Projet narratif cosmo-arachnéen, musique de l’outre-espace, météorite sonique rouge-verte de plomb radioactif, Narrative Mindfucking va vous échapper ou vous écharper ! Faites vos jeux, l’univers vire au rouge-vert et s’en va vers son devenir, antimatière fissible autophage ! Bien que l’objet soit un CD, ses concepteurs (David Coquart et Aurélien Lemant) ont décidé de lui coller deux faces : l’une rouge, l’autre verte. Les titres sont donc lisiblement identifiés par ce code ; à l’auditeur de programmer son trajet sidéral-sidéré :
« L’idée que nos chansons puissent agir comme un relief sonore, par superposition des pistes, pour qu’apparaissent d’autres images ou de nouveaux sons,c’est ce qui nous a donné l’idée de deux faces de couleurs complémentaires, la rouge et la verte, comme si les oreilles de l’auditeur correspondaient aux verres des vieilles paires de lunettes 3-D. Nous avons mélangé les couleurs et l’ordre des morceaux pour des raisons esthétiques et de progression narrative ou rythmique, disons des raisons psycho-acoustiques, et avons émis le souhait de proposer à l’auditeur deux modes de lecture différents : le Earth mode et le Alphane Moon mode, soit le disque dans sa chronologie normale, ou en fonction de la couleur qui est attribuée aux morceaux. Une telle technologie n’étant pas encore possible – on ne peut pas graver plusieurs playlists antagonistes sur un compact -, c’est à vous de programmer votre platine pour avoir accès au mode de lecture de la lune Alphane (référence romanesque à Philip K. Dick). » (Aurélien Lemant)
Rouge et vert donc, comme les verres des vieilles paires de lunettes 3D. Et comme tout bon produit spatial, Narrative Mindfucking débouche fatalement sur une troisième dimension, l’évocation comico-tragique des anormaux et des indésirables. Rock-circus mutant intergalactique, bande son jazz nucléaire d’une gigantesque foire spatiale aux freaks de tout genre. Mais qu’on se rassure : les références très intellos prophétiques (littérature fantastique, BD, cinéma…) ne gâchent pas le plaisir de la musique. C’est un plus pour les amateurs du genre. Toutefois, nous avons affaire à une œuvre hors-cadre.
Et, une fois n’est pas coutume, nous pourrions céder à la comparaison en évoquant la voie ouverte par David Bowie et Eno avec l’hallucinant album Outside. La diction et l’addiction des phénomènes post-modernes les plus perturbateurs ouvrent la voie à un glam-rock orbital électronique. Il se déstructure en échos saturniens et saturés, désespérés par la certitude d’une fin apoplectique, dark-disco d’un futur épuisé. Un futur qui nous parle d’un passé démembré qui s’est laissé sombrer au chant de la sirène nommée Technique, mais qui refuse pourtant de cesser de danser :
« Dance with the Vampire State
Slay the rich and the humble
When ruins dominate
And all the horizons tumble
… Your pet’s a shark, you kill for crack… »(Judge Rock, Vampire Sate Clubbing)