C’est dans un discret immeuble de la Place Honoré Commeurec à Rennes qu’une agence de notation internationale ouvre ses bureaux aujourd’hui. Pour noter quoi et comment ? Unidivers a enquêté.
L’Agence scandinave Fiskur & Ika est encore peu connue du grand public. Et pourtant, à l’image de la chinoise Dagong, Standard & Poors, Moody’s, elle offre les mêmes services que Fitch Ratings avec laquelle la municipalité de Rennes a lié son avenir en 2013. Quels services ? La notation de sociétés, États et collectivités afin de conseiller les établissements financiers. Les conseillers sont rarement les payeurs et les trois principales agences américaines ont régulièrement fait l’objet de critiques pour leur manque d’anticipation des soubresauts, crises et autres faillites façon Enron ou Lehman Brothers… Aussi peut-on s’étonner de voir cette agence s’installer en face des Halles Centrales d’une ville bretonne, bien loin des flux financiers internationaux…
Et pourtant… Il faut se souvenir que les spéculations financières se font aussi sur les denrées alimentaires, comme les ressources halieutiques, porcines, blé, maïs, etc. C’est justement l’une des spécialités historiques de Fiskur, devenue Fiskur & Ika en 1997 après le rachat de Ika Consulting, une société néo-zélandaise dont les activités étaient centrées sur l’Asie du Sud-Est. Selon le responsable, Alexandr Ryba, « l’implantation rennaise vise à se trouver au cœur de l’activité agroalimentaire et piscicole française, la Bretagne étant représentative de cette activité nationale en conjuguant les deux ». En fait, la direction de Stockholm a longtemps hésité entre Brest et Port-en-Bessin. Rennes a emporté la décision du fait de sa position centrale et de sa population estudiantine. F&I mise en effet sur une main d’œuvre jeune et dynamique.
Mais des voix s’élèvent déjà chez les riverains des luxueux bureaux de cette agence. Avant même l’ouverture officielle de l’Agence prévue aujourd’hui, ils ont vu débarquer depuis début mars des caisses de poissons et de légumes dans les bureaux et couloirs de l’immeuble, répandant peu à peu une odeur pestilentielle et développant la présence d’insectes et de rongeurs. Selon l’agence, il s’agit de comprendre les produits locaux et de mieux conseiller les clients internationaux qui souhaitent investir dans des microplacements. Pour ce faire, il est important « d’observer les processus de biodégradation des aliments pour bien cerner leurs résistance et qualité intrinsèques ». Les deux syndics ont été avertis par des plaintes répétées par la copropriété. Mais, curieusement, après une première montée au créneau, ces derniers se sont tus du jour au lendemain, laissant l’agence de notation continuer à entreposer des caisses de denrées dans les grands espaces communs de l’immeuble.
F&I a commencé depuis une dizaine de jours à noter chaque bateau de la flotte bretonne avec des suivis de rentabilité et de masse salariale. De quoi expliquer la soudaine présence d’opérateurs de saisie à chaque quai de débarquement des principaux ports bretons. Alexandr Ryba et sa directrice des ressources humaines Isabelle Peixe souhaitent d’ailleurs développer des antennes locales pour faciliter le flux d’information. Ils arboreront sans doute fièrement le logo de cette société, à la forme évocatrice.