La rentrée littéraire s’annonce prolifique s’accompagnant comme chaque année de révélations et de découvertes. Avec son premier roman, Pêche, la Galloise Emma Glass, frappe fort. Un texte-choc, dérangeant. Inclassable.
Autant l’écrire de suite : avant de choisir ce mince roman, Pêche, prenez le temps de lire la première page, cette page onze chapitrée « Panser profond ». Si les mots vous touchent, vous transportent, vous intriguent, n’hésitez pas et laissez-vous emporter par ce récit violent et rude où le style si particulier, et magnifiquement traduit vous emmène dans un univers fantasmatique unique. Il démarre fort ce texte syncopé : Pêche rentre chez elle, du sang coule le long de ses jambes, ses parents qui viennent de faire l’amour sur la table de la cuisine, ne s’aperçoivent de rien. Seule, elle va devoir affronter le mal que lui a causé Lincoln, une ombre lointaine aux odeurs de charcuterie et aux doigts en forme de saucisses.
Lincoln, le seul étranger à posséder un nom propre courant à côté de Vert, l’amoureux de Pêche, de Sable, de Mr Mélasse, de Patate, des noms de fables et de contes, auxquels ce récit emprunte de nombreuses thématiques. Dans des pages parfois loufoques et délirantes ou par des descriptions anatomiques poussées à l’extrême, la jeune écrivaine galloise sans retenue, retrouve la saveur des récits pour enfants où la dévoration par des ogres maléfiques génère des peurs ancestrales. Le récit fait peur, fait sourire parfois et emmène le lecteur dans une expérience rarement connue. Pêche, va devoir vivre et composer avec son corps meurtri, et dans la solitude trouver une solution extrême à son mal-être.
Comme les contes, Pêche peut se lire à voix haute, pour mettre en exergue le rythme d’un style qui parfois vous assène un vrai coup de poing dans l’estomac, ou plus rarement vous adresse un sourire. Comme les contes, Pêche n’hésite pas à transgresser la réalité et les règles les plus élémentaires de bon goût.
Les amateurs de BD retrouveront des accents de l’exceptionnel Blast de Larcenet, quand l’énormité des corps et des fonctions vitales prennent le pas sur la bienséance. L’horreur fait ici parfois bon ménage avec la poésie et pose les questions essentielles du bien et du mal, du beau et du laid, de la vengeance et de la rédemption.
Ce voyage aux confins de l’âme humaine, aborde avec sa prose inédite, le thème si souvent développé ces derniers temps du viol et de violences physiques (1). L’homme comme prédateur, la femme comme proie. Son approche inédite ne peut laisser le lecteur de marbre. Une Pêche à croquer. Et à digérer.
Pêche le premier roman d’Emma Glass. Éditions Flammarion. Hors collection – Littérature étrangère. Parution le 22/08/2018. 128 pages – 139 x 212 mm Broché EAN : 9782081443136 ISBN : 9782081443136. 14€.
trad. anglais (GB) Claro.
(1) Lire à ce sujet le formidable livre d’Adélaïde Bon : « La petite fille sur la banquise » chez Grasset.
Lire un extrait ici.