Est-ce que ça fait très mal de mourir ?
Oui, mais ça fait beaucoup plus mal de continuer à vivre.
(Survivor, Chuck Palahniuk)
Dans À nos pères de Tarik Noui, Lucius Marnant est un retraité qui sent bien que sa vie est au trois quarts derrière lui. Revenant d’un enterrement, Lucius fait la connaissance de Lahire un jeune homme plein de bagou qui lui propose d’améliorer son maigre quotidien en participant à des combats clandestins entre vieillards. Très vite Lucius prend goût à cette nouvelle vie, à l’argent et à l’oubli de soi et de la mort.
Parce que la vie c’est un combat et qu’être vieux c’est arrêter de combattre ! C’est se rendre ! Et se rendre c’est mourir. Alors, rappelez-vous chaque jour de ce que vous allez devenir ! Et tuez ce jour ! Tuez ce jour maudit ! Maintenant… ! Que le combat commence !
À nos pères est un roman fin de vie. Ou comment les personnages essayent de tromper la mort et de continuer à ressentir les choses, sentir les coups qui nous font rester en vie, rester debout. Tarik Noui interroge la condition des hommes, notre rapport à la mort quand notre corps nous déçoit, nous montre de la chair mole et ridée. Interrogation sur le but de la vie, une vie souvent simple et sans réflexion qui finalement se terminera de la même manière pour tout le monde.
L’auteur brosse le portrait d’une vieillesse attendant la mort, une vieillesse à l’abandon, laissée pour compte d’une société qui se complait dans la douleur des autres, les corps flétris sont là pour divertir une jeunesse doré, prête à tout pour du sang et de l’argent, pensant vivre en voyant la mort.
Tu veux quoi ? Que je retourne devant ma télé ? Que je retrouve mon pyjama et mes pantoufles ? Non ! Je préfère encore crever, tiens ! Regarde Lucius ! Regarde leur corps ! Regarde comme elles sont belles. On a envie de mourir dans leurs bras Lucius ! On est vieux dans sa tête Lucius…dans sa tête, c’est d’abord là qu’on meurt ! Alors s’il faut se battre, pour ça, je veux bien.
C’est drôle, tragique et d’une lucidité fulgurante sur le monde et l’humanité en déliquescence. La fin du roman touche au but, le désespoir s’exploite dans toutes les institutions, Lucius Marnant n’est finalement pas prisonnier, de sa condition, de sa vie…ce n’est qu’un être humain trimballant ses souffrances.
Tarik Noui réussit en moins de deux cents pages à nous confronter au miroir peu flatteur de la vieillesse, dans un style percutant, les phrases courtes ainsi que la répétition des mots, claquent comme autant de coups assénés sur ses protagonistes.
Au final À nos pères est un roman sincère et violent sur notre époque, notre condition d’être humain et notre rapport à la mort.
Le roman À nos pères est l’adaptation d’une pièce radiophonique pour France Culture.
À nos pères de Tarik Noui, éditions Inculte 2012, 194 pages, 14,90€