CINÉMA. ARNAUD DESPLECHIN MET ROUBAIX EN LUMIÈRE

C’est au travers d’un commissariat qu’Arnaud Desplechin a décidé de filmer la ville de son enfance dans Roubaix, une lumière. Présenté en compétition officielle au festival de Cannes, le film inspiré d’un documentaire est sorti le 22 mai 2019.

 

Roubaix une lumière

Composé en deux parties, Roubaix une lumière nous plonge dans le commissariat central de la ville éponyme. Sous la direction du commissaire Yacoub Daoud (Roschdy Zem) et au travers de petites affaires quotidiennes (interpellations, incendie criminel, disparition etc), le spectateur fait la rencontre de Louis Coterelle (Antoine Reinartz), tout juste promu au commissariat de Roubaix. Un soir, c’est le cadavre d’une vieille dame qui est découvert. Deux jeunes voisines alcooliques Marie (Sara Forestier) et Claude (Léa Seydoux) sont suspectées puis interpellées.

Le film d’Arnaud Desplechin est tiré du documentaire Roubaix, commissariat central, Affaires courantes réalisé en 2002 par Mosco Levi Boucault pour France 3. Le parti pris de Desplechin est annoncé dès les premières minutes du film. Toutes les affaires résolues par le commissariat sont véridiques. La vérité sera le crédo du réalisateur pour ce portrait de Roubaix, ville de son enfance.

 

Roubaix commissariat central, affaires courantes
Roubaix commissariat central, affaires courantes – Mosco Levi Boucault

La toile de fond est peinte de tons bleus et orange, une photographie signée Irina Lubtchansky. Pas de doutes, à l’écran, la lumière est réussie.
Au sein de cette palette de couleurs, Roschdy Zem se met dans la peau de Yacoub Daoud avec une aisance fascinante. Le commissaire, immigré maghrébin, connaît bien Roubaix (il y a appris le français) et les gens qui y vivent. Par le biais de ses relations, de son tempérament calme et emphatique, il arrive à mettre au clair les petits délits quotidiens. Desplechin fait passer une humanité et un respect profond au travers du commissaire Daoud, vis à vis de son équipe ou des habitants de Roubaix.

Sara Forestier et Léa Seydoux livrent au spectateur une toute aussi belle performance. Sara Forestier joue Marie Carpentier, un personnage timoré, mou et naïf, auquel le spectateur ne peut que se prendre de pitié. Face à elle, Léa Seydoux est Claude, une jeune mère davantage sûre d’elle, mais à qui la vie n’a pas toujours souri.

Roubaix une lumière
Claude (Léa Seydoux) et Marie (Sara Forestier)

Le réalisateur n’émet aucun jugement sur la police. D’ailleurs, tous les policiers figurant dans le film sont de vrais policiers de Roubaix, Tourcoing ou Lille. Leur seule directive, nous dit Desplechin dans un entretien pour Arte, est d’agir comme eux-mêmes.

Guidant le spectateur par des moyens de mise en scène, Arnaud Desplechin nous plonge au coeur de l’humain. Il guide l’oeil du spectateur par l’utilisation de focales longues. Le flou prend une place importante à l’écran, tantôt pour isoler les visages filmés en gros plan, tantôt pour créer des hors champs, dirigeant le regard sur un point précis (un visage le plus souvent).

Les nombreux plans en caméra portée, suivant les protagonistes, rappellent le genre documentaire. La caméra est souvent prise au coeur de l’action, comme si la scène était réelle et qu’il ne fallait en louper une miette; un rappel au documentaire de Mosco Levi Boucault.

Alors que Desplechin rend flou les barrières entre fiction et documentaire à coup de mises en scène intimistes et faussement calculées, le spectateur est davantage perdu lorsque Marie et Claude, suspectées de meurtre, sont interrogées séparément. Les policiers hurlent sur les femmes avec une violence quasi théâtrale. Le bon flic / mauvais flic est une ficelle pourtant bien connue au cinéma. Là, il gêne. Réalité policière ou parti pris scénaristique ?
“Pour les acteurs, le texte c’est la Bible. Ils changeaient une virgule, ça me rendait dingue.” confie Arnaud Desplechin dans un entretien pour Arte.

Roubaix une lumière
Louis (Antoine Reinartz) et le commissaire Yacoub Daoud (Roschdy Zem)

La gêne, on la retrouve dans le texte de Louis (Antoine Reinartz), tout juste arrivé au commissariat central de Roubaix. Au début du film, Louis évoque ses états d’âme en voix-off. Un parti pris qui ne durera que 5-10 minutes tout au plus. Au même titre, son personnage reste en retrait et est peu exploité face au brio du commissaire Daoud. (Louis frise le pathos, s’exprimant face aux suspects comme à un enfant qui cherche à comprendre pourquoi ce dernier ne veut pas avouer un crime).

Le jeune arrivé, tente bien de créer un lien avec le commissaire – qui éprouve un intérêt pour les courses hippiques. Au travers de la caméra, le journal glissé dans la poche de Yacoub Daoud, ouvert à la page des courses hippiques, nous crie sa présence dans certaines scènes (interpellation de Marie et Claude par exemple). En se voulant discret, Desplechin nous impose l’intérêt hippique du héros comme un cheveu dans la soupe, dont on pourrait bien se passer.

Roubaix, une lumière est un bon film, humain, dénué de tout jugement. Mais à trop vouloir être crédible et dans le réel, Desplechin a tendance à perdre le spectateur dans des détails superflus.

Roubaix, une lumière, réalisé par Arnaud Desplechin, avec Roschdy Zem, Antoine Reinartz, Sara Forestier et Léa Seydoux. Sortie nationale le 21 août 2019.

 

ACTEURS : Léa Seydoux, Roschdy Zem, Sara Forestier, Antoine Reinartz

ÉQUIPE TECHNIQUE:

Réalisation: Arnaud Desplechin

Scénario:Arnaud Desplechin et Léa Mysuis

Image : Irina Lubtchansky

Montage : Laurence Briand

Production : Why not production

FESTIVAL ET PRIX:
Festival de Cannes 2019, film en compétition.

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