Paris. En 2026, George Sand deviendra t-elle la huitième femme à entrer au Panthéon ?

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George Sand

2026 marquera les 150 ans de la disparition de l’écrivaine George Sand (1804-1876). À cette occasion, 60 autrices du Parlement des écrivaines francophones lancent un appel pour son entrée au Panthéon. Cet hommage saluerait l’engagement républicain de la femme de lettres, son parcours, ses choix, et la place qu’elle a occupée en France, et au-delà, au XIXe siècle…

Si George Sand faisait son entrée au Panthéon en 2026, elle rejoindrait la poignée de femmes qui ont, à ce jour, franchi les portes de ce temple républicain longtemps réservé aux hommes. Actrice de sa propre vie, elle revendiqua toute son existence sa soif de liberté pour écrire, ses prises de position pour le droit à être simplement elle-même, et mérite d’être honorée par la République française. Elle deviendrait le symbole d’une reconnaissance envers cette femme qui a tracé un chemin nouveau pour le destin des femmes, pour la liberté en général et pour l’humanité.

Un comité de soutien, présidé par l’actrice Juliette Binoche, s’est mis en place pour réclamer l’entrée de George Sand au Panthéon. Il est composé de 60 autrices du Parlement des écrivaines francophones. Cette tribune rappelle combien George Sand a su incarner les combats pour la liberté, que ce soit à travers ses romans ou ses articles, et combien sa place dans la mémoire collective mérite d’être symboliquement saluée. Au-delà de la littérature, le comité y voit un acte puissant, une manière de faire dialoguer l’histoire républicaine avec le génie littéraire d’une femme qui ne s’est jamais contentée de rester dans l’ombre.

Le projet s’appuie sur une idée précise : il ne s’agirait pas de déplacer la dépouille de l’écrivaine, qui continuerait de reposer à Nohant, mais d’installer au Panthéon un cénotaphe, où serait déposée un peu de la terre de son cher Berry. Un geste symbolique fort, qui permettrait de concilier l’attachement au lieu de vie et de création de George Sand avec la reconnaissance nationale de son œuvre et de son engagement.

Outre cette mobilisation, une cinquantaine de personnalités culturelles ont déjà apporté leur soutien. Dans le Berry, où l’écrivaine a vécu, l’élan devient un mouvement régional. Les élus du Cher et de l’Indre se positionnent, des courriers sont adressés à l’Élysée, et les maisons d’écrivain, les acteurs du patrimoine littéraire et les associations locales se mobilisent. Pour beaucoup, l’entrée de George Sand au Panthéon serait une manière de mieux équilibrer une histoire nationale encore largement écrite au masculin.

George Sand

Biographie :

George Sand naît à Paris le 1er juillet 1804, sous son nom de baptême : Aurore Dupin. Elle a une double ascendance, populaire et aristocratique. Les premières années de sa vie se déroulent à Paris, puis en avril 1808, elle rejoint avec sa mère son père, militaire, en garnison à Madrid. À la suite de la retraite d’Espagne, la famille retourne dans l’Indre et Aurore Dupin découvre le château de Nohant (36), où elle va grandir entre sa mère Sophie, sa grand-mère paternelle et son précepteur. Son père, Maurice, meurt après une violente chute de cheval. Aurore étudie la musique, le dessin et la danse.

Pour parfaire son éducation, Aurore Dupin, souvent rebelle et dissipée, est envoyée par sa grand-mère au couvent des Filles anglaises à Paris entre janvier 1818 et avril 1820. Le 5 octobre 1822, alors qu’elle a tout juste 18 ans, elle épouse Casimir Dudevant ; les époux s’installent à Nohant. Pour la jeune femme, ce mariage est d’abord l’occasion de « gagner sa liberté », mais c’est oublier que les femmes mariées sont à cette époque juridiquement mineures, placées sous l’autorité de leur mari. Aurore comprend très vite qu’elle demeure enfermée dans sa condition d’épouse et de mère, et que son mari ne voit en elle que la riche héritière. Grossier, peu cultivé, avec des goûts très différents des siens, Casimir s’oppose rapidement à ses aspirations.

George Sand
Aurore et Casimir Dudevant

En juillet 1825, lors d’un voyage dans les Pyrénées, Aurore Dupin fait la connaissance d’Aurélien de Sèze, un avocat séduisant et talentueux. Avec lui, elle entretient une histoire d’amour passionnée… et platonique. Quant à Casimir Dudevant, il se met à boire, devient odieux et entretient des relations avec ses servantes. La fissure dans le couple devient béance.

En 1832, Aurore publie son premier grand roman, Indiana, sous le pseudonyme de George Sand, volontairement masculin, en raison du mépris et de l’oubli dans lesquels sont tenues les femmes auteures à cette époque. Elle retirera par la suite le « s » final à « Georges » pour donner au prénom une tonalité plus neutre, voire légèrement féminisée. Indiana rencontre un succès immédiat et lance sa carrière littéraire. Elle écrit ensuite de nombreux romans, pièces de théâtre, nouvelles et essais, qui abordent des thèmes tels que l’amour, la condition féminine, les injustices sociales, la politique et la vie rurale.

Aurore Dupin veut son indépendance, souhaite travailler et gérer ses biens propres. La séparation, alors que deux enfants – Maurice et Solange – sont nés de son mariage, est prononcée en faveur de l’épouse le 16 février 1836, la juridiction reconnaissant les injures graves, les sévices et les mauvais traitements subis par Aurore. Cette décision lui permet de reprendre la main sur sa vie et sur son travail d’écrivaine.

George Sand
Solange et Maurice Dudevant

Dès lors, George Sand va mener une vie personnelle et artistique que ses contemporains qualifieront de scandaleuse, aujourd’hui plutôt de libre. Elle s’habille souvent en homme, pour des raisons de praticité et de liberté de mouvement autant que par provocation, fume le cigare et assume plusieurs relations amoureuses avec des personnalités célèbres de son époque, comme le poète Alfred de Musset et le compositeur Frédéric Chopin. Sa vie sentimentale fait couler beaucoup d’encre, mais elle s’en sert aussi comme matière à réflexion sur l’amour, le couple, la jalousie et le désir.

George Sand

Engagée politiquement, George Sand est une fervente défenseuse de la République et participe activement aux mouvements politiques de son époque, notamment en 1848. Elle écrit des articles, des lettres ouvertes, soutient les idéaux démocratiques et se préoccupe des conditions de vie des paysans et des classes populaires. Elle défend les droits des femmes et demeure une voix importante dans la lutte pour une plus grande égalité entre les sexes. Son style d’écriture, à la fois lyrique, romanesque et ancré dans le réel, est novateur pour son temps. Elle est particulièrement connue pour sa capacité à créer des personnages féminins forts, indépendants, complexes, qui refusent la résignation.

George Sand décède d’une occlusion intestinale, dans d’affreuses souffrances, à Nohant le 8 juin 1876, à l’âge de 72 ans. Ses dernières paroles auraient été : « Laissez… verdure… pas de pierre, laissez pousser l’herbe. » Elle repose au cimetière de Nohant et laisse derrière elle un héritage littéraire considérable, composé de plus de 70 romans et d’une cinquantaine de volumes d’œuvres diverses : nouvelles, contes, pièces de théâtre, correspondances, textes politiques.

George Sand

Aujourd’hui, George Sand est considérée comme l’une des grandes figures de la littérature française du XIXe siècle et son œuvre est toujours étudiée et appréciée dans le monde entier. Elle a inspiré de nombreux écrivains et écrivaines, dont Simone de Beauvoir. La série intitulée La Rebelle : les jeunes aventures de George Sand, sortie en 2025 en quatre épisodes, lui rend notamment hommage en faisant découvrir à un nouveau public une Aurore encore jeune, intrépide, déjà décidée à ne pas se laisser enfermer dans le rôle qu’on voulait lui assigner.

Martine Gatti
Martine Gatti est une jeune retraitée correspondante de presse locale à Paris et dans le pays de Ploërmel depuis bien des années.