Votre feuilleton de l’été, Les 11044 (4e chapitre)

Robert se mit à conter à Hélène l’histoire de l’Ordre des 11044. Il avait emprunté des chemins de traverse et des mots choisis pour en arriver peu à peu à la Prophétie. À une partie de la Prophétie. « Elle affirme qu’à l’ère du Verseau quand la dernière planète du système solaire sera découverte, un être humain de sexe féminin naîtra qui pourra ralentir le vieillissement de ses cellules non en “prélevant” régulièrement de l’énergie psychique chez les autres humains mais en se nourrissant de la seule énergie végétale. » Alors que le visage d’Hélène était passé phrase après phrase d’une légère circonspection à un profond scepticisme, ses derniers mots avaient trouvé in fine un écho favorable en elle.

De fait, depuis son enfance, mais principalement depuis sa crise de puberté, elle connaissait de fortes baisses de tension et des coups de fatigues que seul le contact avec la nature arrivait à endiguer, notamment dans le jardin fleuri de la maison familiale. Ses parents avaient conclu plus tard que les diverses cures de vitamines et fortifiants prescrites par leur médecin de famille l’avaient aidé à passer ce mauvais cap sans se douter du rôle de la soudaine passion de leur fille pour ces pots de fleurs, arbustes et autres herbes fines qui embaumaient sa chambre. Hélène n’avait jamais révélé son secret à personne.

 Alors qu’une orange se détachait d’une branche et tombait mollement à terre, elle fut prise de frissons. Elle se sentit piégée entre deux réactions possibles, chacune insatisfaisante : ou accepter cette histoire de vampirisations d’énergies, elle se nourrissait bel et bien de la vie des plantes et savait bien que son corps se transformait différemment depuis sa puberté ; la refuser, au nom de… de… la raison. De la raison, de la cohérence, du fait qu’elle a toujours gardé par-devers elle sa particularité. Mais puiser de l’énergie au contact des plantes et des arbres, ce n’est pas vraiment très rationnel… Hélène était prise dans une contradiction qui grandissait en elle et ne trouvait pas d’issue. Si, une seule : « Vous êtes un imposteur et un fou, laissez-moi ou j’appelle un gardien ! » –  menaça-t-elle en se relevant. Comme s’il s’attendait à pareille réaction, Robert tira de la poche intérieure de sa veste un fin poignard. Ses yeux devenus désespérément implorants se rivèrent à ceux d’Hélène qui s’écarquillèrent d’effroi quand il s’en transperça la main.

*

En fin d’après-midi, Robert revint à l’hôpital. Il affichait une décontraction étudiée, servie par un pas mesuré, en pénétrant le hall d’accueil. Ni de gauche ni de droite, personne n’était accouru se jeter sur lui et lui demander des comptes. À moitié rasséréné, il pria la préposée de prévenir Hélène que son oncle était en bas. Après avoir raccroché, cette dernière l’informa que sa nièce l’attendait et qu’elle descendrait d’ici quelques minutes. Robert ne put s’empêcher de pousser un soupir de soulagement. Il alla s’asseoir sur un siège de la salle d’attente. Il posa avec lenteur ses belles mains aux longs doigts fins et aux ongles manucurés sur ses cuisses. Son visage rayonnait sourdement d’une ancienne fatigue enfin apaisée.

Deux heures plus tard, un taxi les déposait sur un petit aéroport. Sur le tarmac, une élégante Indienne aux cheveux blancs, vêtue d’un sari de soie bleu ciel et les bras recouverts de bracelets d’ivoire les attendaient à l’entrée d’un triréacteur Falcon 900. Sa voix très douce leur souhaita la bienvenue une fois parvenus à hauteur du jet. « Il me tardait de te rencontrer, Hélène. Je m’appelle Amirtha. Et je suis sûr que nous allons très bien nous entendre ». Hélène ne sachant que répondre n’avait rien répondu. Les images de ses disparus étaient revenues la hanter tandis qu’elle pensait aux pièces vides qui l’attendaient à son retour dans la maison familiale. Robert avait coupé court à ce flottement : « Tous les documents sont-ils prêts, ma chérie ? » « Tout est prêt, nous pouvons décoller. » « Alors, c’est parti. Allons faire découvrir à Hélène la Prophétie gravée sur l’autel… du Temple de Jérusalem. »

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Retrouvez chaque vendredi un épisode des 11044. Cette histoire rédigée par Nicolas Roberti s’inspire d’Une aventure impromptue, un feuilleton écrit par Didier Ackermann directement selon les consignes proposées par le site Les Impromptus Littéraires. Découvrez un nouveau chapitre d’une aventure qui engage… l’avenir de l’humanité… Opera in progress…

 

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