Crayons ou pinceaux, papier ou toile, instruments proches, voire identiques… il est naturel que les dessinateurs de bande dessinée s’emparent du thème de la peinture et des artistes peintres. Depuis plusieurs mois, de nombreuses BD ont pris pour sujet la peinture, les musées et les peintres. Durant les semaines à venir, Unidivers va vous faire découvrir des œuvres du 9e art consacrées au… 3e art. Première rencontre cette semaine avec Manet, le musée d’Orsay et une mystérieuse courtisane…
« Monsieur ! Oui vous, Monsieur ! Vous l’avez vue ? Qui ? Mais cette jeune femme, bien entendu, langoureusement allongée sur un divan avec à ses pieds un chat noir censé symboliser la luxure (oh !) et une servante noire lui apportant un bouquet de fleurs adressé probablement par un admirateur. Peut être vous-même d’ailleurs ? Non ? Ah bon. J’oubliais, elle est totalement nue enfin presque, puisqu’elle a conservé un joli ruban noir autour du cou. Elle s’appelle Victorine Meurent, mais Monsieur Manet a préféré l’appeler Olympia, par souci de discrétion… Vous ne pouvez pas ne pas l’avoir vue au musée d’Orsay : elle y est allongée depuis des lustres, après avoir été au Louvre. Eh bien, vous me croirez ou pas, il paraît qu’elle a quitté le musée pour faire son cinéma ! Vous m’en direz tant ! ».


Récitant du « Chaixpire » à longueur de cases, elle s’obligera, pour tourner en plein air, « sur le motif », à se rendre à un enterrement à Ornans avec Courbet, passer par Etretat avec Boudin et Monet, sans oublier de se tremper les pieds à pont Marly sous l’œil de Sisley. Pour ce faire, elle aura traversé tout Orsay (transformé en Music Hall), quittant les « Officiels », leurs Cupidon, leur Vénus et leur toile d’intérieur, juste bonne à essuyer le sol, afin de rejoindre les Refusés (qui par un jeu du destin vont devenir à leur tour les officiels du siècle à venir). Prenez vos binocles, Monsieur, lisez attentivement les vilains jeux de mots du Fifre, serviteur fidèle de Madame Olympia et peut être saurez vous le sort réservé à la grande, la merveilleuse, l’incomparable Olympia !


Le pari de mettre en scène avec humour quelques œuvres maîtresses du musée d’Orsay est réussi. Catherine Meurisse qui réalise des dessins de presse (en 2005, elle intègre l’équipe de dessinateurs de Charlie Hebdo) et illustre des livres jeunesse parvient par un dessin léger à évoquer sans les plagier des œuvres majeures que nous identifions immédiatement. Une lecture réjouissante dont on peut néanmoins penser que certains clins d’œil seront plus appréciés si le lecteur possède un peu de culture artistique. Pour les moins expérimentés cependant, deux annexes vous aideront à retrouver les subtilités cachées, transformant le livre en jeu culturel sympathique.

Au fait, ma bonne Dame ou mon bon Monsieur, j’oubliais : si vous voulez voir Olympia totalement nue il vous faudra attendre la dernière page. Suspense garanti !
A suivre la semaine prochaine…
Conseil : séduit par ce livre, partez à la découverte de l’univers de Catherine Meurisse qui aime mélanger dans ses BD les différentes activités artistiques. Elle a ainsi publié en 2008 « Mes Hommes de lettres », où elle fait entrer avec humour toute la littérature française dans un seul album. Puis en 2012, est édité « Le Pont des Arts » où à l’image de l’ouverture de l’album, Zola accueille Cézanne à la gare, elle raconte les liens des peintres et de la littérature.
Moderne Olympia de Catherine Meurisse, Futuropolis/Musée d’Orsay, février 2014, 72 p., 17€
