Tout ira bien est le quatrième long-métrage du réalisateur hongkongais Ray Yeung, dont la sortie en salle est prévue mercredi 1er janvier 2025. Projeté en avant-première en ouverture du festival prometteur de cinéma et culture queer Regards, jeudi 12 décembre au TNB à Rennes, le film aborde avec justesse le sujet des droits de succession des couples homosexuels.
Tout ira bien. Le réalisateur Ray Yeung a choisi cette phrase, que l’on prononce dans l’espoir de réconforter une personne ou soi-même, comme titre de son nouveau long-métrage prochainement en salle, le 1er janvier 2025. Mais Angie, personnage principale interprétée brillamment par Patra Au, n’en est pas certaine quand elle perd brutalement sa conjointe Pat (Maggie Li), se retrouvant seule dans leur spacieux appartement de Hong Kong qu’elles ont partagé durant des années. Après avoir filé le parfait amour pendant 30 ans, après avoir été le pilier de leurs amis et familles, Angie doit affronter des étapes douloureuses et se confronter aux membres de la famille de la défunte qui remettent en question sa place et sa légitimé quand les histoires d’héritage entrent en jeu…
Dans ce nouveau film, on retrouve l’acteur Tai-Bo (Shing, le frère) et l’actrice Patra Au (Angie), déjà au casting de Un Printemps à Hong Kong. Si Ray Yeung a déjà abordé l’homosexualité masculine dans ses trois premières productions (Un printemps à Hong Kong (2021) ; Front Cover ; Cut Sleeve Boys (2016)), c’est la première fois qu’il met en scène deux femmes d’âge mûr. Faire jouer des actrices de plus de 60 ans permet d’emblée d’interroger en arrière plan la question de l’âgisme dans une industrie où la jeunesse prime, les actrices d’âge mur étant reclassées dans des rôles prédéfinis (dans un tout autre genre, The Substance de Coralie Fargeat traite d’ailleurs avec une grande imagination la question…).
L’amour n’est ici pas naissant, il s’est épanoui pendant trois décennies avant de disparaître dans la réalité de la vie. Tout ira bien aborde les droits de succession pour les couples homosexuels, le réalisateur ayant été inspiré par une conférence à laquelle il a assisté en 2020. En l’absence de testament signé de la main de la personne décédée, la/le partenaire endeuillé(e) n’a aucun droit, l’héritage revient automatiquement à son entourage le plus proche biologiquement, dans le film le frère dont la famille fait partie de la classe populaire hong kongaise. Si les parents hésitent dès le début à faire valoir les droits d’héritage d’Angie, les enfants se rallient dans un premier temps à ses côtés, mais, les aléas de la vie se faisant, ils y voient ensuite le moyen de sortir des galères de leur vie. La situation financière de la famille reflète la difficulté de vivre à Hong Kong et le manque d’espace de la ville, une partie de la population se retrouvant dans des appartements exigus. Celui de Pat et Angie, qui n’est qu’au nom de Pat, se révèle une réelle opportunité.
Malgré la difficulté d’aborder un tel sujet sans tomber dans le mélodramatique, le réalisateur ne bascule jamais dans le pathos ou l’étalage démesuré d’émotions. C’est au contraire un film d’une grande douceur qui attend les spectateurs et spectatrices. Nous sommes facilement absorbés par le style juste et réaliste de Ray Yeung : chaque plan est soigné, chaque mot mesuré. Une certaine mélancolie émane de la tristesse qui accompagne Angie à chaque nouvelle image qui passe à l’écran. On suit le combat silencieux d’une femme qui souhaite seulement qu’on reconnaisse ce que la disparue et elle étaient l’une pour l’autre, dans une société chinoise où les coutumes traditionnelles restent homophobes et fondées sur un modèle patriarcal dans lequel l’homme joue le rôle le plus important dans les cérémonies et les rituels. En ce sens, le film interroge la définition même du mot famille aujourd’hui, du point de vue biologique, humain et juridique. Quels sont les liens les plus forts ?
Le sujet du deuil est quant à lui universel et permet à tous et toutes de s’identifier. Quand notre vie est bouleversée du jour au lendemain par la perte d’un être cher, comment faire face ?
Tout ira bien dresse au final le portrait réaliste d’une société qui a encore un chemin à parcourir et d’une minorité qui continue de se battre pour ses droits.
Tout ira bien de Ray Yeung, sortie en salle le mercredi 1er janvier 2025