, des choses sur des expériences que j’ai vécues. Je n’invente rien. La chanson sur Saint-Tropez, j’y suis allé et j’ai livré mon ressenti sur la manière dont j’avais vécu la visite. Je n’essaye pas spécialement de transmettre une émotion. J’essaye d’être honnête. Je ne recherche pas des paroles engagées.

Martial Hardy : Thierry part d’un constat et pose des questions sur des choses qui l’intriguent. Nous jouons certains morceaux en live qui ne sont pas sur le disque comme la chanson « Poison » qui fait écho à une expérience vécue par Thierry.

Thierry Lolon : Cette chanson a émergé d’une anecdote, en effet. J’étais dans un bar et j’ai vu une femme en face de moi avec marqué sur son bras : « ma mère est un poison ». J’en ai fait une chanson. J’ai imaginé ce qu’il s’était passé.

ELEGANCE POP DE PAPAPLA
© Renan Peron

Visez-vous un public particulier comme une « bande de jeunes vieux » (La voie de la mémoire) par exemple ?

Thierry Lolon : L’âge n’a rien à voir là-dedans. Nous ne visons pas un public. La chanson « une bande de jeunes vieux » raconte un film que j’ai vu il y a quelques années que j’avais beaucoup aimé. Il s’appelle Memory Lane (Mikhaël Hers). Il parle d’une bande de potes qui ont autour de 25/30 ans. Ils se retrouvent et leur vie a changé. Ce sont des jeunes qui ne sont plus trop jeunes non plus. Cette chanson est mon regard sur ce film. Nous avons joué devant des publics très différents. Nous sentons que la musique intéresse plus les amateurs de rock, qui écoutent pas mal de musiques actuelles. Nous avons fait des soirées où il y avait des groupes de reprises comme pour la fête de la musique. Nous sentons un décalage : lors de cet événement des groupes vont faire des compositions de chansons très connues, qui intéressent beaucoup de personnes. Nos chansons sont ni très festives, ni très drôles. Le partage se fait, ou pas. Certains accrochent et d’autres non.

Martial Hardy : Nous ne raisonnons pas en termes de cibles. Il n’y a pas une volonté de jouer uniquement pour un public averti. De fait, nous sentons que suivant les endroits où nous jouons, il y a plus ou moins de réception. La musique s’adresse à tous les âges, c’est après une question de curiosité ou non, sans jugement.

Vous avez réalisé des concerts à Ercé-près-Liffré, Fougères. Souhaitez-vous programmer de nouvelles dates de concerts et quels sont vos projets musicaux ?

Martial Hardy : Nous avons fait une petite dizaine de concerts depuis février 2017. Nous allons jouer à Rennes en septembre. Nous aimerions bien jouer un peu plus. Nous n’avons cependant pas forcément les possibilités de partir en tournée, ni l’envie d’ailleurs !

Thierry Lolon : Nous allons essayer de ré-enregistrer des chansons cette année. L’album que nous avons sorti n’est pas très long. Nous avons encore plein de morceaux qui existent déjà. Nous avons une base pour faire un deuxième album dans la foulée !

Martial Hardy : En concert, il y a un tiers des chansons qui ne sont pas sur le disque dont des morceaux qui ne seront peut-être jamais sur un disque de Papapla. Nous verrons. Certaines sont en chantier.

Papapla, Sounds of Papapla. 17 euros. Dans les bacs le 18 juin 2018.

Photo de couverture : © Thierry Lolon. Mise en page : Oliver Schreiber

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