Déroute (2) est le prolongement d’une création de théâtre produite en 2009 à Rennes par l’Âge de la tortue et représentée en caravane pour un unique spectateur. Après avoir tourné le spectacle en France et en Espagne pendant trois ans, Paloma Fernandez Sobrino et son équipe ont donc présenté Déroute(2) une nouvelle version du spectacle, au théâtre du vieux St-Etienne à Rennes du 12 au 23 mai.
Pour une vingtaine de spectateurs cette fois, Paloma Fernandez Sobrino (jeu et mise en scène) et Justine Curatolo (chant) ont investi l’ancienne église du Vieux Saint-Etienne. Le titre énigmatique Déroute 2, le lieu mystique et l’atmosphère intimiste offraient un horizon pour le moins séduisant. Fausse route ou spectacle déroutant ?
Déroute 2, d’une manière sensible et originale relate la « déroute » d’une femme mariée. À travers cette histoire, il s’agit également d’apporter un regard sur la religion, de monter le chemin et la pensée d’une femme en crise face à sa culture. Ces thématiques offrent un grand nombre de pièges à éviter et paraissent difficiles à exploiter sans sombrer dans des clichés et autres approximations philosophiques. Plutôt qu’un message, Paloma Fernandez Sobrino propose au public une expérience sensible, un accès à la vie intérieure d’une femme partagée entre sa croyance et son rejet de la « tyrannie de la couleur blanche ». Là encore il ne faut se méprendre, la pièce ne parle pas de la femme en général mais d’une femme mariée, laquelle décide de briser le « blanc totalitaire » et entamer sa déroute.
La mise en scène épatante immerge le public restreint dans une atmosphère intime et mystique. En effet, les spectateurs assis en arc de cercle avec les deux artistes se retrouvent au cœur de la pièce ! À la lueur d’une bougie, le public découvre deux femmes en robe de mariée et la scène immaculée, entièrement recouverte par des traînes disproportionnées. Cette invasion meringuée de la scène rend malaisée les déplacements des deux femmes. Ainsi, la scénographie, en plus d’offrir un tableau esthétique remarquable, met en perspective le sens de la pièce en donnant à voir la lutte contre le « blanc totalitaire », physique et incarnée. Les mouvements chorégraphiés, animés par un chant lyrique saisissant, permettent de traduire le conflit intérieur que vit cette femme mariée partagée entre un désir de liberté et sa foi.
Cependant, les images projetées un peu plus tard dans le spectacle paraissent superflues et interfèrent dans l’atmosphère particulière créée plus tôt grâce au chant, à la chorégraphie et aux différents textes :
Le pouvoir miraculeux de l’eau de javel, le trousseau de mariage minutieusement préparé, la fatigue épuisée de ma mère, la distance avec la mort, le silence.
Paloma Fernandez Sobrino et son équipe proposent une pièce intéressante et bien pensée. Toutefois, une sensation de frustration se fait sentir à la sortie de la représentation. Essentiellement axé sur la féminité et le mariage, ce spectacle gagnerait en profondeur s’il exploitait davantage le rapport au divin, lequel n’est que trop esquissé en l’état. Encourageons ce beau spectacle à poursuivre son chemin.
Déroute (2) au festival les Tombées de la nuit à Rennes les 3 et 4 juillet 2015
Jeu et mise en scène : Paloma Fernández Sobrino
Jeu et chant lyrique : Justine Curatolo
Aide à la mise en scène / direction d’acteur : Nathalie Elain
Regard chorégraphique : Véronique Chabarot
Création musicale : Gaël Desbois
Création vidéo et création graphique : Antoine Chaudet
Costumes : Marijane Etienne
Régie et responsable technique: Mathias Hérard
Coordination de L’âge de la tortue : Céline Laflute