Alan : depuis plus de 10 ans, Emmanuel Guibert met en BD les souvenirs d’Alan, soldat américain, resté en France et devenu son ami. Avec « Martha et Alan », il poursuit cette œuvre avec un talent graphique jamais atteint. Tendre et magnifique.

L’auteur, comme le lecteur, pouvait pourtant se dire que tout avait été écrit et dessiné sur la rencontre en 1995, puis l’amitié entre le coauteur de « Le Photographe » et Alan Ingram Cope, soldat américain resté en France après la Libération. Les trois tomes de « La guerre d’Alan » puis en 2012 « L’enfance d’Alan », saluées comme des BD majeures, semblaient avoir exploré tous les souvenirs du GI.

Nous avons eu des années de bonheur ensemble


Rarement des arbres ont été aussi bien dessinés comme ce jacaranda majestueux et imposant. Par une technique nouvelle pour lui, utilisant des encres, de la craie, des aquarelles sur des films plastiques, il oscille entre dessins sombres et contrastés et des dessins lumineux, dont les effets de feuillage et d’éclairage, ne sont pas sans rappeler l’éclat de tableaux des « Femmes au jardin » de Claude Monet. Pareillement, Guibert n’hésite pas à tourner de manière cinématographique autour d’Alan et de la mère de Martha, pour en quatre dessins exprimer les sentiments des deux personnages.
Plus traditionnel chez le dessinateur, mais magnifié dans Martha et Alan par l’espace grand ouvert, on retrouve ces dessins sans fond déjà utilisés, notamment dans « l’enfance d’Alan », comme si les personnages flottaient dans un espace uniforme et irréel. Pas de décor pour distraire de l’essentiel, les attitudes et les silhouettes des danseurs qui virevoltent dans un tourbillon ébouriffant. Cette technique de simplification apparente convient parfaitement au minimalisme de l’écriture. Les textes des souvenirs d’Alan sont en effet courts et simples. Seuls, ils ne sont pas de la littérature. Mais associés aux dessins ils prennent une force supplémentaire par une complémentarité exceptionnelle.
Le graphisme et l’écriture se répondent pour valoriser l’autre. Et l’ensemble traduit merveilleusement le sentiment essentiel de cet ouvrage : la naissance du sentiment amoureux. La tendresse traverse toutes les pages en laissant aussi un espace au non-dit, au regret, à ce qui ne s’est pas réalisé et qui aurait pu être. Comme dans les dessins de rues aux perspectives époustouflantes, des carrefours ont fait diverger les vies d’Alan et de Martha qui ne se retrouveront que soixante ans plus tard.

Magnifique, superbe, cette BD Martha et Alan mérite l’admiration. Elle mérite le silence de l’émerveillement. Et, peut-être qu’aucune chronique ne soit écrite à son sujet.
BD Martha et Alan Emmanuel Guibert, L’Association, maison d’édition de bandes dessinées. 120 pages. Parution septembre 2016. 23 €
Si votre libraire est généreux, il vous donnera de petits posters fournis par l’éditeur qui valoriseront des dessins du livre.
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