Augustine d’Alice Winocour > Cinéma de la possession

Alice Winocour réalise avec Augustine un premier long métrage maîtrisé de bout en bout.
cinéma, film unidivers, critique, information, magazine, journal, spiritualité, moviesParis, hiver 1885. A l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, le professeur Charcot étudie une maladie mystérieuse : l’hystérie. Augustine, 19 ans, devient son cobaye favori, la vedette de ses démonstrations d’hypnose. D’objet d’étude, elle deviendra peu à peu objet de désir.

« Il en va ainsi de la vie. Qu’est-ce autre chose qu’une pièce de théâtre, où chacun, sous le masque, fait son personnage jusqu’à ce que le chorège le renvoie de la scène ? » (Érasme, Éloge de la Folie)

Augustine traite de la rencontre entre le professeur Charcot (mentor de Freud) – qui traitait à la Salpêtrière des cas relevant d’un désordre psychique – et une patiente, Augustine, qui souffre d’un syndrome hystérique forte. De la rencontre ou, plutôt, du rapport de possession entre le médecin et le malade. Première atout de ce film, Alice Winocour traite la possession d’une manière autant physique, culturelle que spirituelle : entre certitudes cadenassées et honnêteté du doute, la transgression prend forme…

Ce contexte glissant est servi par une écriture originale, précise et élégante et des acteurs à l’avenant. Réussi en tous points le jeu en silences parlant de Vincent Lindon : Charcot dans son quotidien, son travail, son rapport à la médecine et à la Faculté, à sa femme, à sa patiente, à ses charmes… Soko se révèle aussi bonne actrice que chanteuse (voir notre critique de Bye Bye Blondie) dans le rôle d’Augustine : sa prestation tout en force est monumentale. Un duo parfait.

La deuxième force de ce film réside dans l’équilibre original de son traitement : la réalisatrice a opéré un ancrage fort dans le réel à travers quelques intrusions dans le fantastique. Ça fonctionne bien.

La troisième force du film repose dans la conjugaison éloquente du rapport au corps, à la féminité, à la femme à travers des rapports sociaux dominés par des castes.

Enfin, les décors et les costumes sont de toute beauté. Chaque moment mérite un arrêt sur image à la manière de Visconti.

On regrettera seulement une mise en scène un peu trop rigide qui empêche une certaine émotion de se développer. On regrettera aussi une certaine fixité du point de vue de la caméra. A vouloir trop calculer et bien faire, Alice Winocour lisse son opus.

Un bijou délicat, un manifeste féministe subtil. Une cinéaste est née.

 7 novembre 2012 (1h 42min)  Réalisé par Alice Winocour Avec Vincent Lindon, Stéphanie Sokolinski, Chiara Mastroianni

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