Nos futurs 2024. L’humoriste Haroun donnera-t-il son avis aux Champs Libres le samedi 23 mars ?

Haroun sur scène, photo de Little Shao

La jeunesse investit pour la troisième année les Champs Libres dans le cadre du festival Nos futurs, du 21 au 24 mars 2024. En partenariat avec Le Monde, la structure permet à « la relève » de participer aux questionnements fondamentaux de la société et de ses transitions. L’humoriste Haroun est un des invités de la rencontre autour de la question « Doit-on donner son avis sur tout ? » samedi 23 mars dans l’auditorium.

Le festival Nos futurs invite samedi 23 mars 2024 Haroun, humoriste et auteur des Pensées d’Héractète (2020), en compagnie de Jean-Michel Aphatie (éditorialiste chez Quotidien à TMC), Séverine Falkowicz (psychologue sociale et co-autrice d’Autour de l’esprit critique : petit guide pour déjouer les manipulations) et Flora Ghebali (fondatrice de l’entreprise Coalitions, agence d’innovation écologique et sociale). Les quatre invités seront amenés à débattre sur la question « Doit-on donner son avis sur tout ? », l’un des grands axes de réflexion de Nos futurs cette année. La conversation sera animée par Joséfa Lopez, journaliste au Monde.

Passionné par l’improvisation et l’humour, Haroun commence à écrire après ses études de commerce en parallèle de voyages et de la création d’une entreprise. Depuis 2013, il se consacre entièrement à sa carrière d’humoriste. Ses spectacles évoquent des sujets actuels de société, il se décrit comme un humoriste qui relève les incohérences de notre société ou de nos comportements, et pointe du doigt « ce que ça dit de nous et ce que ça dit sur le monde ». Haroun évolue aussi avec les nouvelles technologies, notamment sur YouTube avec des formats courts à succès tel que Ta blague ou Haroun casse la télé. Il a également créé Pasquinade, sa propre plateforme de diffusion des sketchs de différents humoristes. La plateforme est actuellement en maintenance afin qu’Haroun puisse réfléchir à de nouvelles formes à mettre en place. Entretien.

Haroun
Haroun, photo de Sekza

Unidivers – Quelles ont été vos inspirations en commençant votre carrière d’humoriste ?

Haroun – Coluche a eu un gros impact sur moi, son côté fédérateur m’a beaucoup fasciné. Quand j’étais petit, je rigolais à ses blagues et mes parents rigolaient aussi. J’ai été très influencé parce que c’était transgénérationnel et qu’il y avait plusieurs lectures possibles. Je voyais le côté clown, avec son nez rouge et sa salopette tandis que mes parents voyaient les messages politiques. C’était aussi la génération des Deschiens sur Canal+. Ce n’est pas un humour que je pratique, mais il y avait une prise de risque, des sens cachés et différents niveaux de lecture. On pouvait rire des personnages ou comprendre ce qu’ils critiquaient. 

Unidivers – Estimez-vous que vous prenez des risques sur scène ? 

Haroun – Non, je ne prends pas beaucoup de risques. On a beau dire qu’on ne peut plus rien dire, on est quand même dans un pays libre où on dit ce que l’on veut. Il y a des exceptions parfois, mais jamais de risques majeurs, je ne serais pas banni d’un endroit parce que j’ai fait une blague. Je regardais récemment le travail d’un humoriste égyptien qui s’appelle Bassem Youssef, lui il prend des risques parce que les gens en face ne rigolent pas du tout. Il se moque des intégristes musulmans et du pouvoir, et ces pouvoirs-là sont beaucoup moins cléments. Ici, qu’est ce qu’on risque en tant qu’humoriste ? Une amende ? 

En plus, je ne suis pas très vindicatif ou provocateur. Je m’amuse avec les concepts et les idées, mais j’essaie toujours d’intégrer tout le monde dans mes blagues et que les concernés puissent aussi en rire. 

Unidivers – Comment décrire votre démarche humoristique ? 

Haroun – Un peu dans la lignée du rap conscient, j’aimais bien l’idée d’humour conscient. En réalité, c’est plutôt un humour sociétal. Je ne traite pas forcément de sujets d’actualité chauds, mais ce sont des sujets actuels. J’aime parler de choses qui me touchent, qui m’attristent, m’intéressent, me mettent en colère ou me font marrer. On écrit pour se débarrasser de ses émotions alors c’est forcément lié à ce qu’il se passe autour de moi. 

Je n’ai jamais trop réussi à parler de moi et à raconter ma vie sérieusement. Certains le font très bien, mais je n’ai pas cette inspiration-là. Je glane l’inspiration dans les livres ou les articles que je lis et j’essaye de trouver ce que ça dit de nous et ce que ça dit sur le monde. Je pars de ma pensée, d’un événement qui m’a touché, mais pas de moi personnellement. Je n’essaye pas de dire ce que je pense parce que ce n’est pas important. Ce qui est intéressant c’est de savoir si j’ai un nouvel angle pour la réflexion. Si je n’arrive pas à en trouver, ça ne sert à rien que je le dise. 

Haroun
Haroun sur scène, photo de Sekza

Unidivers – Vous êtes passionné d’improvisation, quelle est sa part dans votre travail ? 

Haroun – Elle se retrouve à la fois dans le processus créatif et dans les interactions avec le public. Je me pose des questions similaires à celles qu’on se pose en improvisation comme : est-ce que je vais au bout de l’idée ? Puis il y a l’accueil de l’idée, comme on le fait en impro. Quand on est sur scène, on doit être prêt à réagir à n’importe quoi et à utiliser ce qu’on nous propose quelque soit la situation. C’est d’autant plus le cas quand on teste ses textes pour la première fois. Cette fois-là va nous donner des indications sur ce qu’il y a jeter, sur ce qu’il y a en trop. Parfois, j’écris des idées que j’oublie systématiquement de dire sur scène, mon cerveau ne veut pas les intégrer, alors je réfléchis à une manière différente de les dire ou à m’en débarrasser. 

Unidivers – Vous évoluez aussi sur les réseaux sociaux, c’est une nécessité ou une volonté de votre part ? 

Haroun – Les deux. J’avais envie de m’amuser avec ces nouvelles technologies, je le fais moins maintenant. J’ai aimé mettre mes spectacles en direct ou en ligne, c’était une façon pour moi de les donner et les partager gratuitement. Le modèle économique d’un humoriste c’est la scène et les tournées. Mais il y a des formes beaucoup plus libres sur internet qu’avec les médias traditionnels, alors je réfléchis encore à de nouvelles choses. 

Unidivers – Vous êtes régulièrement en interaction avec votre public, sur scène, dans votre concept Ta blague sur YouTube ou encore sur Pasquinade. C’est une manière d’entrer en réflexion par rapport aux retours qu’on vous fait ? 

Haroun – Ce n’est pas tellement ça, c’est plus quelque chose de particulier, de participatif et de citoyen. Une manière de laisser une place aux gens pour s’exprimer. On parle beaucoup des haters* sur les réseaux sociaux [*personnes qui déversent une haine sur les contenus de célébrités ou de créateurs], mais on parle peu des commentaires constructifs. On mélange peut-être un peu les gens qui font des retours intéressants avec les messages des haters. Une interaction riche est possible sur les réseaux et ça permet aussi d’avoir une forme de réception sur ce qu’on fait. Certaines personnes ont des ressentis très fins et sensés, et ça peut en effet donner des directions. On ne rencontre pas toujours les gens après un spectacle et c’est aussi moins facile de dire ce qu’on pense en face à face. C’est un peu comme avec l’improvisation, il faut pouvoir accueillir les gens qui sont mécontents ou qui n’ont pas compris quelque chose. Ça ne veut pas dire qu’il faut tout prendre en compte, mais ça peut apporter des axes de progression. 

Unidivers – Vous participez à la 3e édition de Nos futurs lors d’une rencontre Doit-on donner notre avis sur tout ? Pouvez-vous m’en dire plus sur votre intervention ? 

Haroun – Il s’agit d’un débat avec les autres invités. Là où je pense être pertinent c’est sur ma légitimité à parler de certaines choses dans mes sketchs, ce que je peux me permettre de dire. Est-ce qu’il faut être de la bonne origine ou de la bonne religion pour faire certaines blagues ? Est-ce que je suis critique à part égale envers tous les avis ? Mon rôle, ce n’est pas de donner mon avis, mais d’en relever l’incohérence et de donner envie d’approfondir le sujet. De montrer aussi que l’avis évident ne l’est pas forcément. Je ne suis pas un penseur, un philosophe ou le mécène d’une question particulière. Mon rôle sera de questionner et de relever ce qu’il y a de risible et donc de détendre l’atmosphère pour que la discussion s’ouvre.

Je suis content qu’il y ait une réflexion et que celle-ci soit amenée par des jeunes, le mérite leur revient. C’est plaisant parce que ce n’est pas souvent en bons termes qu’on parle d’eux. Ils ont une énergie qu’il faut écouter, je crois qu’il faut les aiguiller plutôt que de leur dire ce qu’il faut penser. On doit juste leur dire de ne pas se faire avoir par l’évidence ou par les émotions qu’on a quand on a 20 ans. 

Unidivers – Vos émotions prenaient-elles souvent le dessus sur le rationnel quand vous aviez 20 ans ? 

Haroun – Bien sûr. Par exemple, en tant qu’humoriste on ne vit pas le bide de la même façon à 20 ans qu’à 40 ans. J’estime que j’ai commencé à avoir un niveau acceptable en terme d’humour quand je me suis détendu face à l’échec. Avec la fougue de la jeunesse c’est très difficile, on a vite l’impression qu’on ne va jamais s’en relever alors qu’avec le recul on se rend compte que ça n’avait aucun impact. C’est aussi la raison pour laquelle il faut écouter la jeunesse, elle a des émotions fortes, mais elle a aussi beaucoup de volonté et elle est souvent très sensée, parfois beaucoup plus que les vieux.

Haroun
Affiche du spectacle Seul.s d’Haroun (2021-2023)

Unidivers – Quel recul avez-vous sur vos plus jeunes années d’humoriste ?

Haroun – J’ai mis du temps à devenir humoriste confirmé parce que j’ai l’impression que je n’avais pas l’âge de mes textes. C’est-à-dire que je n’avais pas la maturité pour traiter les sujets dont je parlais. Il m’a fallu du temps pour trouver le ton et pour accepter de ne pas toujours faire rire. J’avais un peu trop envie de faire passer des idées en force alors qu’il n’y a pas besoin. Quand on se détend et qu’on est moins porté sur le résultat, ça passe mieux et ça fait beaucoup plus rire aussi. Le public a besoin qu’on soit à l’aise, pas trop à fleur de peau, les émotions parfois nous bloquent. Mais le fait d’être à fleur de peau nous donne l’énergie de beaucoup travailler, progresser et se remettre en question. C’est un passage obligatoire, ce n’est ni bien ni mauvais, un cheminement qui nécessite d’exister. J’ai repris l’humour à 29/30 ans et c’était déjà différent, j’avais quelques années d’expérience dans d’autres métiers et puis on ne peut pas nier non plus une forme de discrimination envers les jeunes. La considération n’est pas la même et certaines portes sont difficiles d’accès quand on a 23 ou 24 ans. 

Unidivers – Où en êtes-vous maintenant dans votre carrière ? 

Haroun – Je suis dans une phase d’écriture, dans la recherche. Comme un étudiant, j’ouvre mes bouquins et je vois ce qui est intéressant, ce qui peut appuyer mes idées. J’adore cette période. J’écris un peu tout le temps sur différents projets, c’est 70% de mon travail, sur mes spectacles, quand je joue, je continue à écrire. C’est un sport qu’il faut entretenir.

Unidivers – Merci, Haroun.

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Nos futurs, la parole à la relève
21 au 24 mars 2024

Aux Champs Libres
10 cours des Alliés 35000 Rennes

En partenariat avec Le Monde

Doit-on donner son avis sur tout ?
Interprétée en Langue des signes française.
Samedi 23 mars 2024 à 15h
Auditorium des Champs Libres
Durée 1h30
Entrée libre et gratuite

En présence de Jean-Michel Aphatie, éditorialiste chez Quotidien à TMC ; Séverine Falkowicz, psychologue sociale et co- autrice de Autour de l’esprit critique : petit guide pour déjouer les manipulations (éd. Eyrolles) ; Flora Ghebali, fondatrice de l’entreprise Coalitions, agence d’innovation écologique et sociale et Haroun, humoriste. Animée par Joséfa Lopez.

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