Le mot mortel a pris chez les jeunes un sens particulier pour désigner ce qui sort du lot. En cette acception, le film de Guillaume Kozakiewiez aborde un sujet vraiment hors-norme, celui d’Antoine Rigot, un mortel qui refuse les lois de la pesanteur et du handicap. Exercice sur le fil entre film et documentaire – périlleux !
Victime d’un grave accident en 2000, le funambule virtuose a décidé de dompter sa paralysie en la mettant en scène dans ses spectacles. « Quel courage », est-on tenté de dire. Mais l’homme réfute le terme. Antoine Rigot y voit une nécessité, « un instinct animal ». Ce cheminement laborieux pour le corps a été suivi par la caméra du réalisateur pendant plus de trois ans.
« L’aventure a commencé par ma rencontre avec Antoine lors de la présentation de Sur la route… avec la compagnie Les Colporteurs à Rennes en 2009 », se souvient le réalisateur. « La prise de contact fut facile, il nous proposa immédiatement de l’accompagner sur un bout de la tournée ». Inattendu quand on sait que les circassiens se méfient de la présence des caméras ! Mais le saltimbanque avait envie de « laisser des traces » et sans doute de témoigner sur la rééducation, sa douleur et sa grandeur. On le suit donc dans sa nouvelle création Le Bal des Intouchables, sorte de cour des miracles nomade où les corps brisés et les écorchés de la vie (se) reconstruisent l’équilibre en défiant ses lois.
L’intensité dramatique est portée à son paroxysme quand le funambule remonte sur le fil avec des béquilles géantes. Ce voyageur ailé, comme il est gauche ! Mais c’est un géant, indéniablement. Alors on aimerait que ses traces soient suivies par un maximum de rase-motte – le commun des mortels. Hélas, la bonne volonté et l’admiration du réalisateur ne suffisent pas – même avec une belle affiche et une photo parfois sublime. Pour passer du format documentaire à celui d’objet cinématographique, il faut un scénario.
La boite de production rennaise Vivement lundi ! a cru saisir l’opportunité de sortir de son domaine habituel (documentaires et films d’animation). Son directeur Jean-François Le Corre l’affirmait, lors de la première projection du film à Rennes : il a voulu « se lancer dans une aventure différente, faire en sorte que ce projet existe dans les salles comme un vrai film et non pas comme un objet d’animation culturelle ». Pourtant, il appert que Salto morale est un documentaire. Durée : 1 h 34. Trop long. Reste que quelque chose perdurera au-delà de cette aventure, c’est l’amitié. Antoine Rigot, un tantinet fataliste l’a dit : « en tous cas, j’ai gagné un bon copain ».
Salto mortale Guillaume Kozakiewiez
En salle depuis le 26 novembre 2014
Auteurs : Guillaume Kozakiewiez, Grégory Nieuvarts, en collaboration avec Anne PaschettaImage : Guillaume Kozakiewiez – Montage : Kamel Maad
France / Suisse – 2014 – 94′ – DCP
Production : Vivement Lundi ! (France), GroupeGalactica (France) et Caravel Production (Suisse)
Coproduction : Les Colporteurs et AGM Factory (France)
Distribution : Zeugma Films