Rennes Prison de Vezin-le-Coquet : nouvelle agression dans la cocotte-minute

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À la lisière ouest de Rennes, le centre pénitentiaire de Vezin-le-Coquet cristallise les maux profonds de l’institution carcérale française : surpopulation chronique, sous-effectif dramatique, dégradation des infrastructures, et crise psychiatrique latente. Depuis la mi-juillet, une série d’agressions et d’incendies, sur fond de canicule, met en lumière un établissement au bord de la rupture. Le personnel, à bout de nerfs, parle désormais d’un système qui « craque de partout ».

Une spirale d’incidents inquiétante

Le 16 juillet 2025, un détenu a tenté d’étrangler un gradé. Le 24 juillet, un autre assène un coup de poing à un agent. Et le 28 juillet, un surveillant est violemment agressé au menton, envoyé à l’hôpital avec deux points de suture. L’agresseur, connu pour son instabilité mentale, a profité d’une extraction judiciaire pour frapper l’agent, avant d’être maîtrisé et placé au quartier disciplinaire.

Ce sont là les trois dernières agressions en moins de deux semaines. Mais elles s’ajoutent à une série d’incendies récents : feu de promenade le 29 juin, cellule incendiée le 2 juillet. À chaque fois, les causes sont les mêmes : tension extrême, chaleur insupportable, absence de moyens adaptés.

Un personnel exténué, un encadrement défaillant

Le 29 juillet, le syndicat FO-Justice a lancé un débrayage dès 7h, ralentissant l’établissement pendant toute la matinée. Dans un communiqué, il fustige une administration pénitentiaire « qui détourne le regard », laisse des « profils dangereux déambuler au milieu des autres », et refuse d’admettre l’état d’urgence. L’UFAP-Unsa Justice avait déjà alerté début juillet sur la sous-estimation des faits par la direction et le sous-effectif chronique. Il manque plus de 40 surveillants.

Certains quartiers, dont celui de semi-liberté, sont parfois encadrés par un seul agent. La fatigue psychologique gagne tous les étages. « Il faut attendre un drame pour que les choses bougent ? », s’indigne un surveillant. La réponse disciplinaire reste timide : des sanctions symboliques, ressenties comme des aveux d’impuissance.

Une bombe psychiatrique dans les murs

À Vezin, comme dans la majorité des prisons françaises, le profil des détenus évolue. Les cas de troubles mentaux graves se multiplient. Certains, non diagnostiqués, ne relèvent pas de l’incarcération classique mais de structures spécialisées. Le Service Médico-Psychologique Régional (SMPR) ne peut pas suivre. L’hôpital Guillaume-Régnier non plus. Résultat : des personnes en grande détresse psychique sont maintenues en détention ordinaire, sans soins, sans encadrement adéquat.

Le syndicat FO-Justice l’affirme : « L’augmentation des profils psychiatriques devient ingérable ». Le détenu ayant agressé l’agent le 28 juillet s’amusait à se maquiller avec du dentifrice dans une cellule insalubre. Une caricature tragique d’un échec institutionnel.

Une prison sous tension thermique et humaine

Construit pour accueillir 690 détenus, le centre en abrite aujourd’hui plus de 840, soit un taux d’occupation moyen de 120 %, avec des pointes à 163 %. L’été 2025, caniculaire, transforme les cellules en étuves où la température dépasse les 40 °C. Certains dorment à même le sol, sans ventilation. Cette promiscuité extrême accroît les violences, les passages à l’acte, les crises de nerfs, les suicides évités de peu.

Que faire ? Quatre urgences absolues

  • Rénover thermiquement et sécuritairement le centre : ventilation efficace, caméras modernisées, zones tampons, espaces de désencombrement psychique.
  • Recruter en urgence des surveillants, officiers et personnels médicaux-psychiatriques.
  • Réduire la surpopulation par une politique pénale plus souple pour les délits mineurs, des aménagements de peine et un meilleur suivi extérieur.
  • Créer des unités spécialisées psychiatriques, avec un encadrement formé et une prise en charge digne.

La leçon venue d’ailleurs

Les Pays-Bas et la Scandinavie ont emprunté une autre voie. Les premiers ont fermé des dizaines de prisons grâce à la dépénalisation, au bracelet électronique et à une philosophie de réinsertion. Les seconds, de Bastøy (Norvège) à Österåker (Suède), misent sur l’humanité carcérale, l’autonomie et la reconstruction. Résultat : moins de récidive, moins de souffrance, plus de cohésion sociale.

Un tournant à ne pas manquer

Vezin n’est pas un cas isolé. Mais il est devenu un concentré des failles du système. Sa dégradation rapide doit alerter, non être minimisée. L’établissement peut devenir un laboratoire d’expérimentations nouvelles – si l’on cesse de penser la prison comme une impasse punitive, et qu’on ose en faire un lieu de transition, de soins et de sens.

Sans cela, le pire est à craindre. Le risque de soulèvement collectif est réel. Le personnel est à bout. Les détenus, nombreux, souffrent en silence. Et les briquets circulent…