Parmi les idées cadeaux pour faire plaisir à Noël, la bande dessinée occu^ une place de choix ! Avec en moyenne 20 sorties bd par jour, le choix est cependant colossal, alors lesquelles choisir ? Unidivers enfile son costume de libraire-lutin et vous guide dans ses coups de cœur de l’année 2024 pour vous aider à choisir.
Commençons par les adaptations de roman. Parmi elles, la bande dessinée La Route de Larcenet, publiée aux éditions Dargaud en mars 2024, bien sûr. L’ adaptation du roman post-apocalyptique de Cormac McCarthy, couronné par le prix Pulitzer en 2007, est un bijou graphique qu’il serait dommage de rater. Survivants de l’apocalypse, un père et son fils errent avec un caddie rempli d’objets hétéroclites dans un monde dévasté, couvert de cendres et de cadavres. Au fil des pages, les personnages évoluent dans l’univers de Larcenet, dans une tension de plus en plus accrue que les vignettes sombres, parfois éclaircies par une couleur qui apparaît, retranscrivent à merveille. La Route n’est peut-être pas une romance de Noël, mais c’est sans nul doute une histoire à mettre au pied du sapin ! (Lire un extrait)
Tant qu’on est dans les adaptations de roman, comment ne pas parler de la très récente publication Les Travailleurs de la mer de Michel Durand publié aux éditions Glénat en octobre 2024 ? Le dessinateur propose ici une version illustrée du roman de Victor Hugo (1866) d’une force graphique saisissante dans laquelle le noir et blanc construisent un univers maritime et industriel d’une grande beauté. Le style de Durand, des hachures faites à l’encre de Chine, transporte le lecteur dans la grandeur de la nature et le talent de l’illustrateur. (lire un extrait)
Il ne s’agit pas là d’une adaptation, mais l’inspiration n’en est pas moins littéraire. Dans Journal de 1985, publié aux éditions Sarbacane, Xavier Coste poursuit son immersion dans l’univers prophétique de George Orwell. Il imagine la mise en place d’un nouveau régime toujours soumis à l’oeil de Big Brother. Un monde dystopique glaçant et perturbant. (lire un extrait)
On change d’univers et de thème avec Le cas David Zimmerman de Lucas Harari et Arthur Harari aux éditions Sarbacane. Photographe désabusé, à la limite dépressif, David Zimmermann se laisse entraîner par son seul ami dans une soirée de réveillon qui, il ne sait pas encore, changera à jamais sa vie. Le lendemain, le trentenaire se réveille dans le corps de la jeune brune énigmatique qu’il a rencontrée la veille et avec qui il a passé la nuit.
Quand le scénariste oscarisé d’Anatomie d’une chute, Arthur Harari, retrouve son frère Lucas, cela donne une bande dessinée troublante. Les planches aux teintes bleutées vous embarquent dans un thriller intimiste qui aborde des sujets actuels comme la quête de l’identité et le genre.
Passons aux bandes dessinées qui puisent leur inspiration première dans le climat de la guerre ou en sont un témoignage. Les mauvaises herbes de Keum Suk Gendry-Kim se déroule en pleine guerre du Pacifique : des femmes coréennes sont enlevées pour devenir esclaves sexuelles de soldats japonais. Les Mauvaises herbes est un témoignage d’une survivante, puissante et inoubliable, réédité aux éditions Futuropolis.
L’histoire Deux filles nues de Luz, aux éditions Albin Michel, commence quant à elle en 1919 dans une forêt en bordure de Berlin, Otto Mueller peint alors Deux filles nues. De l’atelier de l’artiste aux murs du bureau de son premier propriétaire, le tableau observe le quotidien avant d’être emporté par les tribulations de cette période noire : l’arrivée d’Hitler au pouvoir, l’antisémitisme d’État, l’art moderne qualifié de « dégénéré » par les nazis, la spoliation des familles juives, les expositions, les ventes, les bûchers…
Luz plonge le lecteur dans un siècle d’histoire à travers les tribulations qu’a vécu ce tableau. Avec ce roman graphique historique, le dessinateur appelle à la plus grande vigilance face à toutes les formes de censures politiques et culturelles. (Lire un extrait)
On reste dans les sévices de la Seconde Guerre mondiale avec la série Madeleine Résistance, des éditions Dupuis. Née en 1924, la petite Madeleine Riffaud perd son innocence au début de la Seconde Guerre mondiale. Mais qu’importe, elle est de ce bois qui ne rompt pas et entre dans la Résistance. Dans ces pages où le bleu domine, le lecteur est happé par le trait de Morvan et la vie de Madeleine, par cette histoire qui nous livre un témoignage poignant.
Ulysse et Cyrano de Stéphane Servain, Xavier Dorison et Antoine Cristau ne parle pas de la guerre à proprement parlé, mais elle prend son point de départ dans les conséquences d’un choix fait durant cette période. Alors qu’Ulysse Ducerf va passer le bac, en vue d’entrer à l’école Polytechnique et de répondre l’affaire familiale comme le souhaite son père, ce dernier est accusé d’avoir participé à l’effort de guerre allemand 10 ans plus tôt. La famille s’installe en Bourgogne et Ulysse fait alors la connaissance d’un homme bourru et secret, Cyrano. Cette rencontre, qui lui ouvrira les portes de la grande cuisine, va bouleverser à jamais la vie d’Ulysse… La couverture de Ulysse et Cyrano promet de la douceur, de la tranquillité et elle tient ses promesses. Le récit dit tout de l’apprentissage du bonheur grâce à l’art culinaire et à l’amitié.
Avec Jesse Owens de Gradimir Smudja, aux éditions Futuropolis, il s’agit aussi d’histoire, mais l’histoire d’un sportif ! En racontant à sa manière l’histoire du quadruple champion olympique de Berlin en 1936, le talentueux dessinateur serbe, Gradimir Smudja, dit tout d’un destin unique et d’une époque marquée par la violence raciale. Une BD précieuse comme une médaille dorée à l’or fin.
Continuons avec un bande dessinée réalisée d’une main de maître par le Redonnais Christian Baudu et la Rennaise Julie Wo ! Dans L’Urgence de l’eau, enquête à la source, parue aux éditions Locus Solus en novembre 2024, le duo investigue sur la question de l’eau en Bretagne. Dans leur histoire, une journaliste et un écrivain arpentent, de manière ludique et simple, le chemin des connaissances sur la préservation de cette ressource si précieuse.
Nous finirons avec un ouvrage singulier. Carcajou de Eldiablo et Deroch, des éditions Sarbacane, se développe dans le mélange des genres et des sentiments. Polar, science-fiction, western, amour, haine, vengeance, féminisme, tout y est pour passer un bon moment de lecture.
Sélection du chroniqueur, spécialiste bd, Éric Rubert et article rédigé par Emmanuelle Volage