C’est Dominique A qui a lancé cette nouvelle édition des Tombées de la Nuit au Triangle (voir notre article), un lieu qui a cette année reçu bon nombre de spectacles. Outre la volonté d’occuper un lieu déjà riche, tant dans son implication à l’échelon du quartier du Blosne que dans ses capacités d’accueil, les Tombées de la Nuit ont proposé une programmation éclectique aux quatre coins de Rennes, du Thabor jusqu’au quai Saint Cyr. Retour sur une semaine d’évènements… bien arrosés. Un bon millésime.
Du cirque et des arts de la rue en pagaille
Que ce soit sous le chapiteau du cirque Galapiat (voir notre article), devant le trampoline du collectif AOC ou au milieu des balles de la Compagnie Poc, les arts circassiens et de rue ont été mis à l’honneur, les Rennais ont eu la possibilité de découvrir des techniques traditionnelles ou de retrouver une compagnie présente lors du dernier festival Mythos, les Femmes à Barbe. Le public a pu s’enivrer de l’ambiance des interventions publiques et plutôt familiales : voyance extralucide et humoristique avec Emma la Clown, fanfare à roulettes avec Glissssssendo II place de la Mairie, défiance des lois de la gravité avec Cavale au Thabor ou, encore, la célèbre pelleteuse de la compagnie Beau Geste place du Parlement. Il y avait de quoi s’amuser et s’émerveiller de 7 à 77 ans. Place Hoche se sont déroulés des travaux cocasses avec les artistes de 1 Watt. Tuyaux fumants, panneaux absurdes et tentative de détournement de circulation ont occupé le terrain pendant trois jours. Ah, si tous les travaux publics pouvaient s’avérer toujours aussi drolatiques !… Une mention particulière aux Grooms et leur volonté d’obtenir pour Rennes, à grand renfort d’opérettes comico-urbaines, le label de Ville heureuse – un spectacle participatif, enjoué qui a rayonné de toute sa bonne humeur dans une météo maussade.
Pour quelques notes de plus
Tout l’intérêt des Tombées de la Nuit réside dans le fait d’être un festival pluridisciplinaire. La carte musicale de cette année était variée et exigeante. De la chanson avec Dominique A, Marcel Kanche reprenant Léo Ferré, mais aussi le québécois Jérôme Minière, du rock avec Piano Chat, de l’électronique avec The Fakir, de la baraque Scooter à l’auditorium du Triangle, les mélodies ont résonné longtemps. Une part belle a été faite aux musiques du monde : le meilleur représentant du maloya, Danyèl Waro, un maître du tango, Melingo, ainsi qu’un duo familial, Pedro Soler à la guitare flamenco et son fils Gaspar Claus au violoncelle (qui pour cause d’intempéries ont improvisé avec la Brésilienne Dom), un trio à la chapelle du lycée Saint-Martin où avait joué trois jours plus tôt le guitariste Misja Fitzgerald qui rendait hommage à Nick Drake (voir notre article). Du bon niveau, de la pluralité, un pari réussi pour conquérir les mélomanes et qui s’est achevé le samedi à l’opéra par Aria 13, une performance pour chœur d’enfants, effets sonores et de mise en scène à l’appui.
Vendredi 6, annulations, mais… l’Article 13 reste en vigueur
17h30. C’est la tempête qui s’abat sur la baraque scooter du Thabor. Le manège installé en face est déserté. Tout le monde s’abrite comme il le peut. L’orage gronde et les Tombées de la Nuit lancent un avis de recherche après ce satané nuage responsable de ces perturbations. Le Deiz Noz annoncé place de la Mairie n’aura jamais lieu. Les Tombées de la Nuit sont alors évidemment rebaptisées Tombées de la Pluie. Comme dit le proverbe, le beau temps arrive ensuite. Cela sauve la première d’Article 13, l’installation gigantesque esplanade du Général de Gaulle. Des flammes, des récits d’immigrés, une boule géante qui s’embrase, un rideau de sable, la Compagnie Carabosse et le théâtre Linea de Sombra veulent interpeller sur la situation des migrants ; quelles frontières, quelles histoires, quelles réalités pour cet Article 13 qui stipule que « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. » Visuellement, c’est superbe. Humainement parlant, c’est difficilement supportable ; entouré de clôtures, il faut déambuler au cœur de l’installation, jouer avec des pantins désarticulés, entendre des récits violents, respirer ces cendres et cette odeur de brûlé, qui va bien au-delà qu’une simple représentation au pied du Liberté. Une ironie géographique ? Interrogation réussie. Fête à la grenouille, mais fête quand même.
Fête à la grenouille, mais fête quand même
Malgré le mauvais temps, cette nouvelle édition des Tombées de la Nuit, toujours bien travaillées dans la scénographie et la décoration, a ravi le public venu nombreux et resté curieux jusqu’au bout. Il y a eu des rires sous les parapluies et des enfants sautillants dans leurs bottes, des échanges entre artistes et auditoire, des apéros sur le gazon, de la création, de l’originalité, et plein de mousse sur la place des Lices – que demander de plus ? Du soleil l’année prochaine, certes, mais surtout de nouvelles découvertes pour investir Rennes, afin de regarder la nuit tomber le cœur léger.
Marie L.