Théâtre, Fabrice Hadjadj confronte Jeanne aux post-humains

Avec Job, ou la torture par les amis (2014) le philosophe Fabrice Hadjadj avait livré une tragi-comédie truculente, profonde et paradoxale réflexion sur les revers de l’aventure humaine, le sens de la souffrance, les poids des mots et des attitudes. Une méditation soucieuse du devenir humain de l’homme centrée sur la figure du anti-héros biblique, Job. Avec Jeanne et les post-humains ou Le sexe de l’ange, c’est encore à travers la forme théâtrale que Fabrice Hadjadj convoque les sujets les plus brûlants de l’advenir anthropologique.

 

L’an 87 de la Démocratie Mondiale. Les démo-citoyens se sentent enfin parvenus à la société la meilleure (en tout cas la moins mauvaise) grâce à la Playbox IV, au Compost Universel et au Laveur de Mémoire Bêta+… Partout l’on chante « la Dignité et la Liberté de la Personne », et c’est pourquoi les enfants ne sont plus engendrés selon l’obscur truchement des sexes ni élevés au sein d’étroites familles incompétentes, mais conçus sans défaut, dans des utérus artificiels, avec la collaboration de firmes qui leur assurent libéralement des études et une situation. Cette « Grande Paix », cependant – qui aurait pu le prévoir ? – est soudain troublée par une jeune fille : Joan 304, caissière chez Ark-Market. Un ange lui parle, la guide en une étrange mission. Il lui demande de se préserver de la contraception universelle puis de coucher – sans réticence – avec Valentin 608, garçon qui travaille avec elle à l’hypermarché. Et la voici enceinte. Enceinte de manière sauvage, incontrôlée, déformante, comme on ne l’est plus depuis près d’un siècle.

1jeanneComment transhumaner selon le mot et l’idée de Dante et non selon Julian Huxley (directeur général de l’UNESCO) qui, dans les années 1950, (re)forgea le mot et le concept de transhumanisme selon une cohérence philosophique eugéniste, comme une nouvelle religion de la rédemption par la technique ? La grandeur de l’homme se niche-t-elle dans le mystère étonné de sa présence, ou dans sa puissante capacité technique à vivre (survivre) ?

Dans un style vif, acéré et non dénué d’humour ce sont ces questions lourdes, emblématiques et polémiques que Fabrice Hadjadj pose sous les feux de la rampe afin d’en éclairer différemment les contours éthiques. Quoi qu’évoquant à bien des égards (de par son positionnement catholique) le texte de Georges Bernanos La France contre les robots, le texte de Fabrice Hadjadj se situe plutôt dans la ligne d’un Orwell ou d’un Haldous Huxley par l’utilisation du tragique et de la fiction dans la mise en exergue de problématiques contemporaines trop souvent traitées, par ailleurs, de manière badine ou strictement événementielle.

Jeanne et les posthumains ou Le sexe de l’ange, Fabrice Hadjadj, Editions de Corlevour, mars 2015, 144 pages, 17 euros

 

À venir :
La Compagnie De Bas en Haut
présente Jeanne et les Post-Humains ou le sexe de l’angeUne pièce de Fabrice Hadjadj, Mise en scène de Véronique Ebel, Avec Luca Boschetti, Véronique Ebel et Siffreine Michel. 03 août 2015 – 20h30 à 22h00 – Palais des Congrès – Rue du Maréchal Foch. 22700 Perros-Guirec. Tarif réduit : 15 €/ Tarif normal : 20 €

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Thierry Jolif
La culture est une guerre contre le nivellement universel que représente la mort (P. Florensky) Journaliste, essayiste, musicien, a entre autres collaboré avec Alan Stivell à l'ouvrage "Sur la route des plus belles légendes celtes" (Arthaud, 2013) thierry.jolif [@] unidivers .fr

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