En Normandie, Alice, jeune fille aux origines modestes, fait la rencontre d’une femme qui va l’introduire dans le Beau monde. Le Beau Monde selon Julie Lopes Curval. Celui dans lequel va cheminer le désir d’Alice (Ana Girardot). Un désir qui trouve pour commencer à s’exprimer à moindre mot dans le choix de la broderie comme discipline à l’école Duperré et, de façon métaphorique, dans un sujet de fin d’études qui porte sur l’attente des femmes.
Le spectateur entre dans l’intimité de la pensée d’un personnage féminin sensible qui regarde et dit ne pas comprendre tout à fait le monde. Son profil, filmé d’une belle façon répétitive, son point de vue muet sur les choses de la vie, ouvre une réflexion sur l’art et la féminité. Mais aussi sur le monde de la bourgeoisie qu’Alice découvre, prudente. D’abord dans la rencontre déterminante avec l’élegante Agnès, puis avec le fils de cette dernière, Antoine (Bastien Bouillon), qu’elle aimera et attendra. La dualité à caractère social se matérialise alors dans le récit d’un amour presque impossible entre Alice et un jeune homme bien mis de sa personne.
Dès lors, ce beau film de Julie Lopes-Curval nous entraîne donc dans une réflexion ténue sur le désir harmonieux des contraires, thème récemment traité avec brio dans « Pas son genre » avec Émilie Dequenne. Mais contrairement au film de Lucas Belvaux, l’impossibilité de se comprendre est subvertie par la victoire de la pensée. Cette compréhension dont Alice finit par être habitée par le truchement d’un autre homme (Baptiste Lecaplain), lequel révèlera un sens à son existence agitée. Un sens certes relatif.
Tout au long du Beau monde, la bande-son de Sébastien Schuller accompagne rêveries et échanges ainsi qu’une photographie remarquable alternant Normandie natale de la réalisatrice et lieux parisiens. Le casting parfait, la mise en scène délicate et les choix musicaux complices des émois de l’héroïne (mention spéciale au générique de fin et à une chanson méconnue de Françoise Hardy) font de ce petit univers une œuvre belle et concluante.
R.E.M.