TANT QU’ON IRA VERS L’EST, ODYSSÉE DU TAO PAR VOIE DE SKATE

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Partie de Rennes en avril 2017, Tao Astier a rejoint Saint-Pétersbourg en skate, quelques milliers de kilomètres plus loin… Mehdi Rondeleux en a tiré un film, Tant qu’on ira vers l’Est. Un périple de rencontres folles sur les routes européennes, à la recherche d’une liberté absolue. La voie du Tao.

Il y a toujours ce bruit. Un long roulement régulier, monotone, qui vibre au gré des impulsions et des irrégularités du sol. Et, de temps en temps, un claquement sec. Le claquement de la planche de skate qui heurte le bord de la rampe ou l’asphalte de la route. Ces bruits ont accompagné Tao Astier sur 3 500 kilomètres. Soit la distance qui sépare Rennes de Saint-Pétersbourg.

« Tant qu’on ira vers l’Est » est le récit de cette étrange odyssée. Pendant quatre mois, la caméra de Mehdi Rondeleux a suivi la Rennaise Tao Astier sur les routes européennes. La jeune skateuse avait déjà fait le tour de Bretagne avec sa planche. Cette fois, elle a décidé de rallier, avec son skate, la capitale bretonne et la Venise du Nord. À chaque étape, elle va à la rencontre d’autres jeunes, en dehors des sentiers battus, de la Normandie aux Pays baltes. Puis elle reprend la route, avec toujours le même mouvement, le demi-arc de cercle de sa jambe qui frappe le sol régulièrement, pour glisser sur sa planche.

tant qu'on ira vers l'est

« Ils s’étaient demandé dans quel sens partir, alors ils étaient partis dans tous les sens. » La phrase résonne, alors que la Rennaise file  le long des côtes normandes. Et elle fait écho dans les esprits, tout au cours de ce long métrage, quand Tao Astier ne garde qu’un seul cap, vers l’Est.

Ces trajectoires de vie qu’elle croise se dispersent, s’éparpillent, à la recherche d’autres possibles. Il y a les skateurs, de la Belgique à la Lituanie. Les uns pestent contre la récupération de leur culture par les grandes marques. Ils veulent faire vivre leur pratique par eux même, dans le quartier populaire de Molenbeek, avec leur camion-rampe. Les autres rêvent d’Occident, depuis leur pays de l’Est.

Il y a ceux qui cherchent à s’émanciper de cette société, qui cultivent leur propre terre, pour gagner en autonomie, ou bien qui construisent leur propre cabane en forêt, en dehors de tout cadastre, de toute règle. Il y a aussi ces antifas de Leipzig, au QG bombardé d’autocollants antifachistes, antisexistes, pro-migrants.

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« La résistance est un moyen de se sentir plus libre, commente un de ces antifas allemands. Mais ce n’est pas la liberté elle-même. » Tous résistent un peu, à leur façon. Mais c’est bien cette liberté que traque la caméra de Mehdi Rondeleux, une liberté loin des canons habituels du quotidien, des contraintes de vitesse, de travail.

Trimballés le long de cette route, on plonge dans cet univers alternatif, avec son langage fleuri, cosmopolite. On passe du français à l’anglais, de l’allemand au russe,  mais toujours il reste ces joints, qui passent de main en main, l’amertume fraîche de la bière, le choc glacé de la vodka.

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Par-dessus se pose la bande-son rock de Mama Stone and The Swang Gang, et puis les vers des poètes rencontrés en route, récités dans leur propre langue. « Le skate n’est qu’un prétexte », explique Tao Astier. L’exploit est sportif, certes. Elle s’est usé les pieds, jusqu’au sang parfois, elle a roulé de nuit. Mais pour elle, le périple est surtout une aventure artistique.

Le regard du réalisateur joue en même temps qu’elle avec les couleurs, lorsque le jaune de sa robe épouse les champs de blé, une cabine téléphonique; lorsque le bleu  du sac poubelle qu’elle déchire de ses pieds s’accorde avec une porte de garage, et la peinture qu’elle renverse. La caméra s’accroche à chaque détail, jusqu’à le transformer.

Tao Astier elle-même se met en scène, danse improvise des chorégraphies, avec ou sans son skate. Elle s’empare des murs, des feuilles de ses carnets, pour dessiner et peindre – elle dédiera une exposition à ce voyage, explique-t-il, et en rédige le récit pour publier un livre.

« Ce sont toutes ces rencontres qui font le film, explique Mehdi Rondeleux. Chaque autre rencontre aurait fait un film différent. » La sagesse est un puzzle, explique un poète, au bord des canaux de Saint-Pétersbourg, dont chaque pièce a été éparpillée dans le monde. On en retrouve dans l’écume de l’eau, dans le souffle de l’air, poursuit-il. Avec cette odyssée, avec ce film, Tao Astier et Mehdi Rondeleux essaient de réunir certaines de ces pièces, depuis les toits berlinois jusqu’à l’eau du lac Peïpous. Au risque, parfois, de s’éparpiller eux-mêmes.

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Tant qu’on ira vers l’Est, 1h07, un film de Mehdi Rondeleux avec Tao Astier, produit par le collectif BKE.

Diffusion sur notre partenaire la chaîne TVR à partir du 3 mai 2018.

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