La Banque centrale européenne recommande de conserver du cash à domicile

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monnaie europe liquide

Panne géante en Espagne, pandémie, guerre en Ukraine : l’argent liquide a prouvé son rôle de bouée de secours. L’institution monétaire européenne recommande désormais à tous d’en conserver un peu chez soi.

Une réserve minimale en liquide

La BCE recommande à chaque foyer européen de conserver un minimum de 70 à 100 euros en liquide et par personne à la maison – une somme pensée pour couvrir les dépenses essentielles en cas de crise. Dans une note publiée mercredi 24 septembre, l’institution explique que l’argent liquide constitue « une protection à faible coût contre une instabilité systémique majeure ».

L’idée n’est pas d’abandonner les paiements numériques, mais d’anticiper les imprévus : coupures électriques, cyberattaques, crises sanitaires. Comme on garde des conserves ou une lampe torche, il s’agit désormais de se doter d’un petit coussin de sécurité monétaire.

Le paradoxe du cash

Alors que les paiements dématérialisés progressent partout, l’attachement des citoyens européens à l’argent physique se renforce dans les périodes d’incertitude. La pandémie de Covid-19 avait déjà entraîné une explosion de la demande en billets (+140 milliards d’euros en 2020), et l’invasion de l’Ukraine par la Russie avait déclenché un bond de 36 % de la circulation d’espèces dans les pays frontaliers. Plus récemment, la gigantesque coupure électrique espagnole d’avril 2025 a démontré que, face à l’arrêt des transactions numériques, seuls les billets et pièces permettaient encore d’acheter.

Deux remarques de fond

Un enjeu monétaire sous-estimé : en cas de défaillance prolongée de l’argent numérique, la rareté des moyens de paiement physiques pourrait paradoxalement nourrir une spirale inflationniste inversée. Autrement dit, plus il y a de cash disponible dans la société, moins la pression inflationniste est forte en situation de blocage numérique, car les échanges ne sont pas artificiellement contraints par la rareté monétaire. Le billet devient alors non seulement une valeur refuge, mais aussi un stabilisateur économique.

Un contexte géopolitique aggravant : la probabilité d’un conflit direct avec la Russie a franchi un nouveau seuil, après plusieurs intrusions avérées de drones militaires russes dans l’espace aérien européen ces dernières semaines. Ces signaux de tension rappellent que des perturbations massives des réseaux électriques et numériques pourraient découler non seulement d’accidents ou de catastrophes naturelles, mais aussi d’attaques ciblées. La recommandation de la BCE prend donc une dimension stratégique : il s’agit de préparer la population à la possibilité de ruptures prolongées dans un climat sécuritaire plus incertain.

Sécuriser les infrastructures

La BCE en appelle enfin aux États et aux banques pour renforcer la résilience des infrastructures de paiement. La Finlande expérimente déjà des distributeurs hermétiques aux cyber-intrusions. Mais, dans l’immédiat, l’institution insiste : il ne faut ni accumuler des sommes importantes, ni céder à la panique. Conserver quelques billets dans un tiroir, comme on garde une réserve d’eau ou de médicaments, devient simplement un geste de prudence face à un monde moins stable.

Quand la peur fait la queue au distributeur

La recommandation de la BCE réveille un spectre ancien : celui des ruées bancaires (bank runs). Ces mouvements collectifs de panique surviennent lorsque les épargnants, craignant de perdre leurs dépôts, se précipitent massivement pour retirer leur argent liquide.

Or, les banques ne gardent en réserve qu’une petite fraction des dépôts : la plupart des fonds sont transformés en prêts, actifs financiers ou liquidités circulant dans le système interbancaire. Résultat : si trop de clients réclament leurs économies en même temps, même une institution saine peut vaciller.

Leçons de l’histoire

  • 1929, États-Unis
    La Grande Dépression entraîne des files interminables devant les guichets. Plus de 9 000 banques font faillite en quelques années.
  • 2008, Royaume-Uni
    La banque Northern Rock voit ses clients retirer 1,5 milliard de livres en trois jours. Première nationalisation bancaire depuis les années 1970.
  • 2015, Grèce
    Face au risque d’effondrement, le gouvernement plafonne les retraits à 60 € par jour. Les images de queues interminables devant les distributeurs font le tour du monde.

Chiffres

Bank runs célèbres :

  • 1929 (USA) → 9 000 banques disparues
  • 2008 (UK) → 1,5 Md £ retirés en 72 h
  • 2015 (Grèce) → retraits limités à 60 €/jour

Recommandation BCE 2025 :

  • 70 à 100 € en liquide par personne
  • Montant pensé pour 2-3 jours d’autonomie
  • Objectif : prévenir pannes, cyberattaques, crises sanitaires

Entre prévention et confiance

La BCE insiste : il ne s’agit pas de thésauriser mais de disposer d’une lampe torche monétaire. Quelques billets, comme une réserve d’eau ou de médicaments, pour garder une autonomie minimale en cas de choc. Mais l’équilibre est délicat : plus on parle de cash de précaution, plus on alimente la crainte d’un système fragile.

C’est tout le paradoxe actuel : rassurer les citoyens en leur conseillant de garder un peu d’argent liquide… sans donner l’impression que le numérique ou les banques ne sont plus fiables.

Cash, panique et guerre hybride : le scénario noir

La recommandation de la BCE tombe dans un contexte géopolitique plus explosif que jamais. L’intrusion récente de drones russes dans l’espace aérien européen n’est pas seulement un défi militaire : elle s’inscrit dans une logique de guerre hybride, où les cyberattaques, la désinformation et la déstabilisation économique sont autant d’armes que les chars ou les missiles.

Le risque d’un choc systémique

Une cyberattaque massive ciblant les réseaux électriques ou bancaires européens pourrait provoquer un effondrement temporaire des paiements numériques. Dans un tel scénario, la peur s’auto-alimenterait :

  • files interminables devant les distributeurs,
  • automates rapidement à sec,
  • rumeurs amplifiées sur les réseaux sociaux,
  • défiance vis-à-vis des banques et, à terme, des institutions européennes.

Un bank run déclenché par une attaque coordonnée pourrait devenir un outil redoutable pour affaiblir l’Europe de l’intérieur, sans tirer un seul coup de feu.

Un précédent : l’Ukraine

Depuis 2022, l’Ukraine a vécu ce type de stress permanent. Les Russes ont régulièrement tenté de paralyser ses infrastructures numériques et électriques, forçant une dépendance accrue au cash dans les zones frappées par les coupures.

L’Europe sur la ligne de crête

La BCE, en demandant aux ménages de conserver 70 à 100 € en liquide, joue une partie d’équilibriste. Il s’agit de préparer les citoyens à tenir quelques jours en cas de perturbation grave, tout en évitant de semer la panique. Mais ce « matelas domestique » est aussi un aveu implicite : le numérique, colonne vertébrale de nos économies, reste vulnérable.

Prospective

Si les tensions avec la Russie franchissent un nouveau seuil – sabotage de câbles sous-marins, cyberattaque contre Swift ou blocage des distributeurs – la demande de billets pourrait exploser. L’histoire l’a montré : en 2008 au Royaume-Uni comme en 2015 en Grèce, quelques jours de rumeur suffisent à créer un chaos bancaire.

Dans ce contexte, le billet de 50 € devient bien plus qu’un simple moyen de paiement : il se transforme en symbole de résilience en réponse aux incertitudes d’une guerre qui se mène autant dans les airs et les réseaux que sur les champs de bataille.

Eudoxie Trofimenko
Et par le pouvoir d’un mot, Je recommence ma vie, Je suis née pour te connaître, Pour te nommer, Liberté. Gloire à l'Ukraine ! Vive la France ! Vive l'Europe démocratique, humaniste et solidaire !