Dans son cinquième roman publié en France, A la mesure de l’univers, l’écrivain islandais Jon Kalman Stefansson, poursuit sa quête de l’origine de la souffrance des hommes et de leur rédemption par les mots et la poésie. Un livre universel et exceptionnel.


Ainsi va la vie en Islande. Et ailleurs dans le monde. La violence et la souffrance se perpétuent comme une malédiction, chacun enfermant dans son âme des douleurs inavouées. Les femmes, ont en plus le malheur de souffrir de la violence des hommes, cette violence qui les fait subir leur autorité, leur puissance physique et sexuelle. Les portraits de Margret, grand-mère d’Ari, d’Anna amie de Jakob et tant d’autres éclairent le roman comme la lune, « portée par des chants d’oiseaux », embrase la voute céleste. Héroïnes de vie banale, elles seules osent vivre leurs sentiments, louvoyant à l’occasion, luttant toujours, perdantes souvent, mais gagnantes parfois.
Les décennies peuvent défiler, rien ne change dans le destin des hommes : le poisson demeure la raison de vivre d’une nation, les riches veulent conserver leur autorité, les pères veulent imposer leur volonté à leur fils, les mères se taisent et pleurent et il est toujours aussi difficile d’aimer. Difficile de pouvoir le dire et de l’écrire. Alors Stefansson le dit pour eux, avec des mots qui peuvent sauver la vie, les mots de la poésie, les mots pour décrire les seins de la bien-aimée :
Le droit
Il a la forme d’une planète
ou d’une chose qui me fait pleurer
il y a des étoiles au-dessus de ma tête
mon désir est la nuit qui le sépare.
Les mots de la neige, « cette blancheur tombée du ciel » ou de la nuit qui « inonde la maisonnée m’emplit de tout ce qui est, elle m’emplit d’une époque engloutie, de vie, de mort (…) ». On parle même parfois de Dieu ou de Jésus, mais parce qu’il faut bien nommer ce que l’on ne comprend pas, car les choses n’existent pas si on n’arrive pas à leur donner de nom : « A quoi servent les poètes s’ils ne sont pas capables de nous aider à vivre? ». Il faut les mots de Maïakovski repris par Stefansson, pour appeler un homme, « un nuage en pantalon », afin de ne pas effaroucher les femmes. Ainsi la poésie, vieille tradition islandaise, où les chansons rythment la vie du livre et du temps qui passe.

À la mesure de l’univers est le nouveau roman de Jon Kalman Stefansson paru aux éditions Gallimard dans la Collection « Du monde entier » en avril 2017, 440 pages, 22 €. Traduction Eric Boury.
Présenté comme une suite, ce livre peut se lire directement, sans aucune difficulté de compréhension. Les quatre ouvrages précédents, l’indispensable « Entre ciel et terre », « La tristesse des nages », « Le cœur de l’Homme », et « D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds », sont tous disponibles en collection de poche « Folio ».
