Le tribunal administratif de Rennes a tranché. Dans une décision rendue publique le 30 juin 2025, les juges ont annulé le permis de construire délivré par la mairie à Espacil Habitat en septembre 2022 relatif à un ensemble immobilier de 60 logements rue de la Motte Brûlon. En cause, un risque d’inondation grave, ignoré par la Ville malgré des données officielles disponibles. Une décision de plus qui semble traduire la volonté du tribunal administratif de rééquilibrer son appréciation des dossiers en étant davantage à l’écoute des demandes de riverains.
Espacil prévoyait d’implanter deux immeubles sur 5 200 m², au sein de la ZAC d’Armorique. Commerces en rez-de-chaussée, logements en étages, parking souterrain : un projet typique de densification urbaine. Mais voilà : deux couples de riverains, les Roty et les Deuche, ont contesté le permis devant la justice administrative, avec l’appui de Me Le Néel. Leur requête était nourrie : impact visuel, perte d’ensoleillement, dépréciation immobilière – des arguments traditionnellement écartés par le tribunal administratif –, mais également un risque d’inondation avéré.
Si le terrain n’était pas officiellement classé en zone inondable dans le Plan de prévention du risque inondation (PPRI) en vigueur, une révision du PPRI en cours depuis 2019 et rendue publique auprès des élus en 2024 plaçait le site dans une zone à aléa fort à très fort, avec une cote de crue centennale clairement établie : 27,80 m NGF, majorée à 28,10 m pour la sécurité.
Or, selon le dossier du permis, le rez-de-chaussée des bâtiments projetés devait se situer entre 27,32 m et 27,59 m NGF, soit jusqu’à 78 centimètres en dessous de la cote de référence. De plus, le bâtiment C2 devait inclure un parking souterrain, accessible par une rampe en zone submersible.
Les juges ont donc estimé que la maire de Rennes avait commis une erreur manifeste d’appréciation en accordant l’autorisation malgré les éléments techniques à sa disposition. Une faute administrative qui justifie l’annulation totale du permis sans possibilité de régularisation.
Ni la mairie, représentée par la SELARL Valadou-Josselin & Associés, ni Espacil Habitat, défendue par le cabinet Avoxa, n’ont convaincu le tribunal. Leurs arguments sur la recevabilité du recours ont été balayés : les requérants habitent à moins de 70 mètres du site, leurs inquiétudes sont « réelles et étayées ».
Le tribunal a condamné la commune et le promoteur à verser 1 500 € aux riverains pour couvrir leurs frais de procédure. De quoi renforcer l’amertume d’un dossier où les services municipaux n’ont pas seulement mal évalué un risque : ils l’ont, selon les juges, clairement ignoré.
Ce jugement illustre une tendance croissante : une (plus grande) prise en compte par les tribunaux des demandes des riverains face aux grands projets urbains soutenus par la puissance publique. Surtout lorsqu’elles s’appuient sur des données techniques solides. Il démontre aussi que les plans de prévention, même en cours de révision, engagent la responsabilité des collectivités.
Dans une métropole où la densification est souvent brandie comme nécessité écologique et sociale, cette décision rappelle qu’il ne peut y avoir d’aménagement durable sans sécurité publique. Et qu’un permis ne saurait se satisfaire d’un urbanisme à courte vue.
