VIP, UN POLAR DE CHALUMEAU TOUT FEU TOUT FLAMME

Dans VIP, son polar déjanté mais aussi parfaitement documenté, Laurent Chalumeau nous donne à observer les coulisses d’une enquête classée « Secret d’État ». Instructif et jouissif.

VIP CHALUMEAUCela commence avec des strings de luxe dans le tiroir d’une célèbre comédienne. Puis cela se poursuit avec un président de la République coiffé d’un casque de moto, un paparazzo soudain scrupuleux, un avocat qui ne l’est jamais, un garde du corps que l’on a suicidé, un secret de l’instruction non respecté, une jeune keuf pleine de promesses, une juge d’instruction opiniâtre et au final quatre cadavres entourés d’un secret d’État.

Cela déménage dans le dernier roman de Laurent Chalumeau. On pourrait se croire avec les Pieds Nickelés ou dans un Vaudeville tant le rythme est échevelé et nous entraîne dans les méandres de ces fameux milieux politico-médiatico-bobos-intellos dont on parle tant. C’est ce théâtre permanent qui nous est offert, un théâtre de boulevard avec des départs précipités, des rebondissements, des trahisons, des revirements, des voitures qui explosent. Comme dans ce théâtre de genre, l’ironie est permanente, grinçante, mais, sous la fanfaronnade s’exprime un propos bien plus sérieux qu’il n’y paraît. Tout dans ce polar balance entre un ton déjanté, magnifié par un ton à la Audiard et quelques phrases savoureuses : « Pour gober ça mon vieux, il faut une descente danaïdale de supporter anglais ou la trachée élastique des stars de X entraînées au deep throat » et un réalisme au cordeau .

VIP CHALUMEAUEn effet ce ton caustique, voire grand-guignolesque, n’hésite pas à retranscrire des maux de notre société actuelle. Sous prétexte de badinerie, un auteur voulant charmer une journaliste exprime de manière pédante une théorie du déclassement du péri urbain au profit des villes et de leurs banlieues. Derrière une conversation pour l’esbroufe se pointe une véritable analyse sociologique de notre société. Secret bafoué de l’instruction, étouffement d’une affaire par les méandres d’une banale procédure qui a toutes les formes de la légalité, copinage presse-pouvoir, jeu perpétuel attraction-répulsion, fausse immunité diplomatique d’un dictateur africain, nous emmènent dans une valse à mille temps intense, où anciens barbouzes et jeunes journalistes se côtoient dans l’intérêt de chacun.

Les personnages aussi nombreux que les situations apparaissent (et disparaissent) la plupart du temps dans des chapitres qui donnent la parole et les pensées alternativement à chaque interlocuteur. Champ contre champ comme au cinéma. Le rythme ainsi déployé est alerte auquel s’ajoutent une connaissance approfondie du déroulement d’une enquête policière d’aujourd’hui et des abréviations de service qui mises bout à bout fracassent les codes habituels de l’écriture. OPJ, DGSE, GAV, IJ, SPHP, BAC, OCRTEH se succèdent à la vitesse des rebondissements de ce roman rondement mené. Chalumeau nous avait habitués dans ses polars précédents (« Maurice le Siffleur », « Bonus » ou « Kif ») à manier la dérision et l’humour, mais cette fois-ci les allusions à l’actualité rendent le propos plus sérieux et profond. Les romanciers précisent souvent que la réalité dépasse toujours la fiction. Ce principe est ici largement confirmé quand on trouve en écho des événements de la campagne présidentielle dans un livre écrit des semaines plus tôt. On peut alors légitimement se demander si Chalumeau au lieu d’être écrivain, n’est pas plutôt voyant. À moins qu’effectivement l’imagination soit toujours à la remorque du réel.

VIP est un polar de Laurent Chalumeau publié aux Éditions Grasset. 272 pages,18,90 €.

Lire un extrait ici

https://www.youtube.com/watch?v=8I3At4Mx2bw

https://www.youtube.com/watch?v=cGOOfLilKpI

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Né en 1959, Laurent Chalumeau, écrivain et journaliste, est l’auteur de onze ouvrages publiés chez Grasset, de son premier roman devenu culte, Fuck (1991) à son dernier publié, Kif (2014) en passant par ses chroniques rock et folk En Amérique (2009).

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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