Le rêve d’une humanité qui défie les limites de la mort, un idéal nootamment porté par les transhumanistes, semble sérieusement mis à mal par une étude récemment publiée dans Nature Aging. Cette étude, qui analyse les tendances démographiques des dernières décennies, suggère que l’espérance de vie humaine a atteint un seuil biologique que les progrès technologiques et médicaux peineront à franchir. Ainsi, dans un siècle, les projections ne laissent place qu’à une minorité de personnes vivant au-delà de cent ans, remettant en question les prédictions les plus optimistes du passé.
Un siècle de progrès fulgurants… mais un ralentissement notable
L’espérance de vie humaine a connu des progrès spectaculaires au cours du XXe siècle, en grande partie grâce à des avancées dans la médecine et une amélioration générale des conditions de vie. En France, par exemple, l’espérance de vie a quasiment doublé, passant de 45 ans en 1900 à plus de 80 ans aujourd’hui. Cette évolution a été alimentée par la réduction drastique de la mortalité infantile, un facteur majeur dans l’augmentation de l’espérance de vie moyenne. En 1900, environ 15 % des enfants français mouraient avant leur premier anniversaire, tandis que ce taux était tombé à seulement 0,3 % au début du XXIe siècle.
Cependant, ces gains rapides semblent appartenir à l’histoire. Une analyse approfondie des données de neuf pays à forte espérance de vie (France, Italie, Suisse, Suède, Espagne, Japon, Australie, Hong-Kong et États-Unis) a révélé un ralentissement significatif dans la progression de l’espérance de vie depuis les années 1990. Selon l’étude, « l’augmentation de l’espérance de vie a ralenti au cours des dernières décennies, passant de 3,6 mois par an au XXe siècle à seulement 2 mois par an dans les années 2010 ». Ce ralentissement suggère que nous pourrions bientôt atteindre un plateau, où l’espérance de vie n’augmentera plus du tout, voire même commencera à stagner.
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Les limites biologiques : pourquoi ne vivrons-nous pas éternellement ?
L’un des grands obstacles à l’allongement de l’espérance de vie réside dans les limites biologiques de notre corps. Au fil du temps, nos cellules s’usent et se dégradent. Les tissus du corps humain ne sont pas conçus pour durer éternellement. Si certaines cellules, comme celles de la peau, se régénèrent régulièrement, ce n’est pas le cas des cellules neuronales. Une fois qu’elles sont perdues, elles ne sont jamais remplacées, ce qui entraîne une dégradation progressive du cerveau. De même, la colonne vertébrale, soumise aux ravages du vieillissement, perd de sa souplesse et de sa solidité, ce qui peut entraîner des problèmes de mobilité et de posture.
Les progrès médicaux du XXe siècle ont permis de repousser les frontières de la médecine, notamment en matière de traitements pour les maladies cardiovasculaires. Mais malgré ces avancées, les médecins se heurtent aujourd’hui à la réalité du vieillissement biologique. « Nos corps ne sont tout simplement pas conçus pour vivre au-delà d’un certain point », explique Stuart Jay Olshansky, auteur principal de l’étude. En d’autres termes, nous pouvons remplacer ou réparer certaines parties du corps défaillantes, mais ces « réparations » deviennent de moins en moins efficaces à mesure que l’âge avance.
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Les inégalités et la situation des États-Unis
Un point particulièrement frappant de l’étude concerne les États-Unis, où l’espérance de vie a diminué entre 1990 et 2019. Cette baisse est en grande partie due aux inégalités sociales croissantes, qui engendrent des disparités importantes en matière de santé. Dans les communautés les plus pauvres, l’accès à une alimentation saine, à des soins de santé de qualité et à un mode de vie actif reste limité. En conséquence, les taux de maladies liées au mode de vie, comme l’obésité, sont en forte hausse, affectant surtout les populations les plus vulnérables. « Une grande partie de la population américaine est pauvre, obèse et manque d’accès à une alimentation saine et aux soins de santé », précise Olshansky, soulignant que cette tendance ne fera qu’empirer à mesure que les inégalités se creusent.
Vivre plus longtemps, mais en bonne santé ?
Une des préoccupations majeures liées à l’allongement de l’espérance de vie est la question de la qualité de vie. Vivre plus longtemps n’est pas nécessairement synonyme de vivre en bonne santé. Si nous parvenons à prolonger notre existence, il faudra s’assurer que ces années supplémentaires ne soient pas dominées par la souffrance et la dégradation de la santé. C’est d’ailleurs ce qu’indique Olshansky : « Vivre plus longtemps, oui, mais seulement si nous pouvons maintenir une qualité de vie acceptable ».
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Les clés pour une vie longue et saine
En attendant une révolution scientifique qui permettrait de repousser les limites du vieillissement, il existe des habitudes éprouvées pour maximiser nos chances de vivre longtemps et en bonne santé. Pratiquer une activité physique régulière, adopter une alimentation équilibrée, éviter le tabac, limiter la consommation d’alcool et consulter régulièrement son médecin sont des conseils qui, bien qu’évidents, demeurent les meilleures stratégies pour retarder les effets du vieillissement et profiter de chaque année en bonne forme.
La fin du rêve des transhumanistes ?
Si l’étude de Nature Aging suggère que l’espérance de vie humaine pourrait bientôt atteindre un plafond, il est important de noter que la science continue d’avancer. Les recherches sur le vieillissement et les maladies liées à l’âge sont en constante évolution. Cependant, à l’heure actuelle, il semble que les transhumanistes devront revoir leurs projections d’une humanité immortelle. Peut-être que l’avenir de l’humanité réside non pas dans une quête sans fin pour allonger la vie, mais plutôt dans l’amélioration de la qualité de celle-ci, en s’efforçant de vivre plus sainement et plus heureux dans le temps qui nous est imparti.
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