BD, Aller-retour de Bezian – Intéressante originalité mais…

Une grande silhouette massive et molle perdue dans un imper vert olive, une petite tête blafarde dans les secousses bleuâtres d’un TER, une évocation de musique et de sons : les premières pages d’Aller-retour déconcertent un peu. Elles sont cependant à l’image de cet album relativement austère, presque intégralement dessiné en noir et blanc.

 

Il  raconte le séjour de la grande silhouette, Basile Far, dans la petite ville de son enfance, près de Béziers. Le détective Basile cherche à élucider un secret. Lequel ? On ne le saura véritablement qu’à la fin. Et le lecteur le voit errer dans la ville et la campagne environnante, à mi-chemin du réel et de l’imaginaire, du présent et du passé.

bezian_aller-retourHeures de solitude et de réminiscences durant lesquelles le héros se livre à des réflexions sur le passage du temps et des souvenirs, sur les lieux et les êtres, sur la musique – dans un questionnement parfois métaphysique. Il n’est pas toujours facile de suivre Basile Far, ni toujours aisé de comprendre où précisément Bézian veut en venir. Digressions, aller-retour entre les années 60 et actuelles, entre réalité et fantasme, se fondent en un tout énigmatique qui ne nous évite pas toujours l’ennui. Certes, le texte réserve par moments de belles et sensibles évocations quasi proustiennes :

C’est le clocher le plus mélancolique qu’il ait entendu de sa vie. Deux notes. Une “seconde descendante” qui pose un constat désespéré…avec la stupéfiante propriété de se graver dans la mémoire. Un son de cloche c’est comme un souvenir. D’abord, l’impact. Puis la résonance, ondulatoire, chargée d’harmoniques compliquées qui semblent durer à jamais…se réduisant malgré tout, plus ou moins lentement, jusqu’à s’éteindre. Le son d’une cloche s’éteint toujours. Pour le réentendre, il faut la frapper à nouveau.

Le dessin, sobre, précis, est habile à saisir les lieux et leur mystère un peu lugubre : une bâtisse entrevue derrière une grille, un intérieur provincial et désuet, la silhouette d’un arbre ou, même, la neutralité propre d’un TER.  Nulle tentation de la facilité chez Bézian, nulle soumission au désir de plaire à tout prix, nul assujettissement au diktat de l’intrigue, mais une sincère exigence, esthétique et intellectuelle : c’est le mérite – et pas des moindres – de ce curieux album.

Delphine Descaves    

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