RENNES. FOCUS SUR L’ARTISTE CONTEMPORAINE HILARY GALBREAITH

Avec un univers kitsch à la fois joyeux et effrayant, Hilary Galbreaith explore les ambivalences des technologies et leurs conséquences sur les corps. En s’inspirant du genre de la science-fiction et de l’horreur, l’artiste interroge les limites de notre société mondialisée. Son univers coloré à la frontière de l’absurde prend vie sous la forme de performances vidéos et d’installations en matériels récupérés. Rencontre avec l’artiste finaliste pour le prix du Frac Bretagne – Art Norac 2021.

Hilary Galbreaith découvre les arts plastiques durant son enfance en Floride. Après avoir suivi des cours de peinture au lycée, elle obtient une licence d’arts plastiques et philosophie en Virginie. Suivant cette passion grandissante, la jeune artiste se rend à Paris pour étudier la peinture le temps de ce qui devait n’être qu’un semestre mais qui sera finalement 4 années. Après avoir obtenu un master aux beaux-arts d’Annecy, Hilary Galbreaith rentre dans la résidence pour jeunes artistes Générateur à Rennes. Aujourd’hui, l’artiste enseigne la vidéo à l’école des beaux-arts de Rennes en plus d’exposer régulièrement ses œuvres en France et à l’étranger.

Hilary Galbreaith artiste
Hilary Galbreaith © Sebastiano Pellion di Persano.

Unidivers – D’où vient cette fascination pour le corps dans votre travail ?

Hilary Galbreaith – J’ai toujours été intéressée par les études de corps et la question du corps comme siège d’expérience. J’étais touchée par la manière dont la technologie change notre rapport au corps en une sorte d’hybridation entre corps vivant et corps technologique. J’ai commencé à explorer ce sujet à travers ma peinture, notamment la peinture à l’huile dans de grands tableaux représentant des corps fracturés par la pixellisation. Ces corps racontent à la fois les histoires d’individus et du système qui les entoure.

Bug Eyes Hilary Galbreaith artiste
Installation Bug Eyes à Clermont-Ferrand. © Michael Collet

Unidivers – Vous mélangez dans vos installations des outils technologiques modernes avec des installations do-it-yourself en papier mâché ou divers matériaux récupérés. D’où tirez-vous vos sources d’inspirations pour créer cette dualité artistique ?

Hilary Galbreaith – Aujourd’hui, les technologies sont présentes partout dans nos vies. Dans mon art, je parle des choses que je vois et qui m’entoure. J’ai moi même pu assister à la transformation du monde avant et après internet. Je suis de la première génération à avoir utilisé tous les réseaux sociaux. L’arrivée d’internet a complément changé nos rapports en particulier chez la génération Tumblr : Tout à coup, nous n’avions plus besoin de professeurs, nous pouvions tout apprendre par nous-mêmes grâce à des tutoriels. Ce côté « diy » est très présent dans mon travail artistique. De plus, je m’inspire énormément des clips de musique et de la pop-culture.

  • Sausageland Hilary Galbreaith artiste
  • Sausageland Hilary Galbreaith
  • Sausageland Hilary Galbreaith artiste

Unidivers – En ayant grandi avec internet, quelle vision avez-vous de ces nouvelles technologies ?

Hilary Galbreaith – Ce qui m’intéresse dans ces questions de technologie, c’est l’idée de quelque chose qui va devenir de plus en plus petit… presque immatériel. Dans le futur, nous mettrons nos cerveaux dans le serveur d’un ordinateur afin d’être libéré du corporel. Alors qu’en réalité, les technologies sont à la fois matérielles et physiques car elles créent énormément de déchets. Internet n’a plus cette image utopique qui existait auparavant et je souligne ces contradictions-là dans mes œuvres. Ce sont des problèmes qui sont à la fois durs et ambivalents. On ne peut pas dire que les technologies sont entièrement mauvaises, car elles nous ont aussi libéré en quelque sorte. Nous pouvons communiquer avec qui nous voulons et aller où nous voulons. J’ai pu découvrir des expositions partout dans le monde, voir des endroits que je n’aurais pas pu voir autrement. Mais de l’autre côté, il y a aussi des choses très sombres. L’addiction aux technologies, la provenance des composants de nos téléphones ainsi que leur fabrication par des enfants dans les usines par exemple.

Parade Hilary Galbreaith artiste
Installation Parade à Turin (2019). © Studio Abbruzzese

Unidivers – Vous explorez dans vos œuvres des sujets obscurs comme la mort, la pandémie ou encore l’apocalypse. Ces questions paraissent particulièrement d’actualité en cette année 2020. Est-ce que ça a changé quelque pour vous ?

Hilary Galbreaith – J’explorais déjà ces questions-là dans mes œuvres bien avant l’arrivée de la covid, mais ce qui a particulièrement changé, c’est que mon travail a pris un nouveau contexte dans la tête du public. Auparavant, mon travail était considéré comme de la science-fiction. Maintenant, il est devenu une exagération de la réalité. Dans ma performance Parade, j’ai mis en scènes des gens déguisés et masqués en train de danser. Je fais notamment référence aux costumes moyenâgeux et aux motifs de la danse macabre qui est arrivé pendant la peste noire en Europe. Dans la danse macabre, le squelette qui représente la mort, amène les vivants et les cadavres dans une danse forcée. La peste noire a connu plusieurs vagues pendant plusieurs années, si bien que les personnes pensaient que c’était la fin du monde. Cette figure artistique résulte de cet événement apocalyptique. J’ai alors vu un lien avec notre société actuelle. J’ai voulu matérialiser dans Parade cette idée de quelque chose énorme qui nous dépasse tellement qu’on ne peut que le subir. J’y vois une métaphore sur comment nous sommes nous-même dépassés en tant qu’individu par la mondialisation, le réchauffement climatique, le capitalisme et internet. La pandémie n’est qu’un symptôme des problèmes du capitalisme mondial.

Découvrez le travail fascinant d’Hilary Galbreaith sur Instagram ainsi que sur son site internet.

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