À proximité du Parc des Gayeulles de Rennes se déroule un site remarquable : le Réservoir des Gallets. Ouvert spécialement pour les Journées Européennes du Matrimoine et du Patrimoine 2023, l’édifice souterrain fermé en 2012 est victime de son succès. Les visites sont déjà toutes complètes. Pour tous les déçus, Unidivers vous invite à une immersion dans l’ambiance intime du lieu à sept mètres sous terre. Une plongée dans le patrimoine insoupçonné de Rennes.
Imaginez-vous dans une grande structure souterraine illuminée légèrement par des puits de lumière. Amateurs d’architecture romane, les quelque 196 piliers mêlés à des contreforts qui supportent la structure sauront vous plaire. Ce bel endroit insoupçonné aux airs de cathédrale est le Réservoir des Gallets, situé à proximité du parc des Gayeulles à Rennes. Le site inaccessible au public est géré par la collectivité Eau du Bassin Rennais. Il ouvre ses portes uniquement pour les Journées Européennes du Matrimoine et du Patrimoine les 16 et 17 septembre 2023, mais victime de son succès, les réservations sont déjà pleines.
Le site est caché dans l’avenue du Gallet, en face du château d’eau. Il est difficile d’imaginer un tel édifice sous ses pieds, et pourtant, le champ qui parcourt la zone porte ses stigmates : des puits de lumière recouvrent la plaine, disposés géométriquement. Ce sont les seules sources de lumière du lieu souterrain. Certains sont ouverts, d’autres restent fermés. Au centre, l’entrée se fait par un escalier en colimaçon qui descend à 7 mètres sous terre : une fois muni d’un casque, il est temps d’entrer dans le monument…
Dans le réservoir, l’humidité de l’air frappe, la grandeur et la beauté intime de l’espace impressionnent. La collectivité Eau du Bassin Rennais a disposé des photos d’archives le long du chemin quadrillé : clichés des constructeurs, plans de la création, etc. De quoi revenir en images sur l’histoire de ce site.
L’alimentation en eau est un enjeu majeur pour la capitale bretonne dès le XVe siècle. L’incendie de 1720 qui ravage la ville finit d’en souligner les manques. Rennes est une des dernières villes qui ne possède pas son réseau d’eau et son approvisionnement se fait encore par l’intermédiaire de porteurs. Beaucoup d’activités se concentrent autour de la Vilaine et salissent le fleuve, impropre à l’usage. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, l’architecte Martenot, mandaté par le maire Robinot de Saint-Cyr, soumet un projet : approvisionner la ville avec l’eau de la Loisance et de la Minette, rivières du pays de Fougères. Première raison, les pompes ne seront pas nécessaires grâce à l’altimétrie entre les deux zones, Fougères étant plus en hauteur que Rennes. Deuxième raison, l’eau y est bien moins polluée.
Ce projet ne fait pas l’unanimité en terre bretonne, ce qui ralentit sa création. « Entre le moment où ils ont décidé et où ils ont créé un réservoir, il s’est passé 10 ans, en l’occurrence de 1873 à 1883 », indique Laurent Geneau, directeur général de la collectivité Eau du Bassin Rennais. Des tensions existent entre le pays de Fougères loyaliste et la capitale républicaine. Une déclaration d’intérêt publique paraît cependant en faveur de Rennes qui a besoin de cet approvisionnement. Un aqueduc de 45 kilomètres est créé et un premier réservoir est construit à son extrémité pour stocker l’eau.
L’unique réservoir de 14 000 m3 montre rapidement ses limites : les casses, les actes de vandalisme ou les interruptions involontaires de l’approvisionnement deviennent problématiques pour les habitants qui se sont habitués à recevoir de l’eau. La ville prend le parti de constituer des stocks plus importants : un deuxième réservoir – Le Réservoir des Gallets – est bâti en 1889 au terme de 14 mois de chantier avec la possibilité de stocker 20 000 m3. Il est construit sur un point haut de la ville à 3 kilomètres du centre pour faciliter l’écoulement.
Le lieu se compose de 196 piliers mêlant schiste et granit. La descente dans le réservoir se fait par l’escalier d’origine qui fait montre de sa résistance, même plus d’un siècle après sa mise en place. L’architecture évoque une cathédrale inversée : les contreforts dans un édifice religieux longent sa structure à l’extérieur. Dans le réservoir, les contreforts sont à l’intérieur pour pallier à l’action de la terre qui pousse les murs vers l’intérieur. Les voûtes le long des colonnes ajoutent un relief particulier à l’espace souterrain et des renforts perpendiculaires à l’axe principal apportent rigidité à la construction.
Le réservoir est en service depuis 1889, mais cesse d’être exploité en 2012. Son volume de stockage trop important (pour rappel, 20 000 m3) accueillait trop d’eau et ne permettait pas un renouvellement suffisant. « Quand vous laissez une eau stagner plusieurs jours, elle se dégrade et a des risques de contamination bactériologique », explique Laurent Geneau. Autre raison : les fuites d’eau. Un nouveau système de canalisation en fonte et de plus petite taille (5000 m3) est mis en place, mais l’ajout des pompes permet un plus grand débit. Pour ce qui est du réservoir des Gallets, la collectivité Eau du Bassin Rennais continue de le remplir avec une hauteur d’un mètre d’eau chaque année afin de maintenir une ambiance humide et d’éviter que les joints ne se dessèchent.
Il n’existe pas, pour l’instant, de projet d’ouverture plus large du site au public. « C’est un lieu qui ne peut pas accueillir beaucoup de groupes en même temps, mais ce qui fait son cachet est aussi son côté intime », ajoute-t-il. Seuls de petits chantiers de restauration du site ont eu lieu pour éviter les infiltrations du sol et la fragilisation des murs. Le long de certains murs, l’écoulement de l’eau se fait entendre. L’immersion est au rendez-vous.
Les Journées Européennes du Matrimoine et du Patrimoine 2023 sont un moment privilégié pour la collectivité Eau du Bassin Rennais : elles sont l’occasion de mettre en valeur cet édifice insoupçonné et de présenter leur travail à un moment où les sécheresses font émerger des questions liées à l’eau. « Le sujet de l’eau potable, ce n’est pas que faire des usines et des tuyaux, c’est un vrai sujet d’aménagement du territoire, de civilisation, de travail sur les comportements » précise Laurent Geneau. Un village est aménagé par la collectivité pour faire suite aux visites, avec au programme des animations guidées par un même courant : l’eau.
Texte : Sébastien Rousseau
Photographies : Emmanuelle Volage
A lire également sur Unidivers :