« Je n’ai plus rien », répète Jean-Pierre, assis sur son matelas défraîchi, aux abords du canal Saint-Martin. Le 10 juillet 2025, ce sans-abri bien connu des passants rennais s’est retrouvé démuni de presque tous ses effets personnels après une opération de nettoyage menée par la Ville de Rennes et la police municipale. Grâce à la générosité des Rennais, il avait vite retrouvé de quoi se vêtir et se laver. Mais, bis repetita, le 25 juillet, un individu qui aspire – semble-t-il – à récupérer l’endroit où il gîte sous le pont Saint-Martin a mis le feu à toutes ses affaires, y compris une partie des carnets où il couche sa vision originale du monde. Si vous avez un habit (xl) ou un savon que vous n’utilisez pas, Jean-Pierre est preneur. Il vous attend chaque jour en face de la Poste République et vous remercie par avance de votre aide…
Un pont devenu refuge vidé en son absence
Chaque jour, Jean-Pierre quitte son campement de fortune pour rejoindre la place de la République avec sa fidèle chienne Nougatine où il échange avec les passants ou écrit des histoires dans de grands cahiers A4. C’est là qu’il tente d’échanger quelques mots, quelques sourires, parfois quelques euros (en moyenne moins de 15 euros par jour, nous a-t-il confié). Mais ce jeudi, en revenant sous le pont de la rue de Saint-Malo, il n’a retrouvé qu’un matelas et son chariot. Tout le reste avait disparu. Produits d’hygiène, vêtements, ustensiles, souvenirs : balayés. « Je n’ai même plus de quoi me laver ou me changer », confie-t-il, visiblement bouleversé. La Ville, de son côté, assure que seule une accumulation de déchets a été retirée pour des raisons de salubrité et de sécurité, évoquant la prolifération de rats et un risque d’incendie élevé dans cet espace confiné.
Un homme libre, mais vulnérable
Jean-Pierre vit dehors par choix dans un besoin d’indépendance farouche. Il refuse d’intégrer une structure d’hébergement ou d’assistance malgré les propositions récurrentes des services sociaux. Cette liberté, il y tient. Mais elle le rend aussi terriblement vulnérable face aux aléas – humains, climatiques ou institutionnels. Déjà en janvier 2025, lors des inondations qui ont touché Rennes, il avait tout perdu. Et cette fois encore, le vide. Pour lui, ce n’est pas qu’une question de matériel : « Ces objets, c’est ma vie, c’est mon quotidien, c’est ce qui me reste. »




Une demande d’aide urgente
Jean-Pierre lance aujourd’hui un appel aux Rennaises et aux Rennais. Il a besoin, en urgence :
- De vêtements larges (taille XL), notamment des sweats à capuche ;
- De produits d’hygiène : savon, gel douche, shampooing, papier toilette ;
- Et, au-delà du matériel, d’un peu d’attention humaine.
Vous pouvez le retrouver tous les jours de 12h à 18h, place de la République à Rennes, près de la boutique Foot Locker.

Le cas de Jean-Pierre est emblématique. Il rappelle que derrière chaque silhouette en marge des trottoirs, il y a une histoire, des refus, des blessures et des choix de vie complexes ; dans le cas de Jean-Pierre, un terrible drame familial. La Ville de Rennes évoque une « pathologie d’accumulation », une sorte de syndrome de Diogène, et insiste sur le suivi social dont bénéficie Jean-Pierre depuis plusieurs années. L’explication officielle est tout à fait entendable. Quant au suivi social, il fonctionne globalement bien à Rennes, malgré les contraintes budgétaires.
Reste que c’est un homme en détresse qui s’exprime : « J’ai besoin d’aide, tout simplement », répète-t-il. À l’heure où l’été met à nu la misère des plus précaires, l’histoire de Jean-Pierre pose une question plus large : que faire pour ne pas laisser sombrer celles et ceux qui refusent les cadres classiques de l’aide sociale, mais qui ont besoin de la solidarité collective ? La réponse n’est pas aisée. Sans doute, la raison nous prescrit-elle de ne pas l’aider et laisser Jean-Pierre être lentement contraint à rentrer dans le cadre de la prise en charge collective. De l’autre, laisser tomber Jean-Pierre, ne pas répondre à la demande d’aide d’un homme nu, c’est un peu de notre humanité, de nous tous, dont nous nous détournons.
