La lumière que voient les morts, peut-elle être sonore ? En tout cas voilà bien le genre de musique qui pourrait traverser les sphères tant elle traverse (transverse) les influences, les sonorités et les couleurs. Soulsavers c’est tout d’abord une fine équipe britannique, l’alliage hors pair de Rich Machin et Ian Glover brillants, remixeurs de Starsailor et Doves en 2002. Depuis, ils ont réalisé sous le nom de The Soulsavers trois albums avant ce dernier.
Au fil du temps, ils ont su délaisser une électro un peu impersonnelle au profit d’une vision personnelle très charnelle, voire un peu mutantes. Plus brutes, plus noires, ils conjuguent avec un grand bonheur acoustique les radioactives sonorités abrasives.
Ils savent, en outre, renouer avec cette vieille tradition du producteur de génie qui se fait compositeur, arrangeur, ingénieur du son et qui sait magnifier le chanteur (quitte à le torturer un peu). L’alchimie, sur les deux albums précédents, avait déjà révélé de splendides paradoxes vocaux et harmoniques avec l’envoutant Mark Lanegan (ex-Screaming Trees, ex-Queen of the Stone Age…).
Pour cet album, la sombre et divine surprise vient d’une collaboration avec le sensuel Dave Gahan, le charismatique chanteur (de plus en plus émancipé, ses deux albums solo le démontrent à l’envi) de Depeche Mode ! La collaboration qui initialement devait se limiter à un titre a pris une ampleur sans précédent. La voix de Gahan, toujours plus suavement ondulante et profonde, se glisse avec une touchante simplicité dans les compositions de Machin et Glover qui, pour le coup, révèlent l’étendue de leur talent. Ça suinte, ça crisse, ça sanglote virilement dans les arpèges électriques déchirants, les harmonicas salement distordus qui égratignent, les pianos, les orgues et les cordes qui s’épanchent dans des harmoniques contenues savamment lointaines.
Seuls les choeurs très soul, apportent une touche de distance pacifiante dans ce flot délicieusement sombre de ballades folk-rock qui fleurent bon la poussière et la rocaille, le désert occidental réinventé des cités urbaines.
Une pérégrination folk-blues délicieusement pathétique et cradingue. Mais cradingue avec toute la classe dont sont capables d’excellents musiciens qui méritent bien d’être contemporain par cette compréhension intuitive et maîtrisée de l’esprit de synthèse du meilleur des styles anciens les plus enivrants.
Thierry Jolif