Le Solférino à Rennes : un bâtiment pensé pour durer… et se transformer

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rennes solferino

Inauguré le 17 septembre 2025 boulevard Solférino, le nouvel immeuble signé Parc Architectes pour ADIM Ouest (filiale de VINCI Construction) marque une étape dans la mutation d’EuroRennes. Derrière sa façade élégante et ses balcons filants, un pari audacieux : concevoir un bâtiment qui puisse changer de peau sans être reconstruit. Aujourd’hui, il abrite des bureaux. Demain, il pourrait devenir un immeuble d’habitation. L’idée est simple, mais ambitieuse : allonger la vie du bâti et s’adapter au rythme de la ville.

Avec ses 7 000 m² répartis sur huit étages et deux niveaux de sous-sol, le Solférino ne cache pas ses dimensions généreuses. En rez-de-chaussée, un local commercial de 250 m² anime la façade. Le bâtiment compte aussi 50 emplacements vélo et 47 places de stationnement. Mais c’est dans sa structure que se niche l’innovation : chaque plateau de bureaux pourrait un jour être découpé en 8 à 10 appartements sans qu’il soit nécessaire de tout démolir. Une architecture prête à se métamorphoser selon les besoins de demain.

Un démonstrateur sobre et intelligent

Conçu comme une vitrine des nouvelles manières de bâtir, le Solférino marie le bois et le béton bas carbone Exegy®, réduisant de près de 25 % les émissions de CO₂ par rapport à une construction classique. Sa dalle active — un réseau d’eau chaude et froide circulant dans l’épaisseur des planchers — chauffe l’hiver et rafraîchit l’été par inertie, sans climatisation. Sur le toit, près de 200 panneaux photovoltaïques couvrant environ 420 m² produisent une partie de l’électricité nécessaire au fonctionnement du bâtiment. L’ensemble vise le label E3C1 et la certification BREEAM® Very Good, gages d’une performance énergétique élevée et d’un recours accru aux matériaux biosourcés.

La dalle active, un plancher qui respire

Imaginez un plancher capable de stocker la chaleur du jour pour la restituer la nuit, ou de rafraîchir naturellement un plateau de travail sans ventilateur. C’est le principe de la dalle active : une inertie douce, silencieuse, qui stabilise la température. Moins de bruit, moins de consommation, plus de confort.

Un ancrage au quartier gare

Situé dans la ZAC EuroRennes, à deux pas de la gare et du métro, le Solférino s’inscrit dans le prolongement architectural du quartier. Sa façade joue avec les lignes du réseau ferroviaire tout proche : balcons filants, retraits d’étage, alternance de matières et de teintes sobres. À l’intérieur, le ton reste minimaliste : bois apparent, béton brut, métal et laine. Un langage architectural qui cherche plus la durabilité que la démonstration.

Rennes connaît aussi ses désillusions immobilières : trop de programmes neufs ont, ces dernières années, rogné sur la qualité des matériaux et des finitions pour préserver les marges, laissant des milliers de propriétaires découvrir un bâti qui vieillit trop vite. On espère qu’il n’en ira pas ainsi avec le Solférino. Pour tenir ses promesses, un projet comme celui-ci devra prouver dans la durée la tenue des matériaux, la rigueur des détails et la qualité du service après-vente — loin des slogans marketing qui saturent le marché rennais.

À l’heure où chaque mètre carré compte, le Solférino incarne une nouvelle logique urbaine : construire pour durer et pour changer. Plutôt que d’ériger des bâtiments figés dans une seule fonction, cette architecture réversible propose un modèle d’économie circulaire du bâti. C’est aussi une réponse à la crise du foncier : densifier sans bétonner davantage.

À l’usage : les forces et les fragilités

Sur le papier, le Solférino coche toutes les cases de la transition écologique. Mais la vraie épreuve sera celle du temps et des usages. Derrière la performance, plusieurs défis se dessinent.

Confort et adaptation

La dalle active promet un confort stable, mais son inertie exige une gestion fine des températures. En intersaison, elle peut réagir lentement aux variations. Les plateaux, conçus pour être flexibles, devront aussi prouver qu’ils sont réellement habitables : profondeur, luminosité, isolation phonique… autant de critères qui, demain, feront la différence entre un bureau transformable et un vrai logement. Et dans un quartier ferroviaire, la qualité acoustique sera déterminante.

Énergie et entretien

Les 200 panneaux solaires en toiture ne suffiront pas à couvrir tous les besoins : ils offrent une autonomie partielle. Quant à la dalle active et aux systèmes de gestion technique, ils demandent une exploitation rigoureuse : un bâtiment intelligent reste fragile sans exploitant compétent. Une GTB mal suivie, un filtre non changé, et les économies s’évaporent.

Vie urbaine et réversibilité réelle

Le rez-de-chaussée commercial de 250 m² est une belle promesse. Mais encore faut-il que le quartier vive autour. Sans chalandise ni commerces complémentaires, un rez-de-chaussée vitré peut vite devenir un espace vide. Et si un jour le bâtiment passe en mode logement, d’autres questions se poseront : stationnement, gestion des charges, copropriété, accessibilité PMR. La réversibilité technique est une chose, la réversibilité sociale et économique en est une autre.

Le Solférino est un signal fort : Rennes expérimente ici un modèle de construction capable d’évoluer avec son temps. Mais comme tout prototype, il sera jugé sur la durée. Son confort thermique, son pilotage énergétique et la vitalité du quartier seront les trois clés de sa réussite. Bâtir pour durer, oui — mais surtout, bâtir pour vivre.