PERRINE VALLI DIFFUSE SON DÉSIR DANSÉ AU TRIANGLE DE RENNES

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Premier prix du concours international de chorégraphie Masdanza en 2007, second prix du concours suisse Premio en 2008, Perrine Valli ne cesse de créer avec un talent évident. Russie, Japon, Australie, mais aussi en Europe, Perrine Valli et sa compagnie Sam-Hesther se représentent aux quatre coins du monde et enchaînent les créations chorégraphiques sur le thème de l’identité sexuelle et des rapports homme-femme. Les quatre interprètes du collectif danseront Une femme au soleil au Triangle le 22 février 2018.

UNE FEMME AU SOLEIL, PERRINE VALI
Photo : Dorothée Thébert

Perrine Valli, chorégraphe et danseuse, vous avez créé en 2005 la compagnie Sam-Hester dont le nom fait référence à ceux des chats d’Andy Warhol. « Sam » pour les mâles et « Hester » pour les femelles. Nous comprenons que ce nom évoque les relations hommes-femmes de façon décalée. Avez-vous envisagé de travailler sur ces thèmes dès la création de votre collectif ? D’où vient cet intérêt pour ce sujet ?

Perrine Valli : Comme beaucoup de choses dans la danse, c’était intuitif. En choisissant ce nom pour ma compagnie, je ne savais pas à l’époque que j’allais travailler sur le lien entre féminin et masculin. C’est toujours assez intéressant, car la danse est l’art de l’intuition. Je devais trouver un nom pour ma compagnie et je n’aimais pas le fait de mettre mon nom à moi et à ce moment-là j’étudiais tout simplement le travail sur l’autoportrait avec Andy Warhol. J’étais plongée dans son travail et après j’ai trouvé cette anecdote sur ses chats que j’ai trouvé assez fun et assez drôle. De manière très intuitive, j’ai choisi ce nom pour ma compagne. Comme tous mes titres des spectacles, c’est comme un flash, je ne me pose pas de questions. Après avec le recul, cela a été très intéressant de voir qu’inconsciemment j’étais déjà assez fascinée par la question du rapport homme-femme. Maintenant, c’est vrai que le titre de ma compagnie fait vraiment sens, mais à l’époque je ne le savais pas.

Il n’y a pas d’explications concrètes à cet intérêt pour ce sujet. Je suis issue d’une famille de femmes, mon arrière-grand-mère, ma grand-mère, ma mère assez féministe. La question de la place de la femme a toujours été importante dans l’éducation qu’on m’a donnée. Elle n’a jamais été vraiment en guerre avec le masculin dans le sens où j’ai aussi un rapport très proche avec mon père qui est aussi féministe. La question du féminisme ou du féminin a plutôt dans ma famille été une histoire humaniste, pas forcément une histoire de femmes. La place des femmes dans la société, car elle en a moins est quelque chose qui concerne tout autant leur mari, leur frère, leur père, leur fils. Il n’y a pas eu de guerre avec le masculin dans la manière où ça a été véhiculé dans mon éducation.

Je crois que pour moi plus que du féminin-masculin, il y a ce qu’on appelle en danse le yin et le yang, qu’on travaille aussi beaucoup dans le yoga et qui est très présent dans la danse. Il faut de l’énergie masculine pour pouvoir bien danser. Les danseuses étoiles qu’on voit sur leurs pointes et leurs tutus qui sont toute féminine sont des femmes ultra viriles. Pour avoir la force de devenir danseuse à un tel niveau, ce sont des petits soldats. Il y a quelque part une puissance qui est de l’ordre de la puissance qu’on pourrait dire virile ou masculine. De la même manière, les garçons qui sont danseurs et qui sautent avec toute leur virilité ont une sensibilité qu’on pourrait dire féminine ou yin, car ils vont devoir exprimer quelque chose d’émotionnel. Pour moi, j’essaye de rejoindre le féminin et le masculin dans la binarité. Je crois que le nom de cette compagnie c’est ça : « Comment chaque être humain doit s’accorder avec son masculin et son féminin pour devenir un être binaire et quelque part un être complet ».

UNE FEMME AU SOLEIL, PERRINE VALI
Photo : Dorothée Thébert

Votre spectacle de danse Une femme au soleil met en scène quatre interprètes, deux hommes et deux femmes. La trame du spectacle tourne-t-elle principalement autour d’un personnage féminin comme le laisse imaginer le titre ? Quelle place occupe chacun des danseurs dans la représentation ?

Perrine Valli : Ce qui m’intéressait dans ce titre et dans la majorité de mes pièces d’ailleurs, c’est de vraiment affirmer et signer le fait que c’est une interrogation sur le désir. Dans mes pièces précédentes, j’ai pu avoir des interrogations sur la prostitution ou sur le couple à partir d’un regard féminin qui est mon regard. À chaque que je fais des recherches sur ces thématiques qu’elle aille du désir à l’érotique, à la pornographie ou à la prostitution, je me trouve toujours confrontée au même problème : il y a essentiellement des auteurs masculins, en tout cas dans l’histoire de l’humanité c’est à dire dans les philosophies, les peintures…

Dans les années plus récentes, il y a aussi un peu de matière féminine, mais elle est très récente. Pour moi, Une femme au soleil c’est une question sur le désir, pas au sens large, mais à partir d’un angle féminin qui est le mien. La femme au soleil dans la peinture de Hopper qui est centrale, nue et regarde par la fenêtre. C’est vraiment son point de vue sur le désir. Après il y a mon point de vue totalement subjectif. Ensuite sur scène, comme je m’adresse à un large public, à des hétérosexuels, à des homosexuels, il allait que la question du désir touche un petit peu tout le monde. Après avec mes danseurs et les musiciens aussi, j’ai essayé d’avoir leur propre point de vue sur le désir. Chacun a une interprétation différente. Je me suis ensuite inspirée de mes danseurs pour que le désir puisse transparaître dans leur propre corps. Ce n’est pas le même chez l’homme et la femme. Ce n’est pas le même chez les deux hommes. Un est hétérosexuel, l’autre homosexuel. Ils ne vont pas interpréter le désir de la même manière. Il y a un mixte de tous ces désirs : le mien, celui des danseuses, des danseurs, des musiciens.

Ensuite, c’était important de parler du désir dans le sens large, pas uniquement le désir dans le couple, dans l’amour. Je voulais que ce soit un quatuor et non pas un duo même s’il y a deux duos, il n’y a pas de couples vraiment formés. On navigue les uns avec les autres. On ne sait pas vraiment si c’est une histoire de couple. Ça peut même être une histoire fantasmatique, car les deux femmes sont habillées pareil et on se ressemble un peu. J’ai fait exprès d’avoir ce rapport un peu miroir.

Quelles émotions désirez-vous traduire à travers cette représentation ? Et de quelle façon ?

Perrine Valli : Pour moi l’émotion du désir est une émotion très claire. Ce n’est pas une émotion floue, elle est précise. C’est une émotion « d’élan vers ». Le désir, pour moi, quand j’ai un désir pour un être masculin, un amoureux ou un désir sexuel, un désir d’aller vers, c’est la même émotion que j’ai quand j’ai le désir de danser ou de créer ou d’aller voyager avec des intensités un peu différentes évidemment. C’est l’émotion qui me pousse à aller vers. Il va y avoir d’autres émotions comme le désir d’amour qui est de l’ordre du bien-être, ça ne va pas me faire pousser vers l’avant. Le désir est une sensation de dépassement. Il y a aussi cette musique assez rock, assez puissante qui vient illustrer ce sentiment du désir. Pour moi le désir est aussi quelque chose d’assez puissant, pas uniquement doux, confortable, c’est quelque chose où tout d’un coup on a une espèce de niaque, de puissance. On va aller décider de tout faire pour entrer en communication avec ce garçon ou cet homme qui nous intéresse. On va tout faire pour créer ce spectacle qu’on a envie. Le danseur va très souvent dépasser des douleurs pour pouvoir danser. C’est vraiment une émotion du dépassement et de l’élan vers que je voulais transmettre.

UNE FEMME AU SOLEIL, PERRINE VALI
Photo : Dorothée Thébert

La musique instrumentale de Polar accompagne le spectacle. Pourquoi avoir choisi un accompagnement électropop et pas un autre type de musique ?

Perrine Valli : Je travaille avec Eric Linder depuis huit ans. Je vais avoir une tendance assez féminine pour le coup, dans le cliché féminin à avoir une pièce un peu en dentelle, c’est-à-dire très pointilleuse, très organisée… mais dans mon ressenti profond, qui est plus binaire, j’ai envie de quelque chose de plus puissant, masculin, rentre dedans. Du coup le son que Eric Linder associe à ma chorégraphie a ce but de rendre la pièce plus puissante. Nos deux énergies, avec la musique et la danse, avec son côté masculin et mon côté féminin est exactement ce que je veux mettre sur scène. Je n’aurais pas fait une pièce sur de la musique classique. Il y aurait eu ce côté un peu romantique qui était pas du tout la direction que je voulais mettre. C’était très intéressant de voir aussi le point de vue des musiciens. Qu’est-ce que le désir pour eux en tant qu’homme ? Quand ils ont une puissance en eux que ce soit pour jouer de la batterie, prendre une guitare. La puissance énergétique de l’électropop correspondait vraiment à l’émotion que je voulais créer sur scène.

Le titre Une femme au soleil est directement inspiré d’un tableau d’Edward Hopper, célèbre peintre réaliste américain. Pour chaque spectacle vous vous inspirez d’une œuvre artistique. Quelle relation faites-vous entre la danse et l’art ?

Perrine Valli : Les choses qui parlent en moi, parlent à des milliers de personnes donc ça m’intéresse toujours de me dire : « Quel autre artiste a déjà traité de ce sujet ? ». Du coup cet autre artiste-là va me faire gagner du temps, car il aura étudié beaucoup de choses. Ça va ne devenir non pas un maître, mais quelqu’un qui va pouvoir m’inspirer par ses propres recherches qu’il a déjà effectuées. Très souvent cela va être des hommes dans la mesure où que ce soit le désir ou la prostitution, il y a beaucoup de matière qui est plutôt masculine. Dans le champ de la peinture, 90 % des peintres sont masculins. C’est très récent qu’il y ait des peintres féminins. À chaque fois, ça m’intéresse d’avoir un point de vue masculin pour faire un lien avec le mien. Ensuite, je souhaite avoir un champ plus universel c’est-à-dire de dire comment d’autres artistes ont traité de ce sujet et ensuite ça va servir de sources d’inspirations pour toute l’équipe artistique. Le scénographe, le musicien, les autres danseurs vont pouvoir s’inspirer là en l’occurrence d’Edward Hopper. Ils vont pouvoir regarder les photos, s’inspirer eux-mêmes de cet univers. Ça va influencer directement la musique, car il y a un côté américain dans Edward Hopper donc les musiciens se sont eux-mêmes plongés dans l’univers de Hopper pour s’en servir à leur propre manière. On va ensuite donner des clés pour le public et leur dire que le spectacle parle d’un sujet que tout le monde connaît, que chacun vit dans son corps, qu’on a été inspiré par Hopper. Chacun peut de cette façon avoir des références. Cela donne des outils aussi au public. C’est pour ouvrir le sujet que je prends d’autres artistes ou d’autres auteurs pour m’inspirer dans mon travail.

UNE FEMME AU SOLEIL, PERRINE VALI
Une femme au soleil, Edward Hopper, 1961.

Votre nouvelle création (2017) traite de l’obscurantisme pour fait suite aux attentats qui ont frappé Charlie Hebdo. Votre prochaine création s’inscrira-t-elle dans la même veine ?

Perrine Valli : En tant qu’artiste, notre travail est de faire sortir ce qu’on a dans nos tripes à l’extérieur. J’étais intéressée par les sujets de féminin, masculin, mais quand il y a un tel événement sachant que j’habitais à ce moment-là dans le 11e arrondissement de Paris, c’était des endroits que je fréquentais donc ça a été un choc. C’était évident comme un peu quelque chose de cathartique, que je sorte ces émotions-là. J’ai fait une première pièce La danse du Tutuguri qui était sur un texte d’Antonin Artaud et puis une autre pièce L’Un à queue fouetteuse qui était sur l’obscurantisme. C’était vraiment très intéressant.

Mes prochaines pièces ne sont pas là-dessus. Cela lie dans le sens où ça pose des questions sur le sens quand on a de tels événements politiques qui viennent perturber notre tranquillité, on commence à se dire : « Quel est le sens ? » J’ai décidé de travailler sur un prochain spectacle sur la jeunesse avec un spectacle qui s’adresse à un spectacle plus jeune. Comment peut-on éduquer ou travailler avec les corps et les esprits plus jeunes pour peut-être que nos expériences servent à la jeunesse ? C’est un spectacle plus précisément sur les dangers de l’iPhone sur les prochaines générations, les enfants. Le prochain spectacle encore après, sera sur l’énergie du yin et yang, sur la puissance du désir sexuel. Ça revient plutôt à mes sujets anciens.

Vous vous inspirez donc aussi de l’actualité…

Perrine Valli : Oui je m’inspire de ce qui me traverse et forcément l’actualité me traverse. Après j’ai fait un choix qui est le mien d’éteindre la télévision et ne pas me laisser trop influencer par toute cette actualité, car la télévision peut être nocive. J’aurais pu travailler pendant dix ans sur la question de l’obscurantisme, mais finalement ça m’intéresse plus de me dire : « Comment à mon petit niveau, je peux travailler sur des énergies positives, sur des visions plutôt optimistes de l’avenir avec les futures générations qui arrivent ? » Je n’ai pas une mentalité à rester dans les énergies négatives et tout ce que la société actuelle nous rend très pessimiste. Au contraire, je trouve qu’il faut lutter contre ça et je conseillerais plutôt de débrancher les télévisions que de travailler uniquement sur ce qu’on nous informe à la télévision. Certes, il y a des attentats, mais les drames existent depuis la nuit de temps. J’ai plutôt une vision optimiste de l’avenir et c’est plutôt ça que je travaille.

Une femme au soleil, Perrine Valli, compagnie Sam-Hester (Suisse). Jeudi 22 février 2018, Le Triangle, Rennes.

Tarifs :
16 € plein
12 € réduit
6 € -12 ans
4 € / 2 € SORTIR !
PASS Triangle :
12 € plein
9 € réduit
7 € -30 ans
5 € -12 ans

Photo : Dorothée Thébert

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