L’enquête visant le professeur Morandi classée sans suite : entre soulagement, incompréhension et défis collectifs

10159

Le parquet de Rennes a décidé de classer sans suite la plainte déposée contre le professeur de neurochirurgie Xavier Morandi au CHU de Rennes.

Une issue judiciaire qui soulage certains mais laisse une profonde amertume chez d’anciens internes et médecins, et qui relance le débat sur la gestion des conflits hiérarchiques à l’hôpital.

Cette procédure, ouverte à l’automne 2023, visait des faits présumés de harcèlement moral et sexuel dans le service de neurochirurgie de Pontchaillou. Après près de deux ans d’investigations, le parquet estime que « les faits ne sont pas apparus matériellement démontrés ». Plusieurs plaignants, qui dénonçaient brimades, humiliations et violences verbales se disent aujourd’hui stupéfaits par la décision.

De son côté, l’avocat du professeur Morandi a exprimé « soulagement relatif, soulignant que le mal est déjà fait après deux années d’ostracisation et d’une réputation meurtrie ».

Le classement sans suite ne signifie pas une déclaration d’innocence, mais traduit l’incapacité à réunir des preuves suffisamment solides pour engager des poursuites. Le harcèlement est en effet difficile à établir juridiquement ; il requiert des faits répétés, démontrables et imputables directement à une personne.

  • Témoignages multiples mais jugés insuffisamment concordants ou recoupés.
  • Frontière ténue entre « management exigeant » et harcèlement moral.
  • Temps long de la procédure, décourageant certains témoins.

L’affaire dépasse le seul cas Morandi. Elle interroge la culture hiérarchique dans les hôpitaux universitaires :

  • Une dépendance forte des internes et assistants vis-à-vis de leurs supérieurs pour leur carrière.
  • Des mécanismes de signalement internes fragiles, souvent jugés inefficaces quand ils impliquent des professeurs.
  • Un recours fréquent à la voie pénale, longue et incertaine, comme ultime solution.

Une procédure disciplinaire reste possible devant l’Ordre des médecins, mais ses délais sont souvent extensibles.

Si le parquet a clos l’affaire, la question morale et sociale reste entière. Pour les plaignants, c’est un sentiment d’injustice et de silence renforcé. Pour le professeur mis en cause, c’est la marque d’un système hospitalier mourrant dont il estime être le bouc émissaire.

Le paradoxe est frappant, même blanchi judiciairement, le nom reste associé médiatiquement aux accusations, ce qui illustre les limites de la justice face aux enjeux de réputation.

De cette affaire émergent plusieurs leçons :

  1. Renforcer les médiations indépendantes dans les hôpitaux pour résoudre les conflits avant l’escalade judiciaire.
  2. Former et protéger les lanceurs d’alerte afin qu’ils puissent témoigner sans crainte de représailles.
  3. Mesurer régulièrement le climat social des services hospitaliers par des enquêtes anonymes.
  4. Adapter le droit du harcèlement aux environnements hiérarchiques complexes comme le monde hospitalo-universitaire.

Le classement sans suite de l’enquête qui ivise le professeur Morandi ne met pas fin aux interrogations. Il met en lumière les failles d’un système où la frontière entre autorité et abus reste fort difficile à tracer. Plus qu’un non-lieu judiciaire, cette décision est un signal qui invite à mieux protéger les personnels hospitaliers tout en garantissant l’équité des procédures. Entre la quête de justice des uns et le besoin de reconnaissance des autres, c’est bien la confiance dans l’institution hospitalière est en jeu.