Didier Serbourdin est musicien, batteur pour des groupes tels que Treponem Pal ou pour le chorégraphe Christian Rizzo. Il est également compositeur de musique électronique. Écrivant depuis fort longtemps (il a obtenu le premier prix du concours de nouvelles de la ville de Nanterre), il a composé cet étrange petit livre à partir de courtes notes prises au jour le jour et publiées, dans un premier temps, sur la toile.
Ainsi chacune des notes qui composent ce journal d’une remontée hors de la nostalgie et de la colère, est-elle nommée « profil automatique ». Comme si l’auteur s’était laissé, tout d’abord, prendre au jeu de la machine et de son rythme propre, abandonnant sa volonté. Pourtant, soudainement, le visage qui se reflète à la surface froide de l’écran bleuté se révèle à lui-même dans son reflet et retisse de sentiments un réseau poétique palpitant et vivant. Au lecteur attentif se révélera le travail mis en œuvre.
J’aurai bientôt un profil
Je ne sais pas ce que j’ai dans le crâne parfois à m’obstiner sur de vieux chemins qui ne me mèneront qu’à retrouver mes vieux démons. Je le sais. Mais j’y retourne. Conséquence directe : le regret. (p.40)
Maison Dieu par-delà l’aspect littéraire du journal indique le cheminement alchimique, voire thérapeutique, de l’écriture. Poèmes, comptes-rendus de rêves, éclats de colères, pages d’écriture automatique, prières, réflexions courtes et inspirées sur le rock, la Bible, la vie quotidienne, l’amour et les amours (et les emmerdes…). Toujours ces brèves notules scintillent dans le brouillard d’une réalité vécue, d’un contexte (con-texte) qui échappe au lecteur.
J’ai vraiment besoin d’un profil
Les jours s’essuient et ne se rassemblent pas.
Somme toute, il fait beau et on a parfois besoin de rien. Comme si on était en pause. Pour la beauté du geste, pour remercier Dieu de nous laisser vivre quelque temps encore, on peut prendre le temps pour ce qu’il est.
Je me sens comme au printemps et je ne suis pas sur que ce ne soit qu’une question hormonale. Des nuages j’en ai fait mon lot, en les regardant si haut, je ne peux m’empêcher de leur faire un signe de la main. Majeur tendu. (p.40)
Les entrées, quasi quotidiennes, s’échelonnent, en outre, en compte à rebours. Notre lecture remonte poétiquement le temps de leur composition. Jusqu’à toucher, presque, la source de douleur à l’origine de ça. Ce travail par les mots pour quérir la guérison de cette rupture. Maison Dieu. Une séparation qui balaye le langage « d’avant », qui contraint à se mettre en quête d’une nouveauté langagière. Parler neuf. Renouer les fils (les liens?) de l’altérité par un débroussaillage de la langue. Que la tour de Babel foudroyée redeviennent temple, espace intérieur apaisé de contemplation duquel sortir à nouveau…
Étrange livre qui nous délivre un dire humain, très humain, un espoir simple de beauté qui se dessine dans ses apories, ses hésitations, se dégage de la gangue des interrogations croisées Maison Dieu est un espace de poésie à découvrir sans hésitation aucune.