Le dernier sondage IFOP/Metro sur une « Menace Terroriste » qui ferait peur à 78 % des Français ne peut qu’interpeler, tant dans sa méthode que dans son but.
Comme souvent, il est réalisé sur un panel supposé représentatif de la population et constitué de 1000 personnes. Où sont-elles? D’après le détail de l’enquête, ce sont des personnes volontaires et non prises au hasard, qui ont répondu à l’enquête – ce qui ne peut que modifier la pertinence du résultat. De la même manière, le libellé de la question et les réponses possibles (très élevé, plutôt élevé, plutôt faible, très faible, nous annonce-t-on) sont, quant à elles, primordiales et souvent cachées. Reste le fait que les résultats donnent un net avantage au OUI : une menace terroriste pèse sur la France pour 78 %, contre 53 % à l’époque de la tuerie de Toulouse, nous rappelle-t-on. Mais un résultat similaire en mai 2011 après l’attentat de Marrakech. Là encore, comparer l’incomparable est une spécialité de ces instituts, puisqu’un panel différent, malgré le profilage des personnes interrogées, ne peut se comparer à 100 ou même 80 %.
Démystification des chiffres
En creusant un peu plus les chiffres, l’IFOP nous explique que les hommes sont plus inquiets que les femmes de moins de 35 ans. Alors que c’est l’inverse chez les plus de 35. Les plus de 65 ans qui sont inquiets. Cette peur supposée du terrorisme toucherait plus les sympathisants UMP et Front National que les partisans du Front de Gauche et du PS.
En pratique, il n’y a pas eu le moindre attentat en France depuis 2007, si ce n’est un assassinat de 2 gardes espagnols à CapBreton par l’ETA et des arrestations préventives dont plusieurs ont été classées sans suite. On mettra de côté le cas Merah dont le parcours tient plus d’une dérive solitaire que d’une organisation terroriste structurée. En effet, contrairement à une idée reçue, le terrorisme en France touche plus le séparatisme (basque et corse) que l’islamisme, pour reprendre le terme usité. Malgré cela, médias comme politiques brandissent sans cesse la peur d’Al Qaeda comme terrorisme majeur imminent, copiant, inconsciemment ou non, les dérives d’un FoxNews aux États-Unis. À noter que cette enquête a été réalisée avant le tout récent attentat contre l’ambassade de France en Libye, lequel tient plus de la guerre civile que du terrorisme international.
La Stratégie du choc ou le marketing de la peur.
Il s’agit souvent d’une stratégie de la peur, autrement appelée Stratégie du Choc, qui vise à faire régner un climat d’angoisse pour mieux faire admettre des décisions difficiles et drastiques. Pour la France, il suffit de regarder le traitement qui est fait du moindre incident en banlieue ou à Marseille. Guerre des gangs, trafics omniprésents…voilà qui ne peut que nourrir des angoisses auprès de ceux qui ne connaissent pas ces villes. Cette communication de la Catastrophe peut aussi être utile pour minimiser une autre actualité.
La peur de perdre son emploi, la peur de l’inconnu, de l’étranger fraudeur en puissance… tous ces messages jouent sur l’angoisse pour faire passer l’inconcevable, autant politiquement qu’économiquement. Ainsi, à chaque tuerie aux États-Unis, après un concert d’opposition à la vente des armes, on constate une augmentation des ventes de ces armes grâce à des messages comme « mais comment vous défendrez vous ?… ». L’attentat de Boston va être l’occasion de renforcer l’espionnage des citoyens (la Loi CISPA en préparation par exemple, voir notre article). Quant à Alain Bauer, spécialiste autoproclamé de la sécurité, sans doute va-t-il proposer un nouvel arsenal sécuritaire dont le coût est aussi astronomique que son inefficacité depuis 20 ans dans les secteurs les plus touchés par l’insécurité.
Ajouter sans cesse des verrous sans s’attaquer aux causes racines de ces peurs n’est qu’une fuite en avant vers une privation totale des libertés individuelles. Chasser les problèmes chez le voisin ne les fait jamais disparaître, mais au contraire les fait prospérer. La parution d’un tel sondage en ces moments de crise ne peut que concourir au panurgisme et consolider un sentiment d’angoisse général, porteur des pires dérives.