Romeo Castellucci à Rennes > Vers un bain de sang spirituel ? l 10/11

La vive polémique qui entoure le spectacle « Sur le concept du visage du Christ » de Romeo Castellucci s’est déplacée à Rennes, comme l’indiquait Unidivers le 29 octobre. Cette pièce sera donnée le 10,11 et 12 novembre au TNB dans le cadre du festival Mettre en Scène.

 

Donnant raison à l’analyse qu’en a faite notre journaliste Jean-Christophe et en s’opposant au pertinent appel au discernement de Mgr d’Ornellas, l’évêque de Vannes, Raymond Centène, manifeste son soutien à une frange de catholiques bien résolus à manifester contre la tenue de la pièce. Cette discorde épiscopale semble révélatrice d’une opposition profonde qui mine l’Église catholique romaine de la base jusqu’à sa tête. Espérons que le jeudi qui vient ne l’illustre pas par un bain de sang alors que les rues rennaises seront également empruntées par de jeunes gens grimés tout de noir venus assister au Liberté à la performance rituelle… du satanique et suranné Alice Cooper.

État des lieux

Il est patent que la société et les médias français n’ont pas conscience de l’état d’exaspération et de souffrance vécu par nombre de catholiques tour à tour taxés de gentils sots, de superstitieux moralistes, voire de soutiens à pédophiles. C’est un fait d’autant plus pénible à vivre que les catholiques pratiquants ont le sentiment de devenir une minorité dans un pays qui est la fille ainée de l’Église. En réaction à cette période de transition complexe, des divergences font de plus en plus jour : la vision d’un travailleur social chrétien se concilie difficilement avec la conception d’un membre de l’Opus Dei.

Dans cette veine, la discorde entre Mgrs d’Ornellas et Centène s’inscrit dans deux voies qui sont encore à la recherche de leurs marques et pourrait à défaut être résumées ainsi : une appartenance identitaire au catholicisme qui fait le lit d’un communautarisme culturel de plus en plus radical ; une appartenance de foi au catholicisme qui privilégie la pratique des vertus et la recherche des dons de l’Esprit dans une compréhension de l’autre illuminée par la conjugaison de la connaissance et de l’amour.

Mgr d’Ornellas versus Mgr Centène

Autant dire que c’est la première voie que semble privilégier les jeunes catholiques soutenus par Mgr Centène. Ils ont lancé un appel à manifester le jeudi 10 à 18 h 30, au départ de la place de Bretagne, à Rennes. Comme à Paris, ils s’insurgent contre le caractère christianophobe du metteur en scène italien qui, au dernier acte de sa pièce, fait déverser de la matière fécale sur le beau visage du Christ d’Antonello da Messine.

Rappelons que Mgr d’Ornellas a affirmé, quant à lui, qu’« il est clair qu’il n’y a pas de christianophobie dans cette pièce de théâtre. […] Ne nous trompons pas de combat en luttant contre une christianophobie à laquelle on veut nous faire croire. […] Manifester contre Castellucci est une erreur de perspective. […] Castelluci veut nous conduire plus loin. Dans ce vieillard qui se vide de lui-même, “de sa dignité”, dit-il, il montre aussi le Christ qui s’est vidé de lui-même “jusqu‘à la mort et la mort de la Croix”, comme le chante Saint Paul (Philippiens II-8) ».

Much Ado About Nothing

Au demeurant, il apparaît que le travail de Mario Castellucci se comprend dans une lecture néognostique et une illustration transgressive artaud-pasolinienne du geste et du contenu scripturaire judéo-chrétiens, notamment, de la Genèse et de la figure de Jésus-Christ. Une pièce silencieuse de 40 minutes qui, au-delà du foin provoqué par la bronca extrémiste, n’a que modérément intéressée les critiques.

Chacun est libre d’être en accord ou non avec la lecture de Castelluci. Il est même tout à fait compréhensible et acceptable qu’une personne y soit profondément opposée. Mais dans la mesure où cette pièce se déroule au sein d’un théâtre devant un parterre de spectateurs avertis qui ont acheté un billet pour s’installer dans un lieu géographique bien délimité, il paraît dès lors infondé que des manifestations anti puissent avoir lieu dans la rue.

Et puis, va-t-on manifester devant le rayon TV de la Fnac parce que des chaînes françaises programment des contenus violents ou pornographiques ? Si quelqu’un n’est pas d’accord avec les choix éditoriaux de Charlie Hebdo, eh bien, qu’il ne l’achète pas ! Enfin, si chaque communauté religieuse devait manifester dès qu’un événement culturel délivre un élément contraire à sa doctrine, les rues de France seraient chaque jour noires de catholiques, protestants, orthodoxes, juifs, musulmans, bouddhistes sans compter les laïcistes, les communistes, les nationalistes et tant d’autres istes. Tous convaincus du bien-fondé de leur présence et de leur combat. Au demeurant, certains observateurs spirituels pourraient considérer que ces tentatives de déchirures de l’espace républicain sont le fruit d’un seul inspirateur, celui dont le nom est Légion.

Solution alternative

En revanche, on peut remarquer l’alternative proposée par la paroisse Saint-Germain de Rennes :

« Au-delà de la réaction compréhensible de certains catholiques face à un spectacle qui outrage le visage du Christ, les catholiques de la Paroisse Saint-Germain de Rennes souhaitent proposer une alternative artistique et culturelle à ce spectacle. C’est pour cette raison qu’ils invitent tous les catholiques – quels qu’ils soient – choqués par cette vision volontairement scatologique de la figure du Christ à une lecture/concert intitulée : « Méditation sur le visage du Christ » à partir de l’œuvre de Francis Jammes “le crucifix du poète” qui sera organisé le jeudi 10 novembre 2011 à 20 h 30 à l’église Saint-Germain. »

Nicolas Roberti

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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