Depuis près de deux décennies, Sammy Decoster poursuit sa route dans le paysage musical francophone. Après un premier album publié en 2009, l’auteur-compositeur-interprète a développé un style détonant, qui revisite avec élégance les codes de la folk et des musiques populaires américaines. 6 ans après son précédent opus Sortie 21, le voici de retour aux côtés de sa compagne Marion Perrichet, pour nous présenter sa dernière création : Digitale Sauvage. Un projet qui s’incarne dans un nouvel album sorti le 25 octobre 2024 sur le label Modulor.
Né en 1981 à Deauville, Sammy Decoster a succombé très tôt aux charmes et à l’imaginaire des grands espaces américains. C’est pendant son enfance, passée en partie à Montfermeil, qu’il fait une découverte des plus décisives : à 6 ans, le jeune garçon jette son dévolu sur une cassette d’Elvis Presley, qu’il trouve en explorant la collection familiale. Frappé par la voix puissante et profonde, du King, il connaît là son premier grand émoi musical, qui sera des plus marquants. Au fil du temps, il se constitue son propre panthéon auquel il ajoute plus tard les productions de Johnny Cash, ainsi que des groupes plus contemporains comme Sparklehorse et Calexico. Conjointement, il y développe également une affection pour la chanson de variétés des années 60 et 70, notamment au rythme des chansons de Jacques Dutronc et Françoise Hardy.
Fort de cette éducation musicale, le jeune Sammy commence à apprendre la guitare dès ses 13 ans, avant de créer ses premiers groupes pendant ses années lycée. Puis en parallèle à des études de géographie, il fonde en 2001 la formation Tornado avec quelques amis, s’illustrant alors dans un registre noisy folk. Dans le même temps, il accompagne le groupe Ultra Orange à la guitare et participe au premier album du duo parisien Verone. Trois ans plus tard, Sammy réalise un voyage qui l’emmène à Chicago et sur la mythique Route 66, sur la trace de ses premiers héros musicaux. Un périple presque initiatique, au cours duquel il écrit ses premières compositions personnelles, lançant ainsi sa carrière solo. De retour en France, il est ensuite signé chez le label Barclay sur lequel il dévoile en 2009 son premier album Tucumcari, du nom du désert mexicain qu’il vient de visiter. Cette sortie remarquée l’amène à réaliser sa première grande tournée à l’étranger et aux quatre coins de la France, foulant en outre les scènes du festival Art Rock de Saint-Brieuc et des Trans Musicales de Rennes.
Par la suite, Sammy Decoster ressent un besoin de rupture avec le rythme imposé par cette nouvelle carrière. S’installant dans le village de Voiron en Isère, il décide alors de suivre son propre tempo et d’emprunter des chemins de traverse, préférant se consacrer à des projets collectifs et avec des artistes de tous horizons. On le retrouve alors comme guitariste occasionnel pour Pomme, ou encore comme réalisateur artistique pour plusieurs artistes tels que Fredda et Karen Lano. C’est également dans ce contexte qu’il fonde en 2013 le duo Facteurs Chevaux avec Fabien Guidollet, ami de longue date et membre de Verone. Un projet pour lequel il enregistre deux albums publiés en 2016 et 2020, accompagnés de tournées menées sur des scènes atypiques telles que des grottes, des églises ou des refuges en montagne.
A la faveur de ces nouvelles expériences, naît chez lui le besoin de renouer avec son projet personnel, afin de donner un successeur à Tucumcari. Petit à petit, il créé plusieurs nouvelles compositions qu’il ébauche dès 2013 et qui viennent progressivement constituer son deuxième opus Sortie 21. Enregistré aux Waterwork Studios de Jim Waters, dans le désert de Tucson, il sort en 2018 sur le label La Grande Aux Belles/Modulor.
Salué par la critique, cet album comporte également quelques duos avec sa compagne Marion Perrichet, rencontrée quelques années plus tôt lors d’un concert. Jusqu’alors connue comme scénographe pour la danse, la musique et le théâtre, cette dernière est devenue au fil du temps sa nouvelle partenaire de chant, dotée d’un charme vocal qui l’inspire pour un nouveau projet. Nommée Digitale Sauvage, cette aventure donne lieu à plusieurs chansons composées entre 2021 et 2023, en partie pendant les deux derniers confinements de la crise COVID. Toutes sont désormais réunies dans un nouvel album, sorti le 25 octobre dernier chez Modulor.
Pour ce nouveau projet, Sammy Decoster s’est entouré d’une nouvelle équipe comptant près d’une dizaine de musiciens. Parmi eux, figure l’un de ses fidèles compagnons de route, le multi-instrumentiste Alexandre Viudès (ancien membre du feu collectif Wellbird), ainsi que l’Irlandais Connor Gallaher. En leur compagnie, le songwriter affine encore davantage la ligne artistique qu’il développe depuis ses débuts. Celle-ci se résume ainsi en une synthèse habile des éléments de la country, du folk et du rockabilly, dont les contours mélodiques et harmoniques sont revisités dans cet album avec beaucoup de créativité. Cette orientation esthétique brille également par sa riche palette sonore, qui se révèle dès le titre d’ouverture “Still Feelin’ Blue“. Cette mise en musique d’un texte de Jean-Marie Paillard se pare ici des délicats arpèges de guitare folk de Sammy, rejointes par les nappes de synthétiseur d’Alexandre Viudès et les solos aériens de Connor Gallaher à la pedal steel.
S’appuyant en outre sur un mélodisme ciselé, cette nouvelle création vient sceller les « noces musicales » unissant Sammy Decoster à sa compagne Marion Perrichet. A cet égard, le couple irradie d’une apparente symbiose artistique qui traverse tout l’opus. Elle se reflète ici dans l’interaction de leurs deux voix, qui se côtoient tantôt en harmonies, tantôt à l’unisson ou en dialogue. On constate alors à quel point le timbre grave et profond de Sammy se marie à merveille à la vocalité claire et captivante de Marion. Cette dernière, d’ailleurs, est davantage mise en exergue dans cet album, se détachant sur plusieurs morceaux comme “Si la nuit me ferme les yeux” ou encore la ballade “Oublie-moi”.
Sur le plan thématique, l’univers de cet opus est teinté de tons clair-obscur, délivrant une aura de mélancolie douce amère. De fait, l’écriture de ces nouvelles compositions a été rythmée par le contexte éprouvant des quatre dernières années, marqué entre autres par la pandémie de COVID 19 et le choc du début de la guerre en Ukraine. Cette création évoque notamment, en filigrane, l’ombre de la mort et le thème du deuil qui s’invite dans le texte de « Ton fantôme », premier extrait de l’album dévoilé le 26 juin dernier. Structuré autour d’un riff obsédant à la guitare électrique, il résonne comme un hommage à Dominique, la mère de Sammy Decoster, décédée en 2021 et à laquelle l’opus est dédié. Un titre dont le spleen élégiaque est ici adouci par les voix chaleureuses et les mélodies du duo. Il bénéficie également d’élégantes parties de cordes, via la contrebasse de Mathieu Denis et les sections de violons de Marie Lesnik. En somme, voici une catharsis du plus bel effet dont on aura du mal à se passer…
L’album Sammy Decoster & Digitale Sauvage est sorti le 25 octobre 2024 chez Modulor.
Disponible dans les bacs et sur les plateformes : ICI