Croissance, le leurre de l’infini et l’émergence du contre-humain

Croissance, croissance, croissance ! Leitmotiv de notre monde. Que d’autres opposent à décroissance. Le terme est assaisonné à toutes les sauces pour justifier le meilleur comme le pire. On court après quand elle disparaît et on la ralentit quand il y en a trop… C’est quoi au juste la croissance ?

Pour le champion de la synthèse élyséenne, il s’agit de faire croître le PIB. Pour info, le Produit Intérieur Brut est un chiffre calculé avec une bonne dose d’incertitude qui cumulerait tout ce que produit un pays (hors ce qu’il gagne à l’étranger). Naïvement, on se dit que la population française augmentant, le PIB croit à l’avenant de la consommation… Un raisonnement fiable à l’échelon d’un petit périmètre géographique. Mais quand le territoire est… une planète.

La Terre est un environnement aux frontières déterminées avec des ressources limitées. Dans cette planète, chaque pays ou petit périmètre de PIB est interdépendant et utilise des ressources, piochant parfois dans celles du voisin. On peut illustrer cette situation par une pièce close avec un point d’eau et un garde-manger de la même taille qui sont ravitaillés périodiquement. Installons une population dedans. Elle croît. D’une manière exponentielle. Arrive nécessairement un moment où la promiscuité modifie les besoins et leur gestion. Il faut nourrir, traiter les déchets, soigner pour endiguer de nouvelles maladies – du temps, des ressources et un coût.

Certes, ce coût est susceptible d’être facteur de croissance puisqu’il génère des emplois. Mais comme certains souhaitent minimiser le coût (afin que le ratio entre coût et gain soit plus favorable), deux solutions se proposent. Ou diminuer le coût en rémunérant moins ceux qui travaillent. Ou augmenter le gain par la technologie, mais ses stades de développement ne vont pas forcément assez vite au regard des besoins d’une population grandissante. Résultat : l’équilibre est toujours remis à demain.

WorldPopulationOr, le graphique ci-contre démontre que la croissance ne peut être ni régulière ni infinie. Si la pièce de notre illustration est ouverte sur une autre, il se crée un appel d’air momentané jusqu’à atteindre à nouveau des limites. Aujourd’hui, notre monde globalisé à l’aide des moyens de communication et transport a ouvert toutes les pièces possibles ; les limites de la croissance font jour. Bien sûr, elle se manifeste différemment selon les lieux. Pourtant, la limite arrive pour tous, même à une vitesse différente. Écologiquement, on parle du réchauffement climatique. Mais économiquement, il s’agit aussi d’un réchauffement, dont la crise est l’une des manifestations.

La recherche de croissance est-elle donc la solution ? Au contraire, doit-on devenir ‘décroissant’ ? Sachant que les sociétés et les hommes modernes ne peuvent se satisfaire de la stagnation, encore moins de la régression. Nous employons à dessein le prédicat ‘moderne’, car les ethnologues citeront maints exemples de populations dont le développement a été figé dans le temps ou au moins ralenti depuis des siècles sans que le bonheur – difficilement mesurable, – ne soit remis en cause. De nos jours, l’environnement proche n’est plus un monde total qui fait sens, mais ce n’est pas pour autant que les populations pensent à une échelle globale. Ni chez elles ni ailleurs, les populations passent leur temps à repousser le tas de sable chez le voisin en pariant qu’il ne reviendra jamais. La course à la croissance ressemble ainsi à une fuite devant un monstre inconnu : un avatar humain qui n’est ni d’ici ni d’ailleurs, ni local ni global. Un humain qui ne survit que par des drogues réelles et virtuelles dans un monde dominé par la croissance d’une spirale de virus et d’anti-virus. Est-il encore possible de réinventer le monde ? À défaut, de retrouver l’homme.

Didier Ackermann et Nicolas Roberti

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Didier Acker
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